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Trouver une problématique

Au cours de la première étape de votre travail (la formulation du sujet), vous avez délimité le cadre du sujet et mis au jour le type de réponse attendu de votre part. Au cours de la deuxième étape (Rassembler ses connaissances), vous avez cherché la matière de votre réponse. Tous les éléments nécessaires sont réunis pour vous permettre de passer à cette étape brève, mais essentielle : la formulation d’une problématique.

N’oubliez pas qu’un sujet est une question, un devoir une réponse à cette question. Les questions peuvent être explicitement posées, c’est-à-dire appeler une question dont la réponse est immédiatement évidente (oui ou non ; x ou y), ou seulement implicitement. La problématique est une phrase qui doit figurer dans toute introduction, et qui vous permet d’exposer synthétiquement le fil conducteur de tout votre travail. Elle se présente en général sous la forme d’une question. Le but de cette séquence est de vous apprendre à formuler une problématique.

Les sujets à problématique explicite

Dans le cas des questions des deux premiers types (voir séquence 1, p. 9), la problématique est explicitement posée sous la forme d’une question ; cela ne signifie pas que vous n’avez plus rien à faire, car en aucun cas il ne faudra vous contenter de resservir en introduction le sujet qui vous a été proposé. La problématique est une explication, pas une exposition du sujet.

Développer la formulation du sujet

L’analyse du sujet effectuée au cours de la première étape a abouti à un certain nombre de questions sur le sens à donner aux mots dans le sujet. Les résultats de ces réflexions doivent figurer dans la problématique.

Le sujet « Peut-on expliquer une œuvre d’art ? » engage de toute évidence la notion du programme « L’art ». Cependant, vous avez dégagé au cours de la première étape de votre travail une analyse de ce qu’est susceptible de signifier « peut-on » : la pure possibilité (est-il possible d’expliquer une œuvre d’art ?) ou l’expression du droit (a-t-on le droit d’expliquer une œuvre d’art ?). Dans la mesure où vous aurez choisi de traiter le sujet selon l’un des deux sens de « pouvoir » ou les deux, votre problématique comprendra l’expression « Est-il possible… » et/ou l’expression : « a-t-on le droit… ».

La problématique est un développement du sujet.

Écarter les lieux communs

Plus un sujet semble simple à comprendre, moins est évidente la nécessité d’une reformulation problématique du sujet. En effet, un sujet apparemment facile est une question qu’il n’est apparemment pas nécessaire d’expliquer. Lorsque c’est le cas, le travail de la problématique consiste à écarter une compréhension trop commune et trop vague de la question, au profit d’une compréhension plus critique.

Le sujet « Parler, est-ce le contraire d’agir ? » appelle évidemment une réponse de type oui ou non. Il semble de surcroît parfaitement compréhensible par lui-même, dans la mesure où il évoque des lieux communs de type : la théorie et la pratique, les paroles en l’air et les faits, etc. Cependant, vous savez, contre ces lieux communs, que parler est une activité : parler est donc bien agir d’une certaine manière, des paroles sont des actes d’un type précis. Votre problématique prendra donc « agir » en un sens particulier ; vous opposerez par exemple « dire quoi faire » et « le faire », et non pas « paroles » et « actes ».

Dévoiler les enjeux de la question

Formuler une problématique, c’est montrer que l’on a compris le sujet posé et tout ce qu’il implique ; nul besoin en effet de l’avoir compris pour simplement le recopier dans une introduction. C’est qu’un sujet évoque des enjeux généraux qu’il expose rarement.

« Peut-on modifier le cours de l’histoire ? » : ce sujet évoque évidemment la notion du programme « L’histoire ». D’une façon plus précise, il fait appel à la notion de nécessité en histoire : la suite des événements historiques est-elle nécessaire, ou bien la liberté des hommes y dispose-t-elle d’une marge d’intervention ? Le sujet oppose donc les partisans d’un cours de l’histoire nécessaire et ceux d’un cours de l’histoire comme champ d’exercice de la liberté des hommes.

La problématique doit dévoiler les conflits qui prennent place autour de la question posée et les grands concepts autour desquels tourne la résolution de ces conflits (dans l’exemple cité, le concept de nécessité).

Reformuler un sujet

Lorsque le sujet comprend une problématique dite explicite, la problématique est une reformulation élargie du sujet. Plus longue que le sujet, la problématique rassemble toutes les données de votre analyse du sujet : elle le développe, l’épure et le dévoile.

Les sujets à problématique implicite

Les sujets des deux derniers types (voir séquence 1) ne se prêtent pas immédiatement à la problématisation, puisque la question qu’ils posent n’appelle pas une réponse contenue dans la formulation. Il ne s’agit donc plus de d’énoncer de façon plus approfondie la même question, mais de modifier sa formulation, afin de révéler le problème que le sujet cache.

Le sujet « À quels signes et comment reconnaissons-nous la vérité ? » n’appelle pas une réponse simple de type oui ou non. La notion en jeu est « La vérité » ; le problème, celui du critère de la vérité ; l’enjeu lointain du sujet est de savoir s’il y a bien des critères du vrai, selon lesquels nous pourrions être absolument certains de la vérité de ce que nous tenons pour vrai.

Une fois le sujet ramené à une question de type 1 ou 2, l’élaboration d’une problématique implicitement dans le sujet est la même que celle d’une problématique explicite.

Décoder une question philosophique

Les sujets des troisième et quatrième types évoquent des notions que vous avez identifiées au cours des séquences 1 et 2. Vos cours de philosophie de l’année vous ont familiarisé avec ces notions : vous êtes globalement au courant des grands débats qui se déroulent autour de chacune d’elles. Ces débats doivent former la matière de votre problématique, dans la mesure où les trancher permet de répondre à la question posée.

« Qu’est-ce qu’être démocrate ? » : cette question est du troisième type. La réponse doit être une définition, du moins une énumération de ce que l’homme démocratique est et de ce qu’il n’est pas. Votre devoir devra démontrer ce qu’il est mais aussi réfuter ce qu’il n’est pas : vous tenez là un débat. Être démocrate, c’est être pour le pouvoir du peuple : s’agit-il du pouvoir des hommes ou du pouvoir des citoyens ? En d’autres termes, le démocrate est-il pour que tout soit gouverné en vue des préoccupations particulières des individus, au risque de sombrer dans la démagogie, ou du bien universel des membres de l’État, au risque d’instaurer un régime totalitaire ?

La recherche d’une problématique est toujours celle d’un débat ; le débat doit constamment se ramener à une question du premier ou du second type, c’est-à-dire « oui ou non », ou encore « ceci ou bien cela ».

Formuler une question pertinente

Votre problématique doit viser juste : elle ne doit ni englober trop largement le sujet, ni le restreindre exagérément, ni traiter un autre sujet.

Les questions philosophiques paraissent s’appeler les unes les autres ; il semble qu’on soit renvoyé sans fin de la résolution d’une question à celle d’une autre question pour répondre à la question posée. Les débats ont l’air de s’imbriquer les uns dans les autres : le sujet est compris dans une question plus vaste, à son tour comprise dans une autre plus vaste encore. Comment s’arrêter ? La règle que vous devez suivre est toujours de prendre le sujet plus vaste immédiatement au-dessus de votre sujet ; vous ne devez chercher à répondre qu’à la question dont la résolution immédiate vous permet de répondre au sujet.

« À quelles conditions une autorité est-elle légitime ? » : le débat le plus immédiat que vous trouverez est celui qui oppose partisans d’une légitimité démocratique et partisans d’une légitimité technocratique. La condition de l’autorité légitime serait soit la faveur populaire, soit le savoir et la compétence. Cependant, que signifie démocratique ? La légitimité démocratique est-elle la caution des particuliers ou la conduite inflexible en vue du bien de la communauté ? Cette dernière question ne peut constituer votre problématique, car elle s’éloigne d’un degré de votre sujet, même si votre réponse en dépend sûrement.

Ce défaut reviendrait en somme à réduire un sujet à une question interne à celui-ci. Si vous parvenez à réduire le sujet à une alternative, c’est seulement dans les passages que vous consacrerez à l’un ou à l’autre des membres de cette alternative que vous devrez envisager les débats qui s’y produisent.

Dans le sujet précédemment énoncé, la problématique sera : l’autorité légitime est celle de l’homme du peuple ou celle de l’homme compétent. Au cours de votre examen de la première thèse, vous pourrez poser la question : l’homme démocratique est-il choisi par les individus ou bien est-il celui qui agit dans leur bien général, même contre leur avis ? Cependant, cette sous-problématique doit être traitée en rapport avec le problème de l’autorité légitime.

Vous devez dans un même esprit éviter les problématiques trop étroites, c’est-à-dire les débats dont la solution ne permettrait pas de répondre à la question du sujet.

« Pourquoi veut-on changer le monde ? » : si vous reformulez la question sous la forme : c’est ou bien parce qu’on s’y sent mal, ou bien parce qu’il est mauvais, vous excluez l’idée qu’on puisse le trouver bien, s’y trouver bien, mais vouloir le faire meilleur et s’y trouver mieux.

Un grand risque est de vouloir faire entrer à tort un sujet dans le cadre d’un débat qui agite bien une notion que le sujet fait entrer en jeu, mais qui n’est pas le débat en question.

Le sujet « Si nous désirons être libres, qu’est-ce qui nous empêche de l’être ? » n’est pas la question « Sommes-nous libres ou soumis à la nécessité ? ».

Vous remarquerez enfin que poser une problématique trop large, trop étroite ou à côté du sujet, est un seul et même défaut dont doivent déjà vous garantir les premières étapes de votre travail. Dans les trois cas, le risque est le hors-sujet ; c’est le bon sens qui doit vous garder de telles erreurs, accompagné d’un brin de culture philosophique. Votre préparation à l’épreuve du baccalauréat suppose, redisons-le, que vous soyez au fait des grands débats philosophiques qui ont lieu autour de chacune des notions de votre programme.

La problématique faussement évidente

Certaines formulations semblent opposer deux thèses et vous donner d’emblée une problématique et un plan qui en découle. Méfiez-vous des problématiques apparemment évidentes.

Le sujet « “Deux excès : exclure la raison, n’admettre que la raison.” Quelles réflexions vous suggère cette pensée ? » semble appeler la problématique suivante : faut-il exclure la raison ou n’admettre qu’elle ? En réalité, la pensée citée par le sujet affirme qu’il faut se tenir, en toutes circonstances, à l’écart de ces deux positions, qu’elle n’oppose pas mais juxtapose. Une problématique pertinente serait plutôt : devons-nous toujours nous tenir entre l’exclusion de la raison et la raison exclusive, ou bien y a-t-il deux ordres, l’un d’où la raison doit être exclue, l’autre où elle doit être exclusive ?

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