Lorsque nous découvrons un sujet, nous attachons immédiatement une certaine signification aux mots qui servent à sa formulation. Cette signification, plus ou moins précise, fait que nous comprenons d’une certaine manière, c’est-à-dire partiellement, le sujet. Si nous nous en tenions à cette première compréhension, nous aurions de fortes chances de laisser dans l’ombre toute une partie de la question.
Il faut donc commencer par chercher toutes les significations que les termes essentiels du sujet peuvent avoir, c’est-à-dire agrandir exagérément le champ de la recherche.
Ainsi, dans le sujet « Le propre de l’homme est-il d’avoir une conscience ? », le mot conscience peut être employé au sens où l’on dit aussi « perdre conscience » ou bien au sens où l’on parle de « la voix de la conscience ». Dans le premier sens, la conscience consiste à se rendre compte de la présence du monde ; dans le second sens, elle est la volonté en nous de bien agir.
Une fois le sujet généralisé par élargissement du sens des mots, il faut le rétrécir et choisir le sens principal. Il peut n’y en avoir qu’un possible.
Ainsi, dans le sujet « Suis-je ce que j’ai conscience d’être ? », conscience s’entend seulement au premier sens.
Il se peut que plusieurs sens soient possibles. Vous êtes alors libre de choisir celui qui vous semble le meilleur, à condition au moins d’évoquer l’autre sens possible et d’expliquer pourquoi vous l’écartez. Vous pouvez aussi chercher à traiter les deux sens, sous réserve de les dériver l’un de l’autre :
Dans le sujet « Le propre de l’homme est-il d’avoir une conscience ? », les deux sens du mot conscience conviennent : le sujet devient donc celui de l’exception humaine, soit par sa connaissance de lui et du monde, soit par sa moralité, soit les deux. S’il vous semble que ce qui caractérise l’homme, c’est plutôt la connaissance, il faudra vous débarrasser du second sens, sa moralité, non en le passant sous silence, mais en montrant par exemple qu’il découle du premier : puisque l’homme ne saurait avoir une conscience morale sans avoir conscience de son existence, il est plus fondamental qu’il ait une conscience en ce sens. Si au contraire le sujet vous semble plus pertinent sous l’angle de la conscience morale, il faudra par exemple écarter le premier sens en montrant que la conscience, dans ce cas, n’est en rien propre à l’homme.
Définir un mot revient souvent à le distinguer d’autres mots. Ainsi, une fois repérés les termes clefs du sujet, il vous faut chercher plusieurs termes de sens voisins, afin de les distinguer du terme choisi par l’auteur du sujet. Il faut lire un sujet comme si chaque mot avait été choisi contre tous ceux qui ont un sens voisin.
Dans le sujet « Le beau est-il universel ? », vous pouvez distinguer beau et œuvre d’art, beau et bien, beau et agréable, beau et joli, etc. Vous pouvez distinguer universel et général, universel et commun, etc.
Aucun mot employé dans l’énoncé d’un sujet n’est censé l’être en un sens technique propre à la philosophie ; tous les sujets sont formulés dans le français du sens commun. Dès lors, vous ne trouverez jamais de termes qui n’existent pas hors de la philosophie (« eidétique », « existentiel », etc.).
Vous devez toujours commencer par prendre les mots dans le sens qu’ils ont dans le langage courant. Nul besoin pour cela d’un dictionnaire : puisque ce sont des mots que vous utilisez, vous devez simplement chercher à coucher sur le papier le (ou les) sens dans le(s)quel(s) vous les utilisez.
Cette règle n’exclut pas l’éventualité de sujets à référence, citations ou allusions à un philosophe. Les citations sont toujours entre guillemets, les allusions ne sont pas signalées : les reconnaissent ceux qui connaissent la référence. On ne vous reprochera jamais de n’avoir pas reconnu une référence.
Ainsi, le sujet « L’homme est-il un loup pour l’homme ? » est une allusion à Hobbes ; le sujet « Peut-on dire, avec un écrivain contemporain, que “l’enfer, c’est les autres” ? » est une citation.
Si vous reconnaissez formellement une allusion ou une citation, il vous sera bénéfique de le montrer discrètement ; si vous connaissez toute l’analyse philosophique qui s’y cache, vous pourrez la développer dans le courant du devoir. En aucun cas, vous ne devez prendre le sujet exclusivement au sens exact et précis où l’entendait l’auteur de référence.
Au terme de votre réflexion sur la formulation du sujet, vous devez être en mesure de l’exprimer à nouveau avec vos propres termes. Vous devez apporter du soin à cette reformulation : dès qu’elle vous satisfera, vous pourrez la placer telle quelle dans votre introduction, à titre de question directrice du devoir.
Par exemple, le sujet « Y a-t-il une violence légitime ? » peut être reformulé, après analyse des notions de violence et de légitimité, de la façon suivante : « Peut-on de plein droit recourir à la force pour obtenir quelque chose, et sur quoi se fonde ou prétend se fonder ce droit ? »