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Saint Thomas d'Aquin : La nature de l'homme et la grâce de Dieu

Pour Thomas d’Aquin, il y a un profonde complémentarité entre la philosophie d’Aristote («le Philosophe») et la théologie chrétienne. L’une nous enseigne ce que la raison peut connaître sans la révélation religieuse; l’autre doit conduire cette philosophie au-delà de ce que la raison peut atteindre.

1. Foi et raison

A. La raison et la révélation

Il y a deux voies d’accès à Dieu: la raison et la révélation. La raison est la faculté de concevoir des idées. La révélation est la parole de Dieu lui-même, contenue dans l’Écriture sainte, à laquelle on adhère par la foi.

Il y a deux types de théologie (complémentaires): la théologie rationnelle démontre l’existence d’un être parfait que l’on appelle «Dieu» (les cinq voies*); la théologie révélée, étude rationnelle de ce que Dieu nous dit de Lui-même dans sa révélation, et que la raison ne peut démontrer a priori.

Il ne peut y avoir de contradiction entre la foi et la raison. Car la révélation, en laquelle on a foi, et la raison viennent de Dieu. Or Dieu ne peut se contredire. La foi apporte à la raison des vérités qu’elle ne peut découvrir, et qui la renforcent. Quant à la foi, la raison l’aide à se comprendre elle-même.

B. La foi, attitude rationnelle et vertu théologale

Alors que la raison est une faculté, la foi est une attitude de ­l’esprit. Elle consiste à croire de toute son âme à la vérité de certaines propositions. Elle a deux aspects: elle est un acte lucide et volontaire de l’intelligence, en l’absence de preuves ou de vision; mais elle est aussi un mouvement spontané de l’esprit, une certitude qui est un don de Dieu.

La foi n’est pas une naïve et passive crédulité: non seulement il y a des «raisons de croire», mais elle est un acte de la volonté qui vise le bien suprême. La foi est enracinée dans ce qu’il y a de plus profond en l’homme: le désir et l’amour de Dieu. Prendre conscience de ce désir inhérent à notre nature, c’est du même coup prendre conscience de son objet, sans pour autant le voir ni le connaître. Bref, c’est croire en Dieu.

2. La loi naturelle

A. Le bien moral

Saint Thomas intègre la morale et la politique d’Aristote dans le cadre du christianisme. L’homme a une fin: le bonheur céleste, qui est la vision béatifique de Dieu. Dans cet acte suprême de l’intelligence, l’homme accomplira sa nature: lui qui aime tant connaître les causes connaîtra la cause première de son être.

En attendant, l’homme doit vivre conformément à la raison, réceptif à la grâce qui le perfectionne, et le sauve. Les règles de l’action morale (ou «bien*honnête») sont connues par la raison pratique, dont la vertu propre est la prudence, faculté d’adapter la loi aux cas ­particuliers.

Les règles y sont inscrites par Dieu, conformément à ce qu’exige notre nature pour son bonheur, mais elles ne se présentent pas à la conscience comme «lois de Dieu». Autrement dit: l’athée peut agir moralement sans référence à Dieu, en inspectant sa raison, et suivre ainsi la loi divine sans le savoir.

B. Le droit naturel

Les règles de la vie sociale sont accessibles à la conscience de celui qui consulte la raison. Elles constituent la loi naturelle, à laquelle doit se conformer le droit politique réel. Cette loi naturelle fonde les droits naturels de l’homme, qui établissent ce qui revient de droit à chaque être humain, conformément à sa nature.

C’est un droit objectif; il n’a pas pour origine la revendication subjective de l’individu qui suit son désir, mais la nature politique de l’homme. Il consiste à donner à chacun ce qui lui revient selon la place qu’il occupe dans le Tout politique. Ainsi, le droit de propriété individuelle est reconnu, mais il est subordonné au bien commun, qu’il doit servir. Ce n’est pas la «liberté individuelle» qui le fonde, mais son utilité pour le bien de l’homme. Celui que la société laisse affamé a le droit de voler; ou plutôt, son vol n’en est pas un.

C’est la nature éternelle de l’homme qui fonde le droit naturel, pas la volonté majoritaire. Le droit en vigueur (ou droit positif) n’est pas nécessairement légitime au regard du droit naturel. Il y a des lois injustes, éventuellement voulues par la majorité. Dans ce cas, désobéir peut être un devoir.

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