La condition d’un travail réussi de mobilisation des connaissances est une bonne préparation à toutes les notions de votre programme. Une bonne préparation ne consiste pas en l’acquisition d’un savoir philosophique encyclopédique : il faut toujours être partisan de l’effort suffisant. Vous ne pourriez préparer tous les sujets qui peuvent tomber, puisqu’ils sont en nombre infini ; en revanche, vous devez vous préparer à l’ensemble des notions au programme. Être prêt sur toutes les notions, c’est avoir en tête, pour chacune d’elles, l’idée des débats ouverts à son sujet ou, mieux, le nom, au minimum, de deux ou trois auteurs qui se sont attachés à la traiter, ainsi qu’un aperçu de leur conception de cette notion.
Vous aviez justement dégagé, dans la phase précédente de votre travail (voir séquence 1), des notions liées au sujet. Ces notions peuvent correspondre dans votre esprit à des auteurs. Le travail de rappel par les notions doit idéalement aboutir au rappel d’auteurs ; à défaut, aboutir au rappel de leur position philosophique autour de la notion en jeu.
Nous vous proposons ici une récapitulation des notions du programme (de terminale L), avec les auteurs qui traitent ces notions. Vous pouvez bien sûr y ajouter des auteurs hors programme, s’il s’agit bien de philosophes. Ce n’est pas non plus parce qu’un auteur ne figure pas, dans cette liste, face à une notion qu’il est impossible de la traiter sans faire appel à lui !
Auteurs | Notions au programme |
ANTHROPOLOGIE, MÉTAPHYSIQUE, PHILOSOPHIE |
Platon. Aristote. Épicurisme. Le stoïcisme. Le scepticisme. Descartes. Pascal. Leibniz. Diderot. Kant. Hegel. Marx. Nietzsche. Freud. Husserl. Bergson. Heidegger. Sartre. Merleau-Ponty. |
AUTRUI | Platon. Aristote. Le stoïcisme. Pascal. Spinoza. Leibniz. Rousseau. Freud. Husserl. Heidegger. Sartre. Merleau-Ponty. |
BONHEUR (LE) | Platon. Aristote. Épicurisme. Le stoïcisme. Le scepticisme. Saint Augustin. Montaigne. Pascal. Spinoza. Leibniz. Diderot. Kant. Schopenhauer. Hegel. |
CONNAISSANCE DU VIVANT (LA) | Aristote. Descartes. Leibniz. Diderot. Kant. Comte. Bergson. Bachelard. |
CONSCIENCE (LA) | Saint Augustin. Montaigne. Descartes. Pascal. Spinoza. Malebranche. Rousseau. Hegel. Kierkegaard. Nietzsche. Husserl. Sartre. Merleau-Ponty. |
DÉSIR (LE), PASSIONS (LES) |
Platon. Aristote. Épicurisme. Le stoïcisme. Montaigne. Pascal. Descartes. Spinoza. Hume. Diderot. Rousseau. Hegel. Nietzsche. Freud. Sartre. |
DEVOIR (LE), VOLONTÉ (LA), PERSONNE (LA) |
Aristote. Le stoïcisme. Saint Augustin. Descartes. Pascal. Spinoza. Malebranche. Rousseau. Kant. Schopenhauer. Hegel. Bergson. |
DROIT (LE), JUSTICE (LA) |
Platon. Aristote. Saint Thomas d'Aquin. Machiavel. Pascal. Hobbes. Spinoza. Locke. Hume. Montesquieu. Diderot. Rousseau. Hegel. Marx. Nietzsche. Bergson. |
ESPACE (L'), PERCEPTION (LA) |
Platon. Aristote. Le scepticisme. Descartes. Leibniz. Berkeley. Hume. Kant. Husserl. Bergson. Merleau-Ponty. |
HISTOIRE (L') | Saint Augustin. Machiavel. Rousseau. Kant. Schopenhauer. Hegel. Comte. Marx. Bergson. Sartre. Merleau-Ponty. |
ILLUSION (L') | Platon. Épicurisme. Le scepticisme. Spinoza. Berkeley. Kant. Marx. Nietzsche. Freud. Husserl. |
IMAGINATION (L') | Aristote. Le stoïcisme. Montaigne. Descartes. Pascal. Spinoza. Malebranche. Hume. Sartre. |
INCONSCIENT (L') | Leibniz. Nietzsche. Freud. Bergson. Bachelard. Sartre. |
IRRATIONNEL (L'), SENS (LE), VÉRITÉ (LA) |
Platon. Le scepticisme. Montaigne. Aristote. Le stoïcisme. Saint Augustin. Descartes. Spinoza. Leibniz. Berkeley. Kant. Schopenhauer. Hegel. Nietzsche. Husserl. Bergson. Bachelard. Heidegger. |
JUGEMENT (LE), IDÉE (L') |
Platon. Aristote. Le stoïcisme. Le scepticisme. Saint Augustin. Montaigne. Descartes. Spinoza. Malebranche. Berkeley. Hume. Kant. Husserl. Heidegger. |
LANGAGE (LE) | Platon. Aristote. Saint Augustin. Hobbes. Descartes. Berkeley. Rousseau. Nietzsche. Heidegger. Merleau-Ponty. |
LIBERTÉ (LA) | Aristote. Le stoïcisme. Descartes. Spinoza. Leibniz. Montesquieu. Diderot. Rousseau. Kant. Hegel. Nietzsche. Sartre. |
LOGIQUE ET MATHÉMATIQUE | Platon. Aristote. Descartes. Pascal. Leibniz. Kant. Comte. Husserl. |
MÉMOIRE (LA), TEMPS (LE) |
Platon. Aristote. Saint Augustin. Pascal. Descartes. Leibniz. Kant. Kierkegaard. Nietzsche. Freud. Husserl. Bergson. Heidegger. |
MORT (LA), EXISTENCE (L') |
Platon. L'épicurisme. Le stoïcisme. Montaigne. Pascal. Spinoza. Leibniz. Schopenhauer. Kierkegaard. Heidegger. Sartre. Merleau-Ponty. |
NATURE ET CULTURE | Platon. Hume. Diderot. Kant. Rousseau. Freud. Merleau-Ponty. |
POUVOIR (LE) | Platon. Aristote. Saint Augustin. Machiavel. Hobbes. Locke. Montesquieu. Rousseau. Hegel. Comte. |
RELIGION (LA) | Saint Augustin. Saint Thomas d'Aquin. Machiavel. Pascal. Diderot. Rousseau. Hegel. Comte. Kierkegaard. Nietzsche. Marx. Freud. Durkheim. Bergson. |
SOCIÉTÉ (LA), ÉTAT (L') | Platon. Aristote. Saint Augustin. Hobbes. Spinoza. Locke. Hume. Montesquieu. Rousseau. Kant. Hegel. Comte. Marx. Durkheim. Bergson. |
TECHNIQUE (LA), ART (L') |
Platon. Plotin. Aristote. Descartes. Diderot. Kant. Schopenhauer. Hegel. Nietzsche. Freud. Bachelard. Heidegger. Merleau-Ponty. |
THÉORIE ET EXPÉRIENCE | Aristote. Pascal. Spinoza. Leibniz. Kant. Comte. Husserl. Bergson. Bachelard. |
TRAVAIL (LE), ÉCHANGES (LES) |
Platon. Aristote. Locke. Rousseau. Comte. Marx. Durkheim. |
VIOLENCE (LA) | Platon. Machiavel. Hobbes. Pascal. Rousseau. Hegel. Marx. |
Attention : ce n’est pas parce qu’un auteur figure dans cette liste face à une notion qu’il est toujours possible de traiter avec lui tout sujet en rapport avec cette notion.
Ainsi, Freud figure face à la notion « Nature et culture ». Il est pourtant très difficile de traiter à partir de cet auteur un sujet comme « Pour quelles raisons devrait-on respecter la nature ? ».
Enfin, les notions peuvent renvoyer à des idées que vous avez retenues de vos cours, des observations personnelles à leur sujet. Notez tout ce matériel sans critique ; il faut toujours commencer par récolter le plus possible.
C’est un bon moyen de compléter les éventuelles lacunes d’un devoir que de prendre systématiquement les idées générales d’un auteur sur un sujet et de les contredire à la lettre. La thèse, appelée « antithèse », qui en résulte vous évoquera peut-être un nouveau texte, un nouvel auteur, une nouvelle idée, une nouvelle observation personnelle, auxquels vous n’aviez d’abord pas pensé.
Le sujet « Y a-t-il des vérités immuables ? » vous a fait penser à la doctrine des idées de Platon. En la contredisant, vous envisagez la thèse selon laquelle tout est en devenir : le nom d’Héraclite vous vient alors à l’esprit, ainsi que sa phrase : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. »
Les mots clefs que vous avez dégagés du sujet peuvent renvoyer directement à des auteurs. Ici encore, vous devez associer au nom de l’auteur une conception générale de l’idée désignée par ce mot.
Au mot clef « science » vous pouvez associer par exemple le nom de Bachelard ; à « inconscient » vous associerez Freud ; à « injustice », Platon ; à « cruauté », Machiavel ; etc.
Certaines idées qui vous sont venues au cours de l’analyse du sujet peuvent renvoyer dans votre esprit à certains textes, auteurs, cours ou observations personnelles. Vous noterez ainsi les distinctions faites par des philosophes entre des mots, la définition qu’ils en donnent, les citations éventuelles que vous connaîtriez et qui sont en rapport avec le sujet ; les réflexions que vous avez lues, entendues ou que vous vous serez faites à vous-même. D’une façon générale, vous noterez aussi les ouvrages littéraires, les légendes, les mythes, les faits historiques qui vous semblent illustrer un aspect du sujet.
Devant le sujet « À qui suis-je forcé d’obéir ? », vous penserez par exemple à la distinction de Rousseau entre « obliger » et « forcer ». Au sujet « L’État doit-il respecter la morale ? », vous pouvez penser à l’histoire d’Antigone.
La meilleure méthode pour penser à tout, c’est de faire, au cours de l’année, l’exercice suivant : face à une liste des œuvres littéraires que vous connaissez, vous poserez la liste de sujets proposés au bac. Pour chacune des œuvres en question, vous chercherez à la mettre en rapport avec chacun des sujets, afin qu’elle l’illustre ou qu’elle en fournisse un exemple. Ce petit exercice vous accoutumera à tirer le maximum de profit du capital des lectures, même maigre, que vous avez accumulé au cours de toute votre scolarité.
Vous pourrez faire le même exercice lors de la révision d’un cours, à partir de la liste des sujets (voir annexe p. 91).
La mobilisation des connaissances vous a permis de chercher au plus large ; il s’agit à présent d’éliminer ce qui n’aurait pas dû être sélectionné. Cette étape importante vise à vous épargner le danger du hors-sujet.
Les mots qui vous sont venus par association et qui, en définitive, renvoient aux idées des auteurs doivent être soumis au même examen minutieux que les mots de l’énoncé du sujet ; il s’agit de voir si l’association n’est pas arbitraire. Une association injustifiable aboutit à une sortie du sujet, dont les conséquences sont plus ou moins graves.
Par exemple, le sujet « La science économique est-elle un facteur de progrès social ? » peut vous suggérer des termes comme « fracture sociale », « mondialisation ». Ces concepts n’appartiennent pas au champ de la philosophie et vous entraîneraient dans un article de journal ou un discours politique.
C’est probablement l’erreur la plus fréquente à l’origine des hors-sujet. Tout se passe comme si la force propre d’une connaissance bien acquise ou d’un thème fétiche poussait pour entrer dans le devoir par n’importe quel moyen.
Supposons que vous avez été passionné par le cours sur le langage. Vous tombez sur le sujet « Qui parle quand je dis “je” ? », et vous voulez recaser ce que vous savez sur les langues des aborigènes et le langage des abeilles. Malheureusement, c’est moins un sujet sur le langage et la parole, qu’un sujet sur la conscience.
Il est sans doute difficile de distinguer ce qui est une marotte de ce qui constituerait un rapprochement astucieux. En tout état de cause, si une idée vous semble bien se rattacher au devoir et qu’elle vous tient à cœur, méfiez-vous-en. Dans le doute, la meilleure méthode consiste à la garder pour la fin du devoir, et à essayer de le construire entièrement sans elle. Si elle vous semble alors toujours en harmonie avec le reste, réservez-lui une place de choix dans la troisième partie de votre dissertation.
Vous avez abouti, lors de la mobilisation des connaissances, au rappel de noms d’auteurs, assortis de la notion générale de leur pensée sur la question posée par le sujet. Puisque ici encore vous avez cherché à ratisser le plus large possible, vous devez à présent exercer votre sens critique. Les auteurs rattachés à une notion ne traitent pas forcément d’une question que vous avez liée à cette notion.
Le sujet « L’homme moderne peut-il et doit-il faire l’expérience du sacré ? » se rapporte à la notion « La religion ». À cette notion peut être lié le nom de Machiavel. Machiavel cependant n’apporte aucun élément de réponse à cette question, puisque la religion ne l’intéresse que dans son rapport à la politique.
À nouveau, c’est là un danger de hors-sujet. Si, en revanche, vous avez suffisamment d’habileté pour démontrer un lien essentiel entre ce que dit l’auteur et la question posée, vous y gagnerez en originalité ; mais c’est là un procédé très risqué, que vous ne devez employer que dans la mesure où vous êtes véritablement sûr de vous. Prenez, quoi qu’il en soit, les précautions énoncées plus haut. La place que l’on fait, dans une dissertation, à une idée originale doit toujours être réduite, afin qu’elle ne pénalise pas trop si le correcteur la juge hors sujet.
Une observation personnelle ne doit pas entrer dans un devoir si elle concerne quelque chose qui vous semble intime. La réflexion du candidat doit toujours être universelle, et chacun devrait être capable de concevoir la même idée.
Sur le sujet « Le silence signifie-t-il toujours l’échec du langage ? », vous pouvez vous faire la réflexion suivante : mon meilleur ami et moi, nous nous sommes compris sans parler le jour où sa petite amie l’a quitté. Il faudra formuler cette observation de la façon la plus générale possible, par exemple de la manière suivante : « Qui n’a pas éprouvé un jour que la détresse s’exprime souvent mieux dans le silence ? », ou encore : « Chacun observera que des amis chers se comprennent sans se parler ».
Rares sont les observations personnelles qui ne peuvent entrer dans un devoir ; ne vous exprimez jamais en votre nom, même si vous parlez de vous. Il faut à tout prix éviter d’énoncer une règle générale en imaginant qu’évoquer quelque chose de très intime permet d’accéder à l’universel.
Un sujet qui concerne la mort peut vous toucher très profondément. Évitez cependant toutes les formulations qui semblent vouloir dire : « Moi je sais ce que c’est plus que les autres. » Si vous avez perdu un être cher, ou failli mourir un jour, pensez que votre correcteur a peut-être perdu un être plus cher encore, ou qu’il est atteint d’une maladie incurable.
Ne pensez jamais, ne laissez jamais voir que vous estimez que votre cas est très spécial.
Puisque la dissertation se constitue dans l’idéal à partir du souvenir de textes, la mémorisation doit aboutir dans l’idéal au rappel de ces textes. Ne croyez pas qu’il s’agit d’un idéal inaccessible ; ne croyez pas qu’il est donné à quelques êtres exceptionnels de se souvenir de tout ce qu’ils ont lu. Mieux vaut en avoir lu peu et savoir bien s’en souvenir qu’en avoir lu beaucoup et être incapable de se le rappeler. La meilleure façon de se remémorer des textes qu’on a lus, c’est de les avoir lus efficacement. Il convient ici d’exposer quelques conseils de lecture qui vous permettront de savoir utiliser des textes philosophiques.
À moins qu’il vous naisse une passion dévorante pour la lecture d’un auteur philosophique, vous n’avez pas à lire in extenso ses œuvres pour être en mesure de parler de lui dans votre dissertation. Cela serait de surcroît une perte de temps pour la préparation de l’épreuve, si enrichissant que cela puisse être pour la poursuite de votre carrière philosophique. Disons-le une bonne fois pour toutes : pour préparer l’épreuve de dissertation du baccalauréat, vous devez avoir lu, sur toutes les notions à votre programme, exclusivement ce qui est utile et utilisable. Il faut privilégier la lecture approfondie de textes courts, d’un paragraphe à quelques pages.
Le choix des textes doit reposer sur le matériel dont vous disposez. Vous pouvez vous appuyer sur les textes conseillés par votre professeur, ceux qu’il vous a distribués, ceux que vous trouvez dans vos manuels, ou encore ceux que vous pourriez trouver dans des livres d’auteurs, à partir d’un index final ou de la table des matières.
La lecture d’un texte doit toujours se faire dans une pleine concentration ; puisqu’il est court, vous pouvez vous questionner sur chaque phrase, chaque mot important. N’hésitez pas à porter des notes sur vos textes, afin de vous souvenir de vos réflexions lors de la révision. Cherchez à faire des parallèles avec d’autres textes du même auteur ou sur le même sujet.
À la fin de la lecture d’un texte, il faut impérativement faire l’exercice suivant : poser, en face de ce texte, une liste de sujets du baccalauréat (voir annexe p. 91) ; pour chacun d’eux, posez-vous la question : « Puis-je utiliser ce texte pour ce sujet ? », et notez à côté du texte les sujets qui conviennent. Le jour de l’épreuve, vous pourrez l’utiliser avec d’autant plus d’efficacité, qu’il vous viendra à l’esprit facilement.
Au cours de l’année, vous aurez lu des textes courts sur tous les thèmes du programme ; pour avoir à dire sur tous les sujets, il faudra bien entendu vous en souvenir. Il est donc indispensable de réviser ces textes.
Il vous faudra une à deux bonnes semaines pour réviser efficacement ; nous vous conseillons de ne pas réviser à temps plein la philosophie.
La révision est simple : relisez les textes et refaites l’exercice de fin de lecture sans regarder la liste à laquelle vous aviez déjà abouti au cours de votre première lecture. Comparez ensuite les deux listes : si la seconde est moins importante que la première, vous avez sans doute fait l’exercice moins attentivement ; si elle est plus importante, vous avez probablement mieux compris l’exercice.