Pétri d’économie politique anglaise (Smith, Ricardo), Marx en élabore une critique, qui vise à montrer que les prétendues lois naturelles de l’économie ne sont que des lois historiques, instituées, cachant l’exploitation du travail par le capital.
Le patron possède le capital (ensemble des moyens de production: machines, matières premières, argent…). Il achète la force de travail de ceux qui n’ont rien, les prolétaires, pour produire des marchandises et les vendre avec profit. La question est: d’où vient le profit? La réponse exige un détour par la théorie de la valeur.
Tout bien a une valeur d’usage (ou utilité). Mais pour l’échanger contre un autre, il faut une unité de mesure, quantitative et commune, qui permette la comparaison. Or, le point commun des marchandises est le travail incorporé en elles. La valeur d’échange d’une marchandise résidera donc dans la quantité de travail nécessaire à sa production.
Le patron paie la force de travail comme une marchandise. Que vaut-elle? La quantité de travail qu’il faut pour la produire, ou plutôt la reproduire: il donnera donc à l’ouvrier le nécessaire pour reconstituer sa force de travail pour le lendemain (salaire). Ce minimum est fonction des mœurs, de l’économie.
Mais la force de travail est une marchandise extraordinaire, qui produit de la valeur, et une valeur plus élevée que sa propre valeur de marchandise. La différence entre la valeur produite par le travail et le salaire est la plus-value*, extorquée par le capitaliste. C’est la source du profit. L’exploitation est dissimulée, car on confond valeur de la force de travail (= salaire) et valeur de ce qui est produit par elle.
Ainsi l’ouvrier travaille-t-il en réalité une partie de la journée pour lui (travail nécessaire à sa reproduction = salaire), et l’autre pour le patron (surtravail). Il s’agit d’un vol pur et simple, sous les apparences d’un échange marchand (travail contre salaire).
Le patron cherche à augmenter son profit, soit en allongeant la journée de travail, soit, surtout, en augmentant la productivité (volume de production/heure de travail). Mais cette dernière solution implique l’achat de machines, donc des investissements.
Cette course à la productivité, intensifiée par la concurrence, tend à faire augmenter dans le capital la part des machines. Mais les machines ne produisent pas de survaleur, comme le travail. Le taux de plus-value a donc tendance à baisser, entraînant la baisse du taux de profit. Il devient de plus en plus difficile de rentabiliser les investissements.
Pour maintenir le taux de profit, il faudrait baisser les salaires continûment, mais cela aurait un grave effet pervers: si la masse des travailleurs n’a pas d’argent, comment écouler les marchandises?
Il est vrai que la hausse générale de la productivité, en abaissant le coût des biens de consommation, rend moins coûteux l’entretien des ouvriers, donc permet d’abaisser le salaire réel. Mais cette baisse est insuffisante, selon Marx, pour pallier le coût croissant de l’investissement qui l’a rendue possible. Il semble donc que le taux de profit soit condamné à une baisse tendancielle constante. La logique même du capitalisme (augmenter le profit) le conduit à son autodestruction nécessaire.
Les prévisions de Marx se sont révélées fausses; il a sous-estimé les capacités de résistance et de métamorphose du capitalisme. Il a soulevé de vraies difficultés dans son fonctionnement, mais nullement prouvé la nécessité de son autodestruction. Il semble que les exigences morales du révolutionnaire l’aient poussé à transformer en vérités nécessaires les simples hypothèses du scientifique. Ainsi la science économique semblait-elle confirmer admirablement l’indignation morale et justifier la lutte politique.