Freud ne prétend nullement faire œuvre de philosophie. Son œuvre est médicale; c’est par l’extension de ses objets, et la conception générale du phénomène humain qui la fonde, que la méthode psychanalytique se rapproche de la philosophie. S’intéressant avant tout aux phénomènes de l’âme, elle ne se contente pas de les décrire, mais tâche d’en donner une interprétation en termes de conflits entre des forces fondamentales, dans un but thérapeutique.
La psychanalyse cherche à faire ressurgir des souvenirs pénibles enfouis, dont l’importance a infléchi le cours d’une vie. Lorsque l’on cherche à les retrouver, on se heurte soit à l’oubli pur et simple, soit au phénomène du souvenir-écran, c’est-à-dire une reconstruction déformante du passé. On n’oublie pas un souvenir parce qu’il est lointain mais parce qu’on le refoule: alors que le contenu même du souvenir a disparu de la conscience, le comportement qu’il a engendré persiste. Le souvenir agit sans être présent à la conscience. Tous les problèmes que le patient rencontre sont des conséquences de son comportement; il les croit nouveaux, ils ne sont que répétitions du passé.
En restituant le passé à sa conscience, le patient se donne les moyens de supprimer l’action inconsciente du souvenir. En exprimant par des mots ce qu’il a vécu, il se débarrasse des sentiments qui lui sont liés. La psychanalyse ne permet pas de détruire purement et simplement l’action du passé, mais de donner au conflit vécu antérieurement une nouvelle issue, choisie en connaissance de cause par la conscience. La psychanalyse est donc une pratique thérapeutique qui substitue à un équilibre des forces psychiques devenu intolérable au patient, un nouvel équilibre consciemment préféré.
La psychanalyse, application pratique de la psychologie, n’est pas un corps de doctrine fixé une fois pour toutes. Certaines notions ont été abandonnées, d’autres apparaissent. Les concepts fondamentaux ne sauraient avoir dès leur apparition une définition claire et définitive: en psychologie, partie de la biologie, ils ne se clarifient que progressivement, sous l’effet des observations et de la recherche.
La psychanalyse n’est pas dogmatique: ses théories ne sont que des hypothèses qui cherchent vérification. Lorsque ses hypothèses ne sont plus vérifiées, Freud les affine ou les abandonne; elles n’ont pas de prétention à la vérité absolue.
C’est que le rôle de la psychanalyse n’est pas de chercher ce qui est vrai, mais ce qui est efficace: elle a pour but d’agir sur l’âme plutôt que de la connaître. Par exemple, lorsqu’elle parle de «lieu psychique», il ne s’agit pas de prétendues zones du cerveau qui correspondent à des facultés intellectuelles: l’esprit n’est pas un lieu. Il n’y a là qu’une «représentation auxiliaire» simple et maniable.
La psychanalyse se veut neutre en matière de métaphysique et de religion: elle laisse au patient le choix de ses croyances. Néanmoins, «le psychanalyste se distingue par sa foi dans le déterminisme de la vie psychique», et Freud clame son athéisme.
Le déterminisme de la psychanalyse consiste à présupposer une cause, voire une série de causes à tout phénomène donné de la vie psychique. Freud évacue le conflit entre libre arbitre et déterminisme en introduisant la distinction entre motivation consciente et motivation inconsciente: la conviction d’un libre arbitre est tout à fait légitime, une fois établi que toutes nos décisions ne sont pas l’effet d’une volonté consciente. La détermination par l’inconscient n’est pas non plus un fait universel de la vie psychique, sans quoi la thérapie psychanalytique ne serait pas même possible.
La psychanalyse fait de la sexualité le phénomène fondamental de l’existence humaine. Par sexualité, Freud n’entend jamais la seule activité génitale, mais l’étend à un très large panel de phénomènes, depuis l’activité érotique du tout jeune enfant, manifestée par le contact avec la mère, jusqu’aux déviations les plus étranges du pervers. La sexualité est le phénomène général du désir, force primitive de l’âme, dont les racines sont dans le corps, et la source la vie même. Cela ne signifie pas pour autant que la sexualité englobe tout rapport humain au monde. Il ne faut ni restreindre ni étendre exagérément le domaine de la sexualité.
La sexualité est essentiellement liée à l’état psychologique du patient. L’expérience a montré à Freud le lien entre un état pathologique et le dysfonctionnement de la vie sexuelle. Une fois réussie la substitution d’un usage normal au mésusage de la fonction sexuelle, on constate l’amélioration de l’état du patient.