Comme le sportif, l’apprenti philosophe a besoin d’entraînement. Par la répétition, il acquiert vitesse et sûreté de mouvement. Pourtant, l’athlète qui s’y prépare ne court pas marathon sur marathon : décomposant les difficultés en autant d’exercices, il travaille rythme, endurance, vitesse, séparément. Procéder de la sorte en philosophie, c’est l’idée fondamentale de ce livre.
Vous entrez en classe de philosophie ; c’est une matière neuve. À comparer votre culture à celle de votre professeur, il faudrait avoir lu tous les philosophes pour être prêt sur tous les sujets susceptibles d’être proposés aux épreuves du baccalauréat. Nous vous proposons de ne suivre qu’un principe, celui de l’efficacité : et l’efficacité consiste à lire le moins possible, pour écrire le plus possible ; et lire le moins possible, c’est lire le mieux possible.
Le pari de ce livre, c’est qu’il est plus bénéfique d’apprendre à bien rédiger soi-même une dissertation de philosophie que de lire livre sur livre ; le but n’est pas de vous rendre plus savant, mais plus habile.
La philosophie ne décourage pas parce qu’elle rebute, mais parce qu’elle déroute. Comment travailler cette matière curieuse ? Tout simplement comme les autres. Nous voulons vous apprendre ici comment faire de la philosophie comme on s’exerce en mathématiques ; nous vous proposons presque un cahier d’exercices en philosophie ; loin d’un cours théorique qui se noie dans des évidences générales et des règles abstraites, nous l’avons voulu résolument utile, applicable, pragmatique.
L’ouvrage est composé de séquences, qui désignent autant d’étapes dans la construction d’un devoir. Au cours des séquences, nous vous présentons des exercices avec corrigés. Si vous ne deviez apprendre qu’une chose de ce livre, c’est à résoudre ces exercices.
Cet ouvrage est conçu pour s’accoutumer à faire un bon devoir de philosophie. Si vous êtes l’un de ces êtres étranges, curieux de la pensée, qui font de la philosophie par loisir et par plaisir, sachez que vous ne trouverez dans cet ouvrage aucun discours lumineux, aucune réflexion sur le fond des problèmes, mais seulement la méthode tonique d’une gymnastique intellectuelle, celle que Platon conseillait à l’apprenti philosophe de pratiquer avant de chercher à atteindre la vérité.
L’année de philosophie s’achève par une épreuve, dissertation ou commentaire philosophique. C’est cette épreuve qu’il faut constamment avoir en vue.
L’épreuve de philosophie compte pour un coefficient 2 dans les séries technologiques (SMS, STL, STI, STT), pour un coefficient 3 dans la série S, pour un coefficient 4 dans la série ES, pour un coefficient 7 enfin dans la série L. Le temps que vous devez consacrer à la philosophie doit tenir compte de ce coefficient, autant que de l’intérêt que vous lui portez.
Le jour de l’épreuve – traditionnellement, on passe l’épreuve de philosophie en premier –, vous disposerez de quatre heures pour composer. Si cela vous semble trop long, c’est que vous n’avez pas une idée bien précise de la façon dont se décompose la préparation de votre devoir. Il existe, en effet, un certain nombre d’étapes obligées, que nous décrirons dans ce livre : chacune d’entre elles a une durée quasiment invariable que vous devez respecter en général.
La première chose à faire est de choisir votre sujet. Vous devrez savoir aussi bien faire une dissertation qu’un commentaire de texte : il ne faut exclure d’emblée aucun type d’épreuve. Vous devez consacrer environ 10 à 15 minutes à l’examen des différents sujets. Pour choisir votre sujet, il faut tous les examiner.
En ce qui concerne la dissertation, vous devez procéder à une brève analyse des deux sujets proposés.
Cette analyse consiste, dans un premier temps, à chercher à bien comprendre les deux questions. Ainsi le sujet « Faut-il opposer le rêve à la réalité ? » semble plus simple à comprendre que le sujet « Dans quelle mesure le principe du déterminisme est-il applicable aux phénomènes économiques ? ». Cependant, un examen plus approfondi révèle le contraire : il n’est pas si évident en effet de comprendre comment on pourrait ne pas opposer le rêve à la réalité, alors que si l’on sait que le déterminisme est la doctrine qui prétend que tout est déterminé, le second sujet devient bien plus simple que le premier.
La seconde question que vous devez vous poser est : quelles sont les notions du programme que ce sujet recouvre ? Vous choisirez le sujet pour lequel vous vous estimez le mieux armé, soit par les cours que vous aurez suivis, soit par vos lectures et votre travail personnel. Autour de chacun de ces deux sujets, vous consacrerez jusqu’à cinq minutes de recherche dans votre mémoire pour retrouver la matière sur laquelle vous pourriez compter. Il faut y consacrer assez de temps pour chacun des deux sujets : tout un devoir ne surgit jamais immédiatement à la lecture d’un sujet, et celui qui inspire le moins est parfois celui qu’un travail plus poussé de la mémoire enrichit le plus.
Imaginons qu’à la lecture du sujet « Faut-il douter pour philosopher ? » un candidat pense immédiatement, et à juste titre, à un cours entendu pendant l’année sur Descartes. Le deuxième sujet serait, par exemple, « Qu’est-ce que penser ? », et terroriserait, à juste titre, l’élève, qui se jetterait immédiatement sur le premier sujet sans plus ample examen. Or il se pourrait bien que, sorti de Descartes, notre candidat n’ait plus rien à dire sur le doute… et que, avec un petit effort, il puisse mettre à contribution, sur le second sujet, un ensemble de connaissances sur le dialogue platonicien, le doute cartésien et la révolution copernicienne de Kant.
L’épreuve de commentaire est bien souvent le refuge de ceux qui ont décidé – quoi qu’il arrive – de renoncer à la dissertation, suspendue à une prétendue « inspiration » philosophique dont ils s’estiment radicalement dénués.
Le texte au moins, pensent-ils, permet de ne pas perdre pied, de se raccrocher à une sorte de fil d’Ariane, de ne pas rester sec. « On pourra toujours écrire un petit quelque chose ! » Tout n’est peut-être pas faux là-dedans, mais…
Attention ! cette ligne de vie, ce « fil d’Ariane » peut vous conduire, si vous n’êtes pas méthodique, tout droit dans la gueule du Minotaure. Le commentaire, sous ses allures rassurantes, cache un véritable exercice philosophique, très exigeant, qui vous oblige à élucider la pensée d’un autre, en faisant preuve de suffisamment de souplesse pour penser avec lui, tout en prenant du champ afin d’envisager toute la portée du texte.
Bref, éliminez la dissertation si vous le voulez, mais ne vous faites pas d’illusion sur le commentaire et sa facilité prétendue ! Quelles que soient les raisons de votre choix pour le commentaire (louables ou inavouables), préparez-vous-y comme à un exercice très spécifique. Notre but est de vous y aider en sept séquences, qui suivent les étapes nécessaires à l’élaboration d’un commentaire.
Dans les séries technologiques, le texte est accompagné de questions qui en guident l’étude. La méthode proposée dans cet ouvrage n’en tient pas compte, ce qui n’empêchera aucunement les élèves de ces séries d’en tirer profit.
Remarque sur l’oral de philosophie. Le candidat présente à l’oral la liste des œuvres ou des textes philosophiques étudiés pendant l’année, ainsi que des notions au programme de sa série. Il dispose de 20 min pour préparer l’explication d’un fragment de texte tiré de sa liste ; après avoir présenté son explication, il est interrogé par l’examinateur sur le texte, puis sur une question en rapport avec une notion du programme, de préférence liée à l’étude du texte. L’explication se prépare de la même façon que le commentaire de texte : c’est un petit commentaire de texte.