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Comparaison des modèles soviétiques et américains

Introduction

Comment comparer deux modèles politiques, économiques et sociaux aussi différents que ceux des Etats-Unis et de l'URSS ? Ces deux modèles se sont affrontés pendant plus d'un demi siècle et ont cherché à développer leur hégémonie sur le reste du monde. C'est donc bien plutôt en termes d'opposition que de comparaison qu'il faut envisager leur confrontation.

1 Deux idéologies opposées

Les régimes politiques se fondent sur des idéologies, c'est-à-dire une conception d'ensemble du monde, de l'Homme et de la Nature. Naturellement, les idéologies sur lesquelles reposent les modèles américain et soviétique sont de nature très différente.

1.1 le libéralisme américain

Depuis la Guerre d'Indépendance des 13 premières colonies américaines, il semble bien que le maître mot des Etats-Unis soit celui de liberté. Symbolisée par la statue de la liberté à New York, elle a été au cœur de tous les combats des Etats-Unis. Cette liberté doit s'exercer dans tous les domaines : politique, économique et social.

Le libéralisme politique

Il repose avant tout sur la défense de l'individu. La défense de ses libertés fondamentales (liberté d'expression, d'opinion, de réunion, de culte…) est donc au cœur du libéralisme politique ; ces libertés sont par nature imprescriptibles et inaliénables. La seconde composante essentielle du libéralisme politique réside dans la liberté de choisir ses gouvernants.

Le libéralisme économique

Il repose sur le pari que la liberté laissée aux individus pour agir selon leurs propres intérêts ne peut que favoriser la prospérité de tous. L'initiative individuelle doit donc être le ressort essentiel de l'activité économique. D'où la célébration constante de la libre entreprise dans le système américain. La libre concurrence et l'économie de marché au niveau national, le libre échange au niveau international découlent naturellement de ces principes fondamentaux.

Le libéralisme social

C'est un déviation du libéralisme puisqu'il combat en fait les problèmes posés par les excès de ce système. En effet, il s'est avéré que socialement, le libéralisme est à l'origine de ce que l'on appelle la question sociale ou la question ouvrière. Le marché libre peut conduire à une domination du capital sur le travail et les Etats ont été forcés d'intervenir contre les déviations du libéralisme intégral ou du capitalisme sauvage. Cependant, cet interventionnisme de l'Etat dans les problèmes sociaux, s'il s'est manifesté sous les présidences de Kennedy puis de Johnson a été remis en question par des Présidents républicains comme Nixon ou Reagan comme une "socialisation" abusive et en partie responsable de la paralysie partielle des initiatives individuelles privées qui restent selon eux le constituant essentiel du dynamisme des sociétés humaines.

1.2 Le socialisme

A l'opposé de cet individualisme, le socialisme qui sous-tend le régime soviétique accorde la priorité à l'intérêt collectif sur les intérêts individuels. Le socialisme affirme que, grâce à la mobilisation de toutes les forces productives et à la rationalisation de leur mise en œuvre, les régimes socialistes pourraient faire bénéficier les agents économiques d'une plus grande prospérité. Selon Marx et Engels, cette transformation des structures est inéluctable, elle est la conséquence logique des contradictions internes du capitalisme.

Le communisme (ou marxisme léninisme) a pour objectif l'établissement d'un société sans classes où chacun aura selon ses besoins. Pour y parvenir, le prolétariat doit renverser la bourgeoisie et faire régner sa dictature.

2 Des systèmes politiques antagonistes

Découlant directement des principes fondateurs évoqués plus haut, les modèles américain et soviétique développent des régimes politiques radicalement opposés.

2.1 Les institutions américaines et leur fonctionnement

Erigée en modèle, la longue tradition démocratique américaine fait des Etats-Unis les garants du monde libéral. Les bases de la vie politique américaine reposent encore sur la constitution adoptée en 1787 et les 26 amendements qui lui ont été apportés. Elle fonde un régime démocratique, fédéral et présidentiel.

La séparation des pouvoirs

Elle existe à deux niveaux. La première séparation des pouvoirs est celle qui existe entre les 50 Etats ayant chacun leur constitution propre et le régime fédéral. La seconde réside dans la séparation des trois pouvoirs : le pouvoir exécutif, détenu par le Président (élu pour 4 ans) et son administration, le pouvoir législatif aux mains du Congrès (Sénat et Chambre des Représentants) et le pouvoir judiciaire, celui de la Cour Suprême (9 juges à vie).

La bipolarisation politique

Le mode de scrutin (scrutin majoritaire uninominal à un tour) favorise les grands partis qui constituent de véritables machines électorales. Les divergences idéologiques entre les deux grands partis, celui de l'âne, le Parti Démocrate et celui de l'éléphant, le Parti Républicain, sont faibles : elles portent surtout sur l'importance du pouvoir fédéral que soutient le Parti Démocrate et sur le désengagement de l'Etat que prône le Parti Républicain. Etant donné le poids financier des campagnes, les petits partis émergents disposent de maigres atouts.

La puissance des lobbies

Elle est décisive. Ces groupes de pression interviennent dans le financement des campagnes et sur le Congrès lui-même. Depuis 1945, le lobby du complexe militaro-industriel s'est révélé particulièrement puissant.

2.2 Le système soviétique

La Constitution de 1936 de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, modifiée en 1977, distingue deux forces complémentaires : le Parti Communiste soviétique (PCUS), instance dirigeante et l'Etat, force exécutante.

Un parti unique

Le parti est "la force qui dirige et oriente la société soviétique ; c'est l'élément central de son système politique et de toutes les organisations tant sociales que de l'Etat. Il existe par le peuple et est au service du peuple". Le parti est omniprésent, aucun autre parti n'est toléré. Il est organisé selon le principe du centralisme démocratique. Au sommet du PCUS, le Congrès (5 000 délégués) se réunit en principe tous les 5 ans et élit le Comité Central, véritable organe suprême du Parti.

L'Etat soviétique

C'est une fédération qui compte 38 entités selon leur importance : 15 républiques fédérées, 20 républiques, 8 régions et 10 arrondissements autonomes. Les républiques fédérées aux compétences réelles assez étroites ont des instances calquées sur celles de l'Union.

3 Sociétés et cultures

La comparaison des deux pays en ces domaines s'avère encore plus difficile qu'ailleurs tant ces deux modèles sont différents.

3.1 L'"american way of life"

D'un côté, la modèle américain avec l'American Way of Life qui depuis l'entre-deux guerres et l'avènement de la société de consommation aux Etats-Unis exerce un fort pouvoir d'attraction.

Les composantes de cette société sont assez simples. La religion est omniprésente (jusque dans la devise du pays "In God, we trust") et les valeurs puritaines restent assez puissantes. La consommation de masse atteint toutes les générations. Les loisirs occupent une place croissante depuis 1945 et contribuent à l'homogénéisation de la société par la télévision, le cinéma, les compétitions sportives, la presse très puissante (Newsweek, Time…). Cet "American Way of Life" développe une fascination pour les Etats-Unis organisée autour des mythes du self-made man, de l'argent facile, des paillettes d'Hollywood ou du gigantisme new-yorkais.

D'ailleurs, cet impérialisme culturel de masse autour de la télévision, du jeans ou du coca-cola se prolonge par un patrimoine culturel important, avec des écrivains comme Ernest Hemingway, William Faulkner, John Dos Passos, ou encore John Steinbeck. D'autres artistes américains se font connaître mondialement. Les cinéastes, de Chaplin à Welles ont disposé des énormes moyens des géants d'Hollywood (studios MGM, Warner, Paramount) ; le jazz, sous ses avatars successifs (Gospel, Blues, Ragtime…) trouve ses piliers avec Ray Charles, Louis Armstrong, Duke Ellington, George Gershwin…

Cependant, cet impérialisme culturel est remis en cause à la fin des années 1960. On dénonce la pauvreté qui touche une fraction importante de la population (Cf. Michael Harrington, The Other America), on dénonce les inégalités raciales (émeutes raciales et sociales éclatent dans les ghettos de 1964 à 1967), la guerre du Viêt-Nam provoque un immense mouvement de contestation dans la jeunesse. Le mouvement beatniks (Jack Kerouac), puis les hippies traduisent la crise des valeurs américaines et la recherche de nouveaux idéaux (Woodstock).

Cependant, il ne faudrait pas exagérer cette contestation. La prégnance du modèle américain ne saurait être contestée : à la fin du XXème siècle, le monde entier, grâce à la télévision, aux chansons, aux réseaux informatiques, est influencé par la culture des Etats-Unis. Les réticences sont nombreuses, en France par exemple, mais peu efficaces.

3.2 Une société contrôlée

Difficile d'évoquer la société soviétique sans avoir recours à nos critères occidentaux souvent inadaptés. La société soviétique est une société sous contrôle, celui du tout-puissant PCUS et de la police politique, la Tcheka. Le PCUS dispose d'un encadrement efficace (pour les jeunes, le Komsomol) et constitue la force dirigeante de la vie soviétique. L'Etat espère une harmonisation de la société en exaltant la science, le "réalisme socialiste" en matière artistique, le matérialisme athée, l'osmose des ouvriers et des paysans (tentative de création d'agrovilles en 1950) et le patriotisme.

En même temps, les dissidences par rapport au modèle énoncé plus haut font l'objet d'une répression sévère. Les religions sont muselées, les écrivains dissidents (Siniavski, Soljenitsyne, Pasternak…) sont poursuivis, envoyés au Goulag ou condamnés à l'exil, dans les autres domaines artistiques (peinture, architecture, sculpture…), toute déviation du réalisme socialiste est sévèrement condamnée, enfin toute expression des particularismes nationaux est interdite. Une partie des élites émigrent.

Malgré tout, l'URSS parvient à produire des artistes majeurs : les compositeurs Stravinsky, Prokofiev ou Chostakovitch, le réalisateur Eisenstein… Mais la censure veille à ce que toute déviation soit impossible. Malgré la perestroïka, l'URSS reste une société totalitaire : malgré des réhabilitations posthumes comme celle de Pasternak ou celle de vivants, 4, 5 millions de Russes sont prisonniers des Goulags à la fin des années 1980, les religions restent muselées par les lois de l'ère Brejnev qui empêchent les enfants de participer au catéchisme et au culte…

Conclusion

Aujourd'hui, après l'effondrement du régime soviétique en 1991, la question qui se pose naturellement est celle de l'adaptation du modèle américain à une Russie qui a vécu si longtemps sur des fondements idéologiques aussi différents, voire opposés. Les difficultés politiques, sociales et économiques qu'éprouve actuellement la Russie témoignent-elles de l'impossibilité d'un changement aussi radical ou seulement de difficultés passagères d'adaptation à un modèle aussi étranger au modèle antérieur ?

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