De 1944 à 1946, le GRPF (Gouvernement Provisoire de la République Française) assure le retour à la légalité, rétablit l'autorité de l'Etat, prend d'importantes mesures pour étendre les principes démocratiques (droit de vote accordé aux femmes en 1944) et pose les jalons de réformes économiques et sociales (nationalisations de création de la Sécurité Sociale en 1945).
La IVème République lui succède et doit affronter trois problèmes majeurs : la Reconstruction, la Guerre Froide et la décolonisation. Elle a échoué sur le troisième, ce qui a fait oublier qu'on lui doit le redressement de la France et qui a fait de la IVème République celle que Maurice Agulhon qualifie de "République mal aimée" : 80% des Français entérinent sa dissolution seulement 12 ans après sa création. Pourtant, une analyse plus objective s'impose.
La IVème République souffre d'abord d'un handicap congénital : sa création s'est fait dans un contexte difficile qui dès le départ ne fédère pas l'opinion autour de cette nouvelle République. Entre l'abolition de la IIIème République en octobre 1945 et l'adoption de la IVème République, une année entière s'écoule. La première constitution proposée par l'Assemblée Constituante est rejetée par les Français influencés par les positions de de Gaulle qui, quelques joiurs après ce refus, par le discours de discours de Bayeux condamne le régime d'assemblée. La Constitution est finalement adoptée par référendum le 13 octobre 1946 dans un climat tendu lié aux difficultés budgétaires et aux tensions de la décolonisation : effet de la lassitude, seulement 2/3 des Français se rendent aux urnes. La IVème République naît donc de l'approbation de seulement 1/3 des Français.
De plus, ces institutions qui ont tant de mal à voir le jour ne tiennent pas compte des erreurs du passé. La crainte d'un pouvoir personnel, séquelle de Vichy, a fait oublier aux constituants les difficultés de la IIIème République. L'Assemblée Nationale est le centre du pouvoir : réunie en permanence, elle fait naître et mourir les gouvernements. Le Président de la République jouit de pouvoirs non négligeables : il est le chef de l'Union Française et nomme le Président du Conseil. Mais dans les faits, les Présidents de la IVème République ne joueront qu'un rôle secondaire. Le principe de la double investiture du Président du Conseil auquel s'ajoute l'abus de la question de confiance fait de cette fonction une fonction plus qu'incertaine.
Les risques potentiels contenus dans les institutions se sont vite concrétisés. La IVème République retrouve l'instabilité de la IIIème. 23 gouvernements vont se succéder en 12 ans. De plus, les difficultés intrinsèques de la IVème République sont aggravées par le contexte national.
D'abord, elle doit faire les frais de l'opposition de deux partis puissants qui sortent auréolés de la Seconde Guerre. Le PCF d'une part, parti des "75 000 fusillés" a un poids parlementaire important. Le renvoi des ministres communistes par Ramadier en mai 1947 ne fait qu'augmenter la tension avec le régime. D'autre part, le RPF (Rassemblement du Peuple Français), créé par de Gaulle en avril 1947, même s'il ne dispose pas d'un poids parlementaire important, mène une propagande active contre le régime en avançant notamment les bienfaits d'un régime présidentiel. Malgré tout, la IVème République résiste grâce à la constitution de la "Troisième Force" : pour garder la majorité, socialistes et MRP doivent rechercher à droite (modérés, radicaux) l'appui perdu à gauche avec le PCF.
Cependant, divisée sur la question scolaire (loi Barangé d'aide à l'école libre de 1951), la "Troisième Force" se dissout pour faire place à une instabilité ministérielle grandissante. De cette "grisaille politique", seulement deux personnalités se démarquent, celles de Pinay et de. Pierre Mendès-France. Pinay d'abord (avec son gouvernement de centre-droit) marque la IVème République en 1952 par le succès de sa politique financière qui permet de vaincre l'inflation. Pierre Mendès-France ensuite, Radical, reste dans les mémoires pour son règlement efficace de la question indochinoise avec les Accords de Genève signés en 1954 et des problèmes de la Tunisie et du Maroc. Pris de court sur la question algérienne, la confiance lui est refusée en 1955.
A part ces deux personnalités, la vie politique française de la IVème République est d'autant plus terne que les Français s'en désintéressent complètement. Déçue du retour d'hommes politiques de la IIIème République (comme Ramadier, Herriot ou encore Queuille), lassée par un jeu parlementaire trop complexe, jamais consultée sur les grands problèmes (comme la décolonisation), l'opinion se détache très vite du régime, si tant est qu'elle s'y soit jamais attaché. Plus grave encore, l'antiparlementarisme renaît.
Malgré les problèmes que l'on vient d'évoquer, le bilan de la IVème République reste bien incomplet si l'on ne prend pas en compte ses réussites. En effet, elle a su assurer la survie du régime et la sécurité du pays. On lui doit également des orientations économiques et politiques décisives. En effet, la IVème République poursuit le programme économique et social amorcés par le CNR (Conseil National de la Résistance).
La reconstruction est quasiment achevée en 1949. Elle doit beaucoup à l'aide reçue des Etats-Unis à travers le plan Marshall, mais repose également sur la planification efficace mise en place par Jean Monnet d'abord (1947-1952) et poursuivie par Hirsch (1954-1957). Le rôle de l'Etat devient prépondérant, il investit directement par le budget, par le Fonds de modernisation et d'équipement, aide les entreprises privées par des organismes comme le Crédit Foncier ou le Crédit Agricole. Les investissements considérables qui sont faits permettent une nette amélioration du niveau de la production. Le taux de croissance du PNB est en moyenne de 4, 5 à 5, 5% par an de 1949 à 1960.
Cependant, les résultats restent inégaux. Si l'industrie profite au premier plan de cette expansion, l'agriculture reste en retard. La balance commerciale reste déficitaire et surtout, en dehors de l'expérience Pinay, l'inflation est quasi-continue et génère quatre dévaluations du Franc de 1945 à 1958. La croissance s'est donc accomplie partiellement au détriment des épargnants et des travailleurs dont les salaires sont souvent en retard sur la forte augmentation des prix.
Autre point positif : la modernisation. Elle a accompagné la reconstruction et s'est poursuivie après elle (effort sur les sources d'énergie, notamment l'hydro-électricité, la structuration des entreprises et la modernisation des équipements).
Le tripartisme au pouvoir innove sur le plan social. Après la Sécurité Sociale pour tous les salariés, sont créées les allocations familiales proportionnelles au nombre d'enfants mais non au niveau de salaire ou de revenus. Le salaire minimum vital de mars 1947 fait place au SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) en février 1950, avec relèvement automatique selon la montée de l'indice du coût de la vie (1952). Autres acquis sociaux, cette fois à l'actif de Guy Mollet (février 1956-mai 1957) : la troisième semaine de congés payés, la hausse du traitement des fonctionnaires, le Fonds de Vieillesse financé par la création de la vignette auto et le décime Ramadier (impôts directs majorés de 10%).
Le progrès social à l'issue des réformes du GPRF et de la IVème République est indéniable pour tous. Cependant, les inégalités se trouvent souvent accrues, car si l'inflation bénéficie aux emprunteurs ou aux entrepreneurs, elle frappe les rentiers, les retraités, les salariés agricoles et sans qualification et les immigrés. Les tensions sociales parfois violentes (Cf. la très vive agitation sociale qui se déroule en 1947-1948) qui se manifestent sous la IVème République témoignent de l'accroissement des injustices.
C'est une autre réussite à mettre à l'actif de la IVème République. Jugeant insuffisant le Conseil de l'Europe (1949), Jean Monnet, conseiller du ministre Robert Schuman (MRP), inspire à ce dernier la création de la CECA, Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier créée en 1951, combattue par le PCF et le RPF.
Après l'échec de la CED, rejetée par le Parlement français en 1954, une nouvelle étape est franchie avec le renoncement officiel de la France à la Sarre en 1956 qui la rapproche de son partenaire ouest-allemand et surtout la fondation de la Communauté Economique Européenne en 1957 par le traité de Rome.
La IVème République a réussi à assurer la sécurité du pays. Elle a su nouer les alliances qui lui permettait d'éloigner le spectre de la menace soviétique. Ainsi, la France intègre l'alliance militaire et diplomatique de l'OTAN. C'est sous les gouvernements de la IVème République, notamment celui de PMF que débute la recherche d'une force de frappe indépendante, recherche que développera ensuite De Gaulle.
En dépit de ces aspects positifs, ce que les contemporains de la IVème République retiennent avant tout, outre son instabilité politique, c'est son incapacité à gérer les difficultés de la décolonisation, incapacité qui va causer sa perte.
Il faut relativiser la responsabilité de la IVème République dans la déroute coloniale de la France. Tout d'abord parce qu'il lui était difficile étant donné le contexte politique de faire mieux : d'ailleurs, la Vème République, dans des conditions intérieures qui lui étaient plus favorables a perdu tout autant de territoires et dans des circonstances tout aussi désastreuses.
De plus, si l'on peut reprocher à la IVème République d'avoir fait la guerre, il ne faut pas oublier que l'opinion publique dans son ensemble et la quasi-totalité du personnel politique se refusent à "brader l'empire" et y resteront d'ailleurs longtemps attachés. En outre, le contexte de Guerre Froide renforçait le devoir de la France envers ses colonies pour les prévenir du danger communiste, notamment en Indochine.
Enfin, l'Algérie constitue un problème très délicat pour la France étant donné les liens très forts avec cette colonie de peuplement qui compte un million d'Européens sur 10 millions d'Algériens et qui est rattachée à la France depuis plus de 120 ans.
Malgré ces circonstances atténuantes, il faut bien avouer que la IVème République, n'a pas su définir une politique coloniale claire et cohérente, restant le plus souvent très attentiste comme le symbolise l'immobilisme du gouvernement du Radical Queuille. En 1954, alors qu'aucun gouvernement ne voulait se risquer à prendre des positions tranchées sur la question indochinoise, il faut attendre l'arrivée providentielle de PMF qui résout à la fois cet épineux problème et celui de la Tunisie à laquelle il fait accorder l'autonomie interne. La IVème République ne sait ni gagner les guerres de décolonisation, ni imposer la paix par la négociation : elle est morte de cette impuissance.
Elle survient sur le "cancer algérien", apogée des problèmes français de décolonisation. Le conflit commence en 1954. En 1956, Guy Mollet en est toujours à chercher une solution "pacification, élection, négociation", alors que le FLN réclame l'indépendance immédiate et que les modérés des débuts du conflit qui comme Ferhat Abbas qui ne réclamaient qu'un peu plus d'autonomie sont désormais en minorité écrasante étant donné la virulence de la répression qui s'est abattue sur le pays. Après la chute de Mollet, la situation s'envenime avec une succession de crises ministérielles.
Quand Pflimlin est finalement investi en mai 1958, après un mois de vacance du pouvoir, il est déjà trop tard. Le 13 mai, une émeute éclate à Alger, un comité de Salut Public est créé, présidé par le Général Massu. Jugeant le pays au bord de la guerre civile, le Président de la République René Coty appelle de Gaulle, seul capable selon lui de faire obéir l'armée. Le 1er juin 1958, celui-ci est investi et obtient le droit de réviser la Constitution. C'est le coup d'arrêt pour la IVème République.