Le régime est-allemand tenta vainement de survivre malgré la contrainte que constituaient l'exode massif vers la RFA et la contestation grandissante, en mettant en place des mesures d'apaisement comme l'ouverture du Mur de Berlin, la démission de Honecker, des négociations avec les mouvements d'opposition… Une confédération est envisagée entre les deux Etats au prix d'une libéralisation du régime en RDA. Mais sous la pression des manifestations, cette solution est peu à peu rejetée au profit d'une unification, que le chancelier Kohl parachève rapidement après une période de prudente expectative.
Les étapes essentielles dans ce processus ont été l'union monétaire, la reconstitution des Länder en RDA pour leur permettre d'adhérer aux Länder de RFA, la signature du traité d'union.
L'Allemagne qui naît le 3 octobre 1990 est une Allemagne fédérale reposant sur la Grundgestz (Loi Fondamentale) (VOIR FICHE SUR LES INSTITUTIONS POLITIQUES) ; elle a choisi Berlin comme capitale. Cette unification n'a pu se faire qu'avec l'accord des Alliés, en particulier de l'Union Soviétique. Le traité " 2+4 " scelle la fin du statut d'occupation et la reconnaissance de la souveraineté allemande. L'Allemagne reconnaît le ligne Oder-Neisse comme frontière avec la Pologne et affirme ne pas avoir de revendications territoriales.
Encore un an avant la chute du Mur, rien ne laissait supposer que l'Allemagne allait prochainement s'unir et que l'ordre mondial dual issu de la seconde guerre mondiale allait s'effondrer. Lors de son unique visite officielle en RFA, en 1987, Erich Honecker, secrétaire général du parti communiste (SED) (VOIR FICHE SUR POLITIQUE) et maître tout puissant de la RDA, avait encore affirmé que les systèmes politiques des deux Allemagnes étaient aussi inconciliables que " l'eau et le feu ". Rien ne menaçait le statu quo entre les deux blocs de la guerre froide.
L'Allemagne incarnait l'antagonisme des deux systèmes politiques et idéologiques.
Dès avril 1989, la Pologne se voit instituer le pluralisme démocratique consacré pas les élections de juin, (les militants du syndicat solidarité, dont le futur président Lech Valesa, l'obtiennent du pouvoir communiste), et est le premier pays du bloc de l'Est à se doter d'un gouvernement non communiste, favorable aux réformes démocratiques et à l'économie de marché.
De même, en Hongrie, entre mai et octobre, le pluralisme politique est instauré, toute référence au marxisme-léninisme abandonnée et l'économie de marché enclenchée. L'effondrement de l'URSS est déjà en marche. Lors de sa première visite en RFA en mai 1989, Mikhaïl Gorbatchev annonce que la confrontation entre les deux blocs est terminée et que la voie de la coopération avec l'ouest est entamée.
Le régime communiste est-allemand, le plus strict, se trouve désormais en porte-à-faux par rapport au " grand frère " soviétique dont il avait jusqu'en 1987 appliqué scrupuleusement les consignes.
En mai 1989, la Hongrie décide de démanteler le " Rideau de Fer ". C'est alors qu'a lieu durant l'été 1989, un immense exode des Allemands de l'Est, qui passent par la Hongrie pour partir vers des pays de l'ouest. Ils mettent ainsi le gouvernement est-allemand dans une position extrêmement délicate. Le 10 septembre à minuit, la Hongrie permet à ceux qui se sont réfugiés sur son sol d'émigrer vers le pays de leur choix. A la fin du mois, plusieurs milliers de candidats à l'émigration sont autorisés par le gouvernement d'Erich Honecker à se rendre en Allemagne fédérale. Mais pour éviter que le régime est-allemand ne perde la face, on décide qu'ils devront prendre un train de la Deutsche Reichsbahn qui traversera l'Allemagne de l'Est avant de rejoindre la République fédérale. Afin d'empêcher d'éventuels autres candidats au départ de monter dans ce train, on en plombé les portes.
Parallèlement à l'exode, un vaste mouvement de contestation se développe en RDA.
On commençait à réclamer des réformes profondes du régime, en particulier la fin du monopole du SED et la démocratisation de la vie politique. On avait en effet mal digéré les 98, 85% soit disant obtenus par le SED aux élections législatives du 7 mai 1989.
Le 7 octobre, la RDA fêta en grandes pompes le quarantième anniversaire de sa création en présence de M. Gorbatchev qui déclara : " La vie punit celui qui arrive trop tard " (Wer zu spät kommt, den bestraft das Leben), ce qui constituait clairement un message à l'adresse d'Honecker. Ce jour là, des milliers d'allemands manifestèrent en scandant " Le peuple, c'est nous " (Wir sind das Volk). Sous la pression de la rue, Honecker fut limogé et remplacé par Egon Krenz le 18 octobre ; mais ce changement à la tête de la RDA na calma pas l'ardeur des manifestants car Krenz n'était pas plus libéral qu'Honecker. Le nombre de manifestants ne cessa d'augmenter (plus de 500 000 à Leipzig et 1000 000 à Berlin-Est début novembre). Finalement, le 7 novembre, le gouvernement démissionna. Krenz, qui restait à la tête du SED, annonça des " élections libres, démocratiques et pluralistes ".
Dans la soirée du 9 novembre, le responsable de l'information du Bureau politique du SED annonça la libéralisation " à bref délai " des autorisations de voyage et des visas d'émigration. Quelques heures après, des milliers de Berlinois de l'Est se pressaient devant les points de passage du mur qui séparait la ville en deux. Vers minuit, ces points de passage s'ouvrirent : le Mur venait de tomber. Dans les jours et les semaines qui suivirent, les Allemands de l'Est furent plusieurs millions à se rendre à l'Ouest.
C'est dans l'espoir de restaurer la confiance des Allemands de l'Est dans leur gouvernement que la Chambre du Peuple (Volkskammer), élit à la tête du gouvernement Hans Modrow, plus libéral que ses prédécesseurs. Son programme était en rupture avec les politiques antérieures : établissement de l'Etat de droit, réforme du code électoral, libéralisation de la presse, intensification des relations avec la RFA… Et le 1er décembre, la Chambre mettait fin au rôle dirigeant du SED.
C'est le dialogue avec les nouvelles forces politiques du régime désormais pluraliste que l'on a appelé la " table ronde ". Lors de la toute première Table ronde, Modrow annonça la tenue d'élections prévues pour le 6 mai 1990.
Elle réunit les partis de l'ancienne " coalition " au pouvoir, le SED et ses satellites et les mouvements d'opposition, notamment, " le Nouveau Forum " (Neues Forum), " Démocratie maintenant " (Demokratie jetzt) et la " Fédération des Eglises évangéliques de RDA ", qui avait joué un rôle important dans la contestation.
Les régimes d'opposition n'étaient toutefois pas en faveur de la suppression du régime de la RDA mais militaient pour la liberté d'opinion, la fin du rôle dirigeant du SED ou encore la fin des activités de la police politique de la RDA, la STASI (Staatssicherheit).
La RDA se trouvait dans un véritable marasme économique : l'endettement était préoccupant, le déficit budgétaire catastrophique, la production industrielle en chute libre… Une solution aurait été l'adoption rapide d'une économie de marché (comme la Pologne), mais la RDA comptait plutôt sur l'aide massive de la RFA.
Le chancelier déclara que la RFA demandait le " droit à l'autodétermination " des Allemands.
Le 28 novembre, devant le Bundestag, le chancelier Kohl présenta son plan en 10 points qui intégrait une éventuelle unification des deux Allemagne.
Outre une aide matérielle et économique immédiate, ce plan prévoyait la mise en place d'une " communauté contractuelle " qui pourrait, à terme, prendre la forme d'institutions communes, voire de " structure confédérales " en vue de créer ultérieurement " une fédération ", le renforcement de l'intégration européenne…
Tout cela ne fit l'unanimité ni à l'intérieur, ni à l'extérieur du pays.
Le 24 décembre 1989, la RDA décréta la liberté de circulation totale entre les 2 pays.
Toute la campagne fut marquée par le thème de l'unification. En lice, les " grandes formations " politiques : l'Alliance pour l'Allemagne (CDU-CSU), le nouveau FDP oriental, le SPD de l'Est… La victoire sans conteste de l'alliance pour l'Allemagne (48, 15% des voix) fut interprétée comme un feu vert à l'unification rapide. Le gouvernement élu n'était donc qu'un gouvernement de transition dont le rôle était de préparer l'unification.
Le 18 mai 1990, la RFA et la RDA signèrent à Bonn le " Traité d'Etat " (Staatsvertrag) portant sur la création d'une " unité monétaire, économique et sociale " entre les deux pays. Le DM _ et l'économie de marché _ furent introduits en RDA…
Pour faire l'unification, Kohl avait besoin de l'approbation des Alliés qui avaient des " droits réservés " sur l'Allemagne et sur Berlin. C'est l'objet du Traité " 2+4 " (2 Allemagne + 4 alliés dont l'Union soviétique). Après l'unification, le problème des frontières fut définitivement réglé (reconnaissance de la ligne Oder-Neisse), toute revendication territoriale abandonnée et la question des alliances militaires résolue (la nouvelle Allemagne serait dans l'OTAN au prix de quelques concessions accordées à l'union soviétique).
Le Traité de Moscou du 12 septembre 1990 rétablissait l'Allemagne unifiée dans sa souveraineté pleine et entière, dont la capitale redeviendrait Berlin (les débats à ce sujet furent plus tardifs).Le 3 octobre 1990 est la date officielle de l'unification … et maintenant de la fête nationale allemande.