La Chine compte un cinquième de la population mondiale : devenue République Populaire en 1949, elle comptait déjà 538 millions d'habitants en 1953. Elle en compte aujourd'hui 1, 254 milliard. Ce potentiel démographique gigantesque constitue en même temps un problème épineux pour les responsables du développement du pays.
Depuis 1982, la Chine a franchi le cap du milliard d'habitants. Le plus grand recensement de l'histoire faisait alors état de 1 008 175 288 personnes. La Chine constitue aujourd'hui la première puissance démographique du monde avec plus de 1, 2 milliards de Chinois, loin devant l'Union Indienne qui dénombre un quart d'habitants en moins.
Cette population est relativement homogène car bien qu'il n'y ait pas de "race" chinoise, le groupe "Han" représente plus de 90% des habitants. Ces "fils de la terre jaune" ont fondé l'empire et donné à la civilisation chinoise ses caractères les plus marquants : forte emprise du confucianisme, culte des ancêtres, importance de la famille et du clan, rôle central de l'Etat, omniprésence de l'administration représentée par une puissante classe de fonctionnaires qui ont toujours joué un rôle important dans les affaires chinoises.
Toutefois, près de 60 minorités nationales regroupent plus de 60 millions d'habitants répartis sur plus de la moitié du territoire. Ce sont essentiellement dans le Sud-Ouest les Tchouangs, les Yis et les Miaos. A la périphérie du pays se recensent les Tibétains, les Houris et les Ouïgours du Sin Kiang, puis les Mongols, les Mandchous… Ces minorités jouissent de certains droits : maintien de la langue, représentation dans les administrations locales et provinciales, tolérance religieuse.
Il existe cinq religions principales en Chine : le bouddhisme, largement majoritaire, le lamaïsme, forme du bouddhisme en Mongolie et au Tibet, l'Islam, le Taoïsme et le christianisme très minoritaire.
La population chinoise a toujours été nombreuse mais régulée par les conflits, les périodes de trouble, les catastrophes naturelles suivies de périodes de stabilité où la croissance de la population reprenait. Or, le XXème siècle a vu la mortalité naturelle se réduire considérablement alors que la natalité restait à un niveau très élevé.
La population chinoise a cependant connu un accroissement moins rapide que le Brésil puisqu'elle n'a que doublé depuis 1949. La Chine a désormais mis fin à un certain nombre de fléaux comme la guerre, la famine, les maladies épidémiques qui suivent la famine…, mais il reste encore les catastrophes naturelles même si des actions comme l'endiguement du Huang He (fleuve jaune) ont permis de limiter de telles catastrophes.
Les autorités politiques sont en grande partie responsables de l'accroissement considérable de la population, plus préoccupées qu'elles étaient d'orientations idéologiques que de pragmatisme. Ainsi, le slogan de Mao "Une bouche, deux bras", "pays riche, pays plein" sont loin des politiques de limitation de naissances même si une timide tentative est mise en place en 1957, date de la première campagne de prévention des naissances annihilée très vite en 1958 par le "Grand Bond en avant" qui au contraire encourageait les familles nombreuses. Cependant, dans ce cas précis, la croissance démographique est pratiquement annulée par l'échec du "Grand Bond" : 62 millions de naissances pour 40 à 60 millions de morts.
C'est seulement à partir de 1971 que les autorités cherchent vraiment à limiter la croissance démographique, alors que le pays vient de connaître une période de fort accroissement démographique dans les dix années qui précèdent, lié à la reprise de la natalité alors que la mortalité baisse. Ce nouveau programme de réduction de la fécondité encourageant les familles à n'avoir que deux enfants fait baisser le taux de natalité au dessous de 20 pour mille, la mortalité se stabilisant autour de 6 ou 7 pour mille.
Une nouvelle étape est franchie en 1979 avec la campagne de l'enfant unique, des mesures visant à reculer l'âge du mariage (23 ans pour les femmes, 25 pour les hommes), le contrôle de la natalité par contraception, avortement et stérilisation volontaire, des amendes pour les contrevenants, la suppression de différents avantages sociaux… Cette politique a surtout été efficace dans les villes où le contrôle est plus facile. Mais elle a aussi des effets pervers comme la non-déclaration des enfants, l'infanticide des petites filles… qui ont entraîné un assouplissement de la politique, en particulier pour les minorités nationales (par exemple, autorisation d'avoir un second enfant si le premier est une fille).
La transition démographique a donc été accélérée par les autorités chinoises, le taux de natalité étant passé de 33 pour mille en 1970 à 17 pour mille aujourd'hui alors que le taux de fécondité est passé en dessous du seuil de renouvellement des générations (il est désormais de 1, 8 enfants par femme). Cette politique a sans doute permis d'éviter 200 millions de naissances.
La densité moyenne de la population chinoise est très peu significative : en effet, il existe un contraste extrême entre les fourmilières humaines de la Chine orientale et la Chine désertique de l'Ouest (à l'ouest du 100ème méridien et au Nord).
Dans la Chine occidentale donc, les densités sont inférieures à 10 habitants par Km2 sur la plus grande partie de l'espace : sur 60% de l'espace chinois ne résident que 6% de la population ! Seuls de rares sites privilégiés portent de fortes densités : oasis de Dzoungarie et du Tarim, vallées de piémont qui ceinturent le Takla Makan, bassins et vallées de l'Himalaya.
En revanche, plus de 90% des Chinois se rassemblent sur 40% de la surface du pays, en Chine orientale, en particulier dans la grande plaine du Nord. Ces basses terres intensément cultivées portent des densités moyennes records qui dépassent parfois les 1000 habitants au Km2 (à titre de repère, la densité moyenne française est de 107 habitants au Km2). Les grandes plaines comme celle de la Chine du Nord ou le couloir mandchou, les vallées alluviales du Huang Hé, du Changjiang et du Xijiang, les bassins comme le Sichuan, les littoraux et les deltas forment donc de véritables fourmilières humaines.
Une autre déséquilibre majeur est dans l'opposition entre la population urbaine et la population rurale. En effet, la population chinoise se répartit très inégalement entre les villes et les campagnes. Aujourd'hui encore, moins d'un tiers de la population chinoise vit dans les villes (30, 3% de la population).
La majorité des Chinois sont donc des ruraux. Cependant, il faut un peu nuancer ce propos car la population rurale vit dans de grands villages. Pour des problèmes de sécurité, pour des raisons d'ordre social (organisation sociale autour de la cellule familiale), pour des raisons d'espace et des raisons économiques (les habitations constituent un espace perdu pour l'agriculture), il n'existe pas d'habitat dispersé. Ce phénomène a d'ailleurs été renforcé pendant la période des Communes Populaires.
A côté de cette forte population rurale, 350 millions de Chinois vivent dans les villes. Les gouvernements ont eu tendance à limiter l'exode rural dès les années 1960. En effet, celui-ci posait des problèmes importants en matière d'emploi, de ravitaillement et d'aménagement. L'urbanisation sauvage n'a donc pas eu en Chine les conséquences aujourd'hui constatées dans bon nombre de pays en développement. La surveillance des mouvements de population s'est exercée par le biais de passeports intérieurs, de registres d'inscription et de tickets de ravitaillement.
La population urbaine n'en a pas moins cessé d'augmenter à un rythme supérieur à celui du reste de la population, surtout à travers la croissance des villes intermédiaires ou des petites villes, tandis que celle des très grandes villes avait été stoppée de manière efficace. Le relâchement des contrôles depuis 1977 semble avoir relancé l'urbanisation. Or, le rythme des créations d'emploi dans les villes est loin d'être en mesure d'absorber ce surplus de main d'œuvre.
Longtemps, la population chinoise a été peu mobile et les migrations ont été fortement contrôlées pendant la période maoïste. La mobilité a touché environ 30 millions de Chinois entre 1949 et 1980, soit un peu moins de 5% de la population : les migrations souvent organisées et forcées étaient dirigées vers les provinces de l'Ouest et du Nord-Est.
Cependant, les réformes économiques récentes ont permis d'accélérer la mobilité de la population chinoise. L'apparition de zones à économie dynamique crée un pôle d'attraction assez important vers les provinces littorales, surtout celles de l'Est et également vers les grandes villes, d'autant plus que le contrôle des migrations s'est assoupli.
Le phénomène le plus spectaculaire est sans doute celui des migrations temporaires ou saisonnières qui ont connu un essor sans précédent ces dernières années et concernent semble-t-il près de 100 millions de Chinois. Ces migrations internes ont permis une véritable résurrection urbaine dans les années 1980 avec un taux d'augmentation de la population urbaine nettement plus élevé que celui des campagnes. Un très fort exode rural caractérise désormais la Chine actuelle, ce qui a tendance à aggraver les déséquilibres régionaux et à accentuer les problèmes urbains.
Quelles sont les conséquences de ce gigantisme démographique sur le développement économique de la Chine ?
La transition démographique est bel et bien engagée en Chine et la population devrait bientôt stagner voire régresser. La Chine semble sur la voie du développement, son niveau de développement s'accroît notamment grâce au rôle moteur de villes comme Pékin ou Shanghai et récemment la rétrocession de Hong Kong par le Royaume-Uni en 1997 et de Macao par le Portugal en 1999. Si la Chine accuse encore un retard conséquent en termes de richesses produites par rapport à l'ensemble des pays développés (le revenu par habitant représente la moitié de la moyenne mondiale), elle a pourtant connu au cours des dernières années une croissance particulièrement remarquable de son PIB. Les richesses augmentent désormais beaucoup plus vite que le nombre d'habitants, alors que bon nombre de pays en développement ont des difficultés à accroître leurs richesses plus vite que leur population. La Chine Populaire occupe une place supérieure à la moyenne des pays en développement.
Les efforts entrepris en Chine pour améliorer la formation et la scolarisation, dans le cadre de la troisième des "quatre modernisations" placent le pays dans une situation honorable. La démocratisation et la simplification de l'écriture depuis 1949 ont permis de réduire l'analphabétisme de façon considérable : de 90% d'analphabètes en 1949, le pays est passé à moins de 20% aujourd'hui (à titre de comparaison, le taux d'alphabétisation en Inde n'est que de 52%).
Cependant, les problèmes liées à la croissance démographique excessive n'ont pas pour autant disparu.
Malgré des améliorations certaines, la pauvreté reste très importante. Près de 30% de la population chinoise vit avec un revenu de moins d'un dollar par jour. Cependant, le nombre de Chinois qui connaissent la pauvreté absolue a beaucoup diminué même si les inégalités sociales s'accroissent. Elles restent flagrantes entre le littoral et l'intérieur de la Chine. De même, les écarts sociaux sont très importants entre paysans et nouveaux riches et une grande partie de la population reste très peu concernée par le développement alors qu'une minorité en tire les bénéfices. De plus, les classes moyennes qui témoignent souvent du niveau de développement d'un pays restent sous-représentées.
Les paysans restent trop nombreux pour une agriculture moderne, les micro-exploitations entravent son développement. Les infrastructures urbaines n'étant pas encore prêtes à accueillir une population aussi nombreuse, il ne faut pas pour autant que cette population quitte les campagnes sous peine d'une explosion des bidonvilles caractéristique de nombreux pays en voie de développement et que la Chine a su jusqu'à présent éviter. Il faudra donc pour reconvertir cette main d'œuvre agricole développer des emplois ruraux non agricoles. 22 millions d'entreprises de villages représentent entre 1990 et 1995 un tiers du PIB et occupent 132 millions de ruraux.
Le problème des sureffectifs se pose également dans les industries d'Etat. Grèves, manifestations, chômage, accompagnent le passage à l' "économie socialiste de marché" amorcé en 1979 par Deng Xiao Ping.
La Chine doit encore relever de nombreux défis : offrir des emplois aux habitants déjà en surnombre dans les campagnes, développer son industrie et ses services sans pour autant surcharger les villes et conduire à la ghettoïsation, mieux nourrir une population croissante, ne pas gaspiller ses ressources. Surtout, elle doit résoudre le problème de l'accroissement des contrastes régionaux. En effet, l'opposition entre la zone côtière et l'intérieur, loin de 'estomper s'accentue nettement. Cela répond aux choix de la Chine en 1968, dans sa stratégie de développement du territoire, les provinces maritimes accueillent les territoires de l'ouverture, la zone centrale fournit richesses énergétiques et minières, la zone occidentale compte sur ses propres forces.
Contrairement à l'Inde qui a choisi de donner la priorité au développement économique, en escomptant que la maîtrise de la démographie devait suivre, la Chine a donné la priorité au contrôle de la population, comme condition préalable au développement économique. L'avance économique dont elle dispose désormais sur le deuxième géant démographique mondial semble lui donner raison. Cependant, il ne faut pas oublier les conditions politiques très différentes dans lesquelles se font ces transitions économiques et démographiques. De plus, la répartition très inégale des activités sur le territoire chinois et le développement très déséquilibré de l'espace chinois représentent une faiblesse très importante dont ne souffre pas dans les mêmes mesures son homologue indien. La Chine s'affirme, certes, comme une grande puissance montante de l'Asie Pacifique, mais les régions côtières n'arrivent pas à entraîner la Chine de l'intérieur, zone de départs massifs vers l'Est. Cela n'est pas sans engendrer tensions sociales et politiques.