Issue en 1991 de la décomposition de l'URSS, la Fédération de Russie connaît de multiples difficultés liées à son immensité continentale, la diversité de sa composition ethnique, sa croissance démographique ralentie, son peuplement inégal, ses problèmes de communication et d'utilisation des ressources.
La Russie reste le plus vaste pays du monde avec ses 17 millions de Km2, ce qui représente 31 fois la surface de la France (40 fois aux temps de l'ex-URSS). Elle s'étend d'Ouest en Est sur 10 000 Km de Saint-Pétersbourg à Vladivostok et couvre 11 fuseaux horaires ; du Nord au Sud, elle s'étend de l'Océan Arctique à la Mer Caspienne sur 3000 Km.
Les reliefs s'ordonnent très simplement : ils sont essentiellement composés d'une plate-forme entourée de murailles montagneuses élevées. En effet, la moitié Ouest du pays est constituée de deux vastes plaines, la plaine russe côté européen, et la plaine de Sibérie côté asiatique. Elles sont séparées par l'Oural, très mince barrière peu élevée (1 800 m pour ses plus hauts sommets) mais qui constitue tout de même un obstacle naturel de par ses cols peu nombreux mais relativement élevés et difficiles à franchir.
Ce n'est donc pas le relief qui pose problème en Russie mais bien plus le climat. En effet, il est très rude : aucune latitude habitée ne subit un hiver aussi long et rigoureux sur un territoire aussi vaste. Le climat a toutes les caractéristiques de la continentalité : intensité et durée du froid hivernal, amplitudes thermiques considérables (les amplitudes qui atteignent 20 à 30°C en Russie d'Europe sont de 60°C en Sibérie), saisons intermédiaires très réduites et des précipitations médiocres. Ce climat est de plus en plus rigoureux à mesure qu'on avance vers l'Est. Sur l'extrême Nord, règne le climat polaire. Dans ces régions les montagnes accentuent le froid continental déjà glacial.
Les contraintes climatiques sont donc très fortes : froid très vif ici (sols, cours d'eau et eaux marines gelés une grande partie de l'année), aridité désertique ailleurs. Le froid est un lourd handicap pour l'agriculture : l'hiver, le sol gelé en profondeur (merzlota) couvre près de la moitié du pays. La zonation végétale reflète la zonation climatique : à la toundra succède la taïga ou la forêt boréale et la forêt mixte puis la steppe. Les terres de bonne qualité se regroupent pour l'essentiel dans la partie européenne de la Russie.
Les problèmes sont liés aux conditions naturelles (l'immensité du territoire, le climat très rude) tout autant qu'à des problèmes économiques (déficit de moyens d'équipement, difficulté pour trouver le financement nécessaire aux investissements). Résultat de ces problèmes : les transports sont très insuffisants pour maîtriser ce territoire immense.
Les chiffres témoignent de ce déficit cruel des transports russes : le réseau routier russe est de 963 000 Km, sachant que le réseau français est de 892 500 Km et le réseau américain de 6 420 000 Km. Il est vrai que ces deux pays ne souffrent pas des mêmes conditions climatiques extrêmes. Cependant, la comparaison avec le Canada est tout aussi probante : le réseau routier s'y étend sur 912 200 Km, ordre de grandeur identique certes, mais pour une superficie totale du Canada (10 millions de Km2) plus petite d'un gros tiers par rapport à celle de la Russie (17 millions de Km2). Ces routes sont d'ailleurs en très mauvais état, mal entretenues et le réseau est handicapé par la raspoutitsa, boue épaisse qui se forme lorsque la partie supérieure de la glace fond.
D'ailleurs, le parc automobile est très réduit par rapport aux pays développés : 78 pour mille habitants alors qu'en France, ce ratio est de 429, en Allemagne de 488, au Royaume-Uni de 352, aux Etats-Unis, de 563.
La navigation fluviale est elle assez importante en Russie d'Europe sur la Volga, mais dans le reste du pays, l'orientation des fleuves (Nord-Sud) et leur paralysie par la glace une grande partie de l'année rend la navigation fluviale très limitée.
Par conséquent, le rail domine les transports russes, l'axe majeur restant le Transsibérien, doublé en Sibérie par le BAM (Baïkal-Amour-Magistral). Il est en comparaison du reste des transports russes assez développé, mais le réseau est surchargé et un quart du matériel est hors d'usage. L'avion reste le seul moyen de désenclaver certaines régions du Nord et de l'Est.
Même si la perte de l'Ukraine a fait perdre d'importantes ressources agricoles, et celle de l'Asie centrale outre les ressources agricoles, des ressources énergétiques conséquentes (hydrocarbures), la Russie dispose toujours de ressources naturelles gigantesques. Si la surface agricole utile est réduite (à peine 12% du territoire), la Russie dispose d'une immense réserve forestière, notamment grâce à la taïga avec ses conifères et ses bouleaux.
Mais c'est surtout l'énorme abondance des richesses minérales et végétales qui fait la richesse naturelle de la Russie, en particulier l'abondance des combustibles fossiles. La Russie est ainsi le premier producteur de gaz, le troisième producteur de pétrole, le sixième producteur de charbon. Cependant, ces ressources ne sont pas toujours très facilement exploitables.
Un exemple concret avec la Sibérie qui contient à elle seule 80% du charbon et des hydrocarbures russes. L'exploitation de ce potentiel est très difficile, l'extraction se fait dans des conditions très pénibles. Les villes pionnières de Sibérie rassemblent ceux qui, attirés par les hauts salaires, acceptent ces conditions de vie extrêmes. Outre les difficultés d'extraction, le transport de ces ressources pose aussi des problèmes non résolus : les oléoducs doivent supporter les très grandes amplitudes thermiques du climat continental et les distances à parcourir sont immenses.
Ainsi, la nature n'est pas si généreuse pour les Russes : malgré des ressources naturelles très prometteuses, le climat très rude, les distances considérables et les difficultés économiques (lacunes techniques, manque d'investissement…) rendent cette nature bien inaccessible. Mais un autre grand facteur de cette mauvaise mise en valeur du territoire réside dans son peuplement.
Les Russes sont largement majoritaires (ils composent plus de 80% de la population) mais du fait de l'Histoire, 25 millions de Russes vivent à l'extérieur des frontières tandis que les peuples minoritaires, souvent islamisés, représentent tout de même 30 millions d'habitants sur le territoire russe. La diversité de ces peuples est grande même si la plupart sont d'origine turco-mongole.
Cette diversité ethnique et religieuse (opposition entre l'Islam et la religion orthodoxe traditionnelle des Russes, malgré l'oppression religieuse sous le régime soviétique) est une source de tensions et d'instabilité politique importante. La fédération de Russie composée de 89 unités doit faire face à des revendications nationalistes affirmées. Ainsi, la guerre de Tchétchénie qui a éclaté en 1994 témoigne de la vigueur de ces tensions et des risques de rupture qu'elles peuvent générer. La République de Sakha ou du Tatarstan militent elles aussi pour leur indépendance. La Russie devra-t-elle faire face à un nouvel éclatement territorial ?
Elle est aussi une des sources de tension car elle est intimement liée à une exploitation du territoire très inégale et à des conditions économiques tout aussi différenciées que nous examinerons dans un second temps. Comme en Chine, les inégalités de peuplement sont telles que la densité moyenne d'un peu moins de 9 habitants par Km2 n'est pas du tout significative. En effet, plus des 3/4 des Russes se concentrent sur la Russie d'Europe, soit à peine un quart de la superficie totale. A l'opposé, sur 2/3 du territoire, la densité est de moins de 1 habitant par Km2. Au delà de l'Oural, les densités se réduisent en effet de façon drastique et la zone de peuplement se limite à une bande étroite le long du Transsibérien.
Cette répartition très inégale de la population traduit directement l'échec des tentatives de prise de possession et de peuplement des espaces hostiles en Russie engagées d'abord par le Tsar puis par le pouvoir soviétique. Un autre échec à mettre à l'actif des autorités réside dans la dénatalité aiguë qui touche la Russie actuellement. L'indice de fécondité est un des plus bas au monde (1, 2 enfants par femme), celui du Canada qui est déjà exceptionnellement bas étant de 1, 5 enfants par femme. Ce taux de natalité ne risque pas de remonter compte tenu des difficultés économiques et sociales de la Russie actuellement et ne risque pas non plus d'accélérer le peuplement des zones vides du territoire.
Le résultat de la non-maîtrise de l'immensité du territoire et de ce peuplement très inégal est la disparité très forte qui existe entre les différentes régions russes.
La région qui entoure la ligne Saint-Pétersbourg - Moscou - Rostov est la plus densément peuplée. C'est la seule portion de territoire vraiment maîtrisée et développée. Le réseau de transport y est relativement dense, l'administration relativement efficace. Moscou et Saint-Pétersbourg en constituent les deux grands pôles dominants avec respectivement 9 et 5 millions d'habitants.
Elles restent assez développées. En effet, ce sont des pôles industriels essentiels du pays. Ils sont constitués d'immenses complexes industriels bâtis autour de centres urbains imposants comme Nijni Novgorod.
Jadis alimentées par la colonisation d'Etat, les régions du Grand Nord, de la Sibérie et les marges caucasiennes sont aujourd'hui délaissées et s'éloignent du pouvoir central.
La Russie bénéficie encore d'un potentiel à la fois important et varié mais semble aujourd'hui incapable de concrétiser ce potentiel. Le recours sera peut-être dans une renaissance des liens avec les anciennes Républiques de l'Union Soviétique. En effet, dans le cadre de l'ancienne Union, les Républiques avaient des foncions économiques précises qui les rendaient très dépendantes les unes des autres. Cette forte interdépendance devrait les inciter à maintenir entre elles des liens économiques étroits qui seraient salutaires pour ces Républiques.
Cependant, la renaissance de ces liens, si tant est qu'ils aient jamais existé en dehors de l'autorité de la Russie Soviétique, se heurte à de nombreux obstacles : la construction de ce "marché commun de l'Est - la CEI, Communauté d'États Indépendants - passe par des compromis et des concessions (sur le partage des ressources, de la dette qui s'élève à quelques 55 milliards de dollars ). Les accords sont d'autant plus délicats à réaliser que la Russie semble affirmer sa tendance à dominer les autres républiques et que les oppositions entre nationalités suscitent des affrontements.