Aux XVI-XVIIème siècle, la tragédie reste fortement marquée par l'héritage antique. Le ton est empreint d'un grand lyrisme. On note la présence de chœurs déplorant longuement la catastrophe ; toutefois, en général, la pièce ne comporte pas de véritable action tragique. La représentation est axée moins sur l'action que sur l'émotion.
C'est le pathétique qui domine, avec le spectacle douloureux du malheur des héros et les accents déchirants de leurs plaintes.
Vers 1620 -1634, la tragédie paraît menacée par deux genres intermédiaires, la tragi-comédie et la pastorale.
La tragi-comédie est une tragédie qui finit bien. C'est surtout une tragédie romanesque : l'amour y tient une grande place, les péripéties abondent et les scènes familières succèdent aux scènes tragiques. La tragi-comédie se soucie, en général, assez peu de la règle des unités.
La pastorale, quant à elle, est une idylle entre bergers et bergères, dans un cadre champêtre. Leurs amours longtemps contrariées, sont finalement victorieuses.
L'analyse psychologique y tient une grande place. On voit donc que, depuis la fin du XVIème siècle, le théâtre tend à s'écarter de la règle des unités et de la vraisemblance, sur les sentiers du romanesque, de la fantaisie et de l'imagination.
C'est aux alentours de 1630 - 1635 que la tragédie va connaître un renouveau et tâcher de redéfinir son identité, par rapport à la tragédie antique d'une part, par rapport aux genres intermédiaires d'autre part.
On assiste, à la veille du Cid, à une floraison de tragédies ( Sophonisbe de Mairet, La mort de Mithridate de la Calprenède, La mort de César de Scudéry,...) en réaction à la vague tragi-comique. Il s'agit de tragédies austères dont l'intrigue est simple et le sujet emprunté à l'histoire romaine ; les règles (unités et bienséances), remises à l'honneur par Mairet, y sont respectées.
La nouvelle tragédie se distingue aussi bien du dramatique (attente anxieuse du dénouement) que du pathétique (spectacle douloureux du malheur des héros). Le tragique, s'il intègre ces éléments, les dépasse toutefois et la tragédie classique se fonde essentiellement sur la lutte de l'homme contre son destin ; il tient sa grandeur du mystère de la condition humaine, tel qu'il s'exprime dans le paroxysme d'une crise.
Beaucoup d'actions ne peuvent être représentées sur scène, soit qu'elles contreviennent à l'unité de lieu, soit qu'elles contreviennent aux bienséances. Il convient donc de recourir au récit pour conter ces actions, au risque d'ennuyer le spectateur ou de briser le mouvement de l'action. Pour déjouer ce risque, les Classiques soignent tout particulièrement ces morceaux. Ils animent les récits de façon à donner l'illusion de l'action ; bien souvent, le ton prend un caractère épique.
Parfois, l'auteur donne la parole, non à un messager quelconque, mais au héros de l'action.
Souvent enfin, il ménage un effet de suspense et met l'action sur la réaction des auditeurs
La tragédie met en scène des héros et des rois. Le ton doit donc constamment y être empreint de dignité, de gravité, de noble discrétion et de solennité. Sont exclus de la tragédie tout réalisme vulgaire, tout mot familier. On privilégie l'usage de la litote et de la périphrase. Le respect des bienséances va plus loin encore puisqu'il interdit que le sang soit versé sur scène. Sont donc prohibés la représentation de combats, de duels et de suicides.
Corneille, à travers ses pièces (Le Cid, Cinna, L'Illusion Comique...) a nourri une abondante réflexion sur la tragédie classique et a défini les caractères qui lui semblent devoir être les siens :
Quoique globalement comparable au système cornélien, le système racinien s'en distingue par des points de détail :
D'où une atmosphère parfois pesante où se mêlent tendresse et cruauté.
Pièces de Racine : Phèdre, Britannicus, Andromaque, etc.