Cette dernière étape est de grande importance. Comme on l’a vu à propos de l’argumentation, la dissertation est avant tout un exercice de rhétorique ; il s’agit surtout de se faire bien comprendre :
Un paragraphe de dix à quinze lignes en quatre phrases (ou du moins quatre éléments) :
Soit le thème qu’il aborde, soit l’œuvre ou l’auteur concerné, soit la citation éventuellement contenue dans l’énoncé.
Il importe que cette première phrase ne soit pas creuse, mais introduise réellement le sujet : elle doit donc s’orienter déjà vers le problème que l’on va traiter.
Exemple : Il est inutile de commencer par des considérations biographiques sur l’œuvre au programme, si elles n’ont pas de rapport direct au sujet.
Si on lance le devoir directement avec la citation contenue dans l’énoncé, on la reproduira intégralement si elle n’est pas trop longue, en substance ou par extraits si elle déborde les dimensions d’une introduction (mais ce cas est rare).
On reprend la citation éventuelle si on ne l’a pas déjà reproduite en premier point, et on adapte cette question au contexte d’une introduction.
Exemple : Si la question est : « Dans quelle mesure partagez-vous cette opinion ? », on ne la reprendra évidemment pas sous cette forme, mais par une formule de ce genre : « Cette opinion soulève pourtant un certain nombre d’objections. »
L’explication concise du problème posé par la question : on doit pouvoir montrer en une phrase, c’est-à-dire rapidement mais avec précision, où se situe le problème ; les détails de la problématique seront analysés dans le développement.
Ce point est capital : c’est le problème que vous formulez ici qui va servir de ligne directrice à toute la dissertation ; c’est à ce problème que vous répondrez en conclusion.
Attention !
Présentez le plus légèrement possible les trois parties projetées.
On évitera bien sûr les formulations lourdes du genre : « Cette dissertation comportera trois parties, à savoir etc. » On préférera les phrases plus naturelles comme : « S’il est vrai que... on remarquera cependant... tout en examinant si... » Quoi qu’il en soit, votre formulation sera avant tout adaptée au problème et au plan choisi : il n’y a donc pas de formule imposée, et l’on évitera autant que possible les expressions passe-partout dont l’emploi trop universel s’accorde mal aux cas particuliers.
Exemple : « Victor Hugo écrit n’importe quoi, et ce n’importe quoi produit tantôt le ridicule, tantôt le miracle du génie. » Vous examinerez dans quelle mesure cette citation d’un critique s’applique au drame de Ruy Blas.
En reprenant les quatre éléments évoqués plus haut, on pourra rédiger une introduction de ce genre :
« Victor Hugo est souvent considéré comme le plus grand poète du xixe siècle, et même comme un des plus grands écrivains français. Il est donc très paradoxal qu’un critique ait pu écrire que “Victor Hugo écrit n’importe quoi”, même s’il nuance ensuite en affirmant que “ce n’importe quoi produit tantôt le ridicule, tantôt le miracle du génie”. On est donc en droit de se demander comment un auteur si réputé peut trouver le génie en écrivant n’importe quoi. On examinera donc à quoi peut correspondre ce “n’importe quoi” dans Ruy Blas, avant de voir dans quels cas ce travers tourne au ridicule, puis dans quels cas il est au contraire un trait de génie. »
Trois parties de plusieurs paragraphes chacune :
Un paragraphe de dix à quinze lignes en quatre phrases (ou du moins quatre éléments) :
Votre correcteur, qui a suivi pas à pas, dans le détail, votre développement, a besoin d’en avoir maintenant une vue d’ensemble, pour se remémorer les premières étapes et se faire une idée de la cohérence de votre dissertation.
Vous veillerez simplement à ne pas répéter mot pour mot l’annonce du plan de l’introduction, mais à bien prendre en compte l’essentiel de votre argumentation.
Il suffit pour cela de reprendre le problème posé en introduction et d’en présenter la réponse.
Cette réponse sera proche de la précédente si votre problématique elle-même n’était pas très éloignée des termes de l’énoncé ; si au contraire votre problématique était beaucoup plus précise que l’énoncé, cette seconde réponse sera sensiblement plus large que la première.
Quelle incidence la réponse que l’on vient d’apporter peut-elle avoir sur notre compréhension de l’œuvre ou notre connaissance de son auteur ? Cette réponse pourrait-elle s’étendre à d’autres œuvres, d’autres auteurs, ou d’autres problèmes ?
En répondant à l’une ou l’autre de ces interrogations, vous trouverez un élargissement acceptable, en prenant bien soin de le présenter comme une conséquence logique de votre raisonnement, que cet élargissement soit une affirmation ou une simple hypothèse à nuancer.
N.B. : Cet élargissement n’est pas absolument obligatoire : mieux vaut aucun élargissement qu’un élargissement creux, gratuit, ou artificiellement plaqué.
Vérifiez en particulier que, sous prétexte d’élargir, vous ne posez pas justement le problème que vous auriez dû poser en introduction ! Cette erreur n’est malheureusement pas rare...
On remarquera que la disposition de la conclusion est donc exactement symétrique de celle de l’introduction : alors que l’introduction progresse du plus général au particulier, la conclusion avance du particulier vers le plus général.
Ainsi le premier élément de l’introduction correspond au dernier de la conclusion, le deuxième au troisième, le troisième au deuxième, et le dernier au premier :
Exemple : Une conclusion correspondant à l’introduction au sujet du « n’importe quoi » de Victor Hugo pourrait être rédigée ainsi : « On a donc compris, en examinant les vers de Hugo dans Ruy Blas, qu’écrire n’importe quoi consisterait finalement à jeter sur le papier les mots comme ils viennent, si bien que, dans certaines répliques, certaines expressions peuvent paraître sinon toujours ridicules, du moins absurdes ; mais on a reconnu là un trait de l’inspiration romantique, dont le génie n’obéit pas d’abord aux critères de la raison. Cette spontanéité de la création n’est donc pas incompatible avec le génie, et les romantiques diront même qu’elle le conditionne. Sous une formule provocatrice, notre critique semble avoir exprimé une vérité, même s’il convient de la nuancer. Ce langage un peu fou n’est-il pas, d’ailleurs, à l’image des héros passionnés qui animent le théâtre de Victor Hugo ? »
Rappelons ici, en les précisant, quelques indications déjà évoquées plus haut, qui paraissent essentielles :
Il est indispensable d’être généralement prudent lorsqu’on présente une idée ou un argument.
Si beaucoup de constatations fondées sur l’œuvre étudiée ne sont pas douteuses et peuvent donc être affirmées sans précautions excessives lorsqu’on démontre un point précis, on se méfiera en revanche des idées générales, qui admettent mal des formulations péremptoires : pour pouvoir généraliser, il faut être sûr qu’il n’y a pas d’exception au principe qu’on affirme, sinon on s’expose à des objections faciles.
On vous reprochera souvent une déclaration sans nuances, qui, par une généralisation excessive, se révèle fausse ; si au contraire vous présentez cette même idée en termes mesurés, on ne pourra plus rien vous reprocher puisque vous laissez place pour des exceptions.
Exemple : Votre correcteur bondira si vous affirmez que Rousseau est un menteur ; il vous lira au contraire avec intérêt si vous laissez entendre que dans certains récits, on peut le soupçonner de mensonge.
De même, si vous montrez sans nuances dans une partie que Dom Juan est toujours hypocrite, vous aurez de la peine, dans la partie critique, à soutenir qu’il y a des exceptions à son hypocrisie, sans entrer en contradiction avec vous-même.
Vous n’hésiterez donc pas à utiliser toutes les formules de prudence comme « il semble », « il est vraisemblable », « il est possible », « il arrive », « souvent », « parfois », « généralement », « si l’on peut dire », « à en croire l’auteur », etc.
Il y a dans le travail de rédaction une part d’aisance personnelle que vous aurez acquise ou non au fil de vos études.
Mais on améliorera facilement la rédaction en observant un principe simple qui évite les lourdeurs : on doit rédiger avec toute la rigueur qui sied à une dissertation tout en rédigeant comme s’il ne s’agissait pas d’une dissertation.
Attention ! Il ne s’agit pas de faire de la littérature : le style de l’analyse rationnelle doit rester sobre et neutre, et éviter autant les familiarités que les envolées lyriques. Mais on doit s’abstenir du vocabulaire « scolaire » :
On préférera à chaque fois la présentation du contenu des parties ou des paragraphes, sans désigner la chose.
N.B. : Un autre principe vient cependant tempérer le premier : il vaut mieux être lourd qu’obscur. Autrement dit, la clarté passe avant l’élégance, et vous perdrez plus de points en étant incompréhensible qu’en restant trop scolaire.
Elles sont capitales : elles assurent la cohérence du développement.
Leur rôle est d’inscrire chaque argument dans la ligne directrice de la dissertation.
Sans elles, les arguments restent disparates et ne constituent pas un raisonnement : même si vous avez trouvé d’excellents arguments, votre copie peut manquer la moyenne si vous n’en avez pas assuré la continuité logique avec les transitions appropriées.
Il faut donc des transitions entre les parties et entre les paragraphes : vous devez vous interdire de poursuivre la rédaction tant que vous n’avez pas trouvé la transition qui vous permettra d’accéder à l’argument suivant :
Exemple : Si l’on cherche à montrer dans une partie que dans son Misanthrope Molière prône un idéal de mesure, si un paragraphe doit montrer que le modéré Philinte est le porte-parole de Molière, et si un autre paragraphe explique qu’une autre source de mesure est l’équilibre entre Philinte et Alceste, on peut certes relier ces deux idées par un modeste « de plus », mais la clarté et la précision logique y gagneront si on introduit le deuxième argument par une formule du genre : « Si Philinte est à coup sûr le porte-parole de Molière, il reste que l’attitude d’Alceste n’est pas entièrement blâmable, et que dans certaines scènes, l’idéal de Molière se situe sans doute dans un équilibre entre ces deux personnages... »
Le risque est très grand de s’éloigner du sujet sans s’en rendre compte, au cours de la rédaction :