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Rédiger un devoir de français

La rédaction

Cette dernière étape est de grande importance. Comme on l’a vu à propos de l’argumentation, la dissertation est avant tout un exercice de rhétorique ; il s’agit surtout de se faire bien comprendre :

  • d’une part vous serez jugé en partie sur la qualité de votre expression : sa correction, sa clarté, sa richesse, comme pour les autres sujets
  • d’autre part la mise en œuvre de l’argumentation que vous avez préparée ne sera efficace que si la rédaction sait mettre en valeur votre démarche : deux dissertations de même contenu peuvent se voir noter très différemment selon que la rédaction sera plus ou moins précise.

1.Schéma d’ensemble d’une dissertation

A.Introduction

Un paragraphe de dix à quinze lignes en quatre phrases (ou du moins quatre éléments) :

Présentation générale du sujet :

Soit le thème qu’il aborde, soit l’œuvre ou l’auteur concerné, soit la citation éventuellement contenue dans l’énoncé.

Il importe que cette première phrase ne soit pas creuse, mais introduise réellement le sujet : elle doit donc s’orienter déjà vers le problème que l’on va traiter.

Exemple : Il est inutile de commencer par des considérations biographiques sur l’œuvre au programme, si elles n’ont pas de rapport direct au sujet.

Si on lance le devoir directement avec la citation contenue dans l’énoncé, on la reproduira intégralement si elle n’est pas trop longue, en substance ou par extraits si elle déborde les dimensions d’une introduction (mais ce cas est rare).

La question posée par l’énoncé :

On reprend la citation éventuelle si on ne l’a pas déjà reproduite en premier point, et on adapte cette question au contexte d’une introduction.

Exemple : Si la question est : « Dans quelle mesure partagez-vous cette opinion ? », on ne la reprendra évidemment pas sous cette forme, mais par une formule de ce genre : « Cette opinion soulève pourtant un certain nombre d’objections. »

L’explication concise du problème posé par la question : on doit pouvoir montrer en une phrase, c’est-à-dire rapidement mais avec précision, où se situe le problème ; les détails de la problématique seront analysés dans le développement.

Ce point est capital : c’est le problème que vous formulez ici qui va servir de ligne directrice à toute la dissertation ; c’est à ce problème que vous répondrez en conclusion.

Attention !

  • Ne posez qu’un seul problème : si vous donnez ici plusieurs questions, vous aurez ensuite beaucoup de mal à assurer l’unité et la cohérence de votre développement.
  • Ne répondez pas au problème en le posant : la réponse doit arriver en conclusion, au terme de votre raisonnement, et non en introduction. Autrement dit, le raisonnement ne doit pas être la justification d’une réponse acquise d’avance, mais une démarche progressive vers cette réponse.
Annonce de votre plan :

Présentez le plus légèrement possible les trois parties projetées.

On évitera bien sûr les formulations lourdes du genre : « Cette dissertation comportera trois parties, à savoir etc. » On préférera les phrases plus naturelles comme : « S’il est vrai que... on remarquera cependant... tout en examinant si... » Quoi qu’il en soit, votre formulation sera avant tout adaptée au problème et au plan choisi : il n’y a donc pas de formule imposée, et l’on évitera autant que possible les expressions passe-partout dont l’emploi trop universel s’accorde mal aux cas particuliers.

Exemple : « Victor Hugo écrit n’importe quoi, et ce n’importe quoi produit tantôt le ridicule, tantôt le miracle du génie. » Vous examinerez dans quelle mesure cette citation d’un critique s’applique au drame de Ruy Blas.

En reprenant les quatre éléments évoqués plus haut, on pourra rédiger une introduction de ce genre :

« Victor Hugo est souvent considéré comme le plus grand poète du xixe siècle, et même comme un des plus grands écrivains français. Il est donc très paradoxal qu’un critique ait pu écrire que “Victor Hugo écrit n’importe quoi”, même s’il nuance ensuite en affirmant que “ce n’importe quoi produit tantôt le ridicule, tantôt le miracle du génie”. On est donc en droit de se demander comment un auteur si réputé peut trouver le génie en écrivant n’importe quoi. On examinera donc à quoi peut correspondre ce “n’importe quoi” dans Ruy Blas, avant de voir dans quels cas ce travers tourne au ridicule, puis dans quels cas il est au contraire un trait de génie. »

B.Développement

Trois parties de plusieurs paragraphes chacune :

  • Première partie : thèse, ou premier thème, ou première hypothèse, etc.
    • Premier paragraphe : introduction partielle, en deux éléments : on explique d’abord l’objet de cette partie, ce qu’on cherche à démontrer ; on annonce ensuite en une phrase les arguments sur lesquels reposent les paragraphes suivants.
    • Deuxième paragraphe : premier argument, en trois éléments : on présente l’argument, puis on analyse les références de l’œuvre sur lesquelles il s’appuie ; enfin on formule l’élément de réponse que cet argument apporte à la problématique (ce dernier point est très important, car il empêche de s’éloigner du sujet).
    • Troisième paragraphe : deuxième argument, relié au précédent par une formule de transition montrant le lien logique entre eux.
      Le reste du paragraphe sur le même schéma que le précédent.
    • Quatrième paragraphe : troisième argument, sur le même modèle.
      Et ainsi de suite : autant de paragraphes que d’arguments.
    • Dernier paragraphe : conclusion partielle, dans laquelle on synthétise l’argumentation de la première partie ; à ce stade du raisonnement, où en est-on de la problématique ? Si la dissertation s’arrêtait là, quelle serait la réponse au problème posé ?
  • Deuxième partie : antithèse, ou deuxième thème, ou critique de la première hypothèse…
    • Premier paragraphe : introduction partielle, en trois éléments : une transition où l’on explique en quels termes se pose le problème au début de cette deuxième partie (on s’appuie sur la conclusion de la première partie pour relancer la problématique) ; puis on explique l’objet de cette nouvelle partie, et on annonce les arguments des paragraphes suivants.
    • Deuxième paragraphe : premier argument. Ensuite, on procède de la même manière que pour la première partie, jusqu’au dernier paragraphe de conclusion partielle.
  • Troisième partie : sur le même schéma que la seconde.

C.Conclusion

Un paragraphe de dix à quinze lignes en quatre phrases (ou du moins quatre éléments) :

Récapitulation du raisonnement :

Votre correcteur, qui a suivi pas à pas, dans le détail, votre développement, a besoin d’en avoir maintenant une vue d’ensemble, pour se remémorer les premières étapes et se faire une idée de la cohérence de votre dissertation.

Vous veillerez simplement à ne pas répéter mot pour mot l’annonce du plan de l’introduction, mais à bien prendre en compte l’essentiel de votre argumentation.

Formulation de la réponse apportée par votre raisonnement à la problématique :

Il suffit pour cela de reprendre le problème posé en introduction et d’en présenter la réponse.

Réponse que vous pouvez apporter à la question posée par l’énoncé :

Cette réponse sera proche de la précédente si votre problématique elle-même n’était pas très éloignée des termes de l’énoncé ; si au contraire votre problématique était beaucoup plus précise que l’énoncé, cette seconde réponse sera sensiblement plus large que la première.

Élargissement :

Quelle incidence la réponse que l’on vient d’apporter peut-elle avoir sur notre compréhension de l’œuvre ou notre connaissance de son auteur ? Cette réponse pourrait-elle s’étendre à d’autres œuvres, d’autres auteurs, ou d’autres problèmes ?

En répondant à l’une ou l’autre de ces interrogations, vous trouverez un élargissement acceptable, en prenant bien soin de le présenter comme une conséquence logique de votre raisonnement, que cet élargissement soit une affirmation ou une simple hypothèse à nuancer.

N.B. : Cet élargissement n’est pas absolument obligatoire : mieux vaut aucun élargissement qu’un élargissement creux, gratuit, ou artificiellement plaqué.

Vérifiez en particulier que, sous prétexte d’élargir, vous ne posez pas justement le problème que vous auriez dû poser en introduction ! Cette erreur n’est malheureusement pas rare...

On remarquera que la disposition de la conclusion est donc exactement symétrique de celle de l’introduction : alors que l’introduction progresse du plus général au particulier, la conclusion avance du particulier vers le plus général.

Ainsi le premier élément de l’introduction correspond au dernier de la conclusion, le deuxième au troisième, le troisième au deuxième, et le dernier au premier :

Exemple : Une conclusion correspondant à l’introduction au sujet du « n’importe quoi » de Victor Hugo pourrait être rédigée ainsi : « On a donc compris, en examinant les vers de Hugo dans Ruy Blas, qu’écrire n’importe quoi consisterait finalement à jeter sur le papier les mots comme ils viennent, si bien que, dans certaines répliques, certaines expressions peuvent paraître sinon toujours ridicules, du moins absurdes ; mais on a reconnu là un trait de l’inspiration romantique, dont le génie n’obéit pas d’abord aux critères de la raison. Cette spontanéité de la création n’est donc pas incompatible avec le génie, et les romantiques diront même qu’elle le conditionne. Sous une formule provocatrice, notre critique semble avoir exprimé une vérité, même s’il convient de la nuancer. Ce langage un peu fou n’est-il pas, d’ailleurs, à l’image des héros passionnés qui animent le théâtre de Victor Hugo ? »

2.Quelques conseils pour la rédaction

Rappelons ici, en les précisant, quelques indications déjà évoquées plus haut, qui paraissent essentielles :

A. Des affirmations nuancées

Il est indispensable d’être généralement prudent lorsqu’on présente une idée ou un argument.

Si beaucoup de constatations fondées sur l’œuvre étudiée ne sont pas douteuses et peuvent donc être affirmées sans précautions excessives lorsqu’on démontre un point précis, on se méfiera en revanche des idées générales, qui admettent mal des formulations péremptoires : pour pouvoir généraliser, il faut être sûr qu’il n’y a pas d’exception au principe qu’on affirme, sinon on s’expose à des objections faciles.

On vous reprochera souvent une déclaration sans nuances, qui, par une généralisation excessive, se révèle fausse ; si au contraire vous présentez cette même idée en termes mesurés, on ne pourra plus rien vous reprocher puisque vous laissez place pour des exceptions.

Exemple : Votre correcteur bondira si vous affirmez que Rousseau est un menteur ; il vous lira au contraire avec intérêt si vous laissez entendre que dans certains récits, on peut le soupçonner de mensonge.

De même, si vous montrez sans nuances dans une partie que Dom Juan est toujours hypocrite, vous aurez de la peine, dans la partie critique, à soutenir qu’il y a des exceptions à son hypocrisie, sans entrer en contradiction avec vous-même.

Vous n’hésiterez donc pas à utiliser toutes les formules de prudence comme « il semble », « il est vraisemblable », « il est possible », « il arrive », « souvent », « parfois », « généralement », « si l’on peut dire », « à en croire l’auteur », etc.

B.Une rédaction légère

Il y a dans le travail de rédaction une part d’aisance personnelle que vous aurez acquise ou non au fil de vos études.

Mais on améliorera facilement la rédaction en observant un principe simple qui évite les lourdeurs : on doit rédiger avec toute la rigueur qui sied à une dissertation tout en rédigeant comme s’il ne s’agissait pas d’une dissertation.

Attention ! Il ne s’agit pas de faire de la littérature : le style de l’analyse rationnelle doit rester sobre et neutre, et éviter autant les familiarités que les envolées lyriques. Mais on doit s’abstenir du vocabulaire « scolaire » :

  • dans une dissertation, on ne dit jamais « dans cette dissertation »,
  • en lançant une partie ou un paragraphe, on ne dit pas « dans cette partie » ou « dans ce paragraphe »,
  • en annonçant le plan, on ne parle pas non plus de parties.

On préférera à chaque fois la présentation du contenu des parties ou des paragraphes, sans désigner la chose.

N.B. : Un autre principe vient cependant tempérer le premier : il vaut mieux être lourd qu’obscur. Autrement dit, la clarté passe avant l’élégance, et vous perdrez plus de points en étant incompréhensible qu’en restant trop scolaire.

C.Des transitions soignées

Elles sont capitales : elles assurent la cohérence du développement.

Leur rôle est d’inscrire chaque argument dans la ligne directrice de la dissertation.

Sans elles, les arguments restent disparates et ne constituent pas un raisonnement : même si vous avez trouvé d’excellents arguments, votre copie peut manquer la moyenne si vous n’en avez pas assuré la continuité logique avec les transitions appropriées.

Il faut donc des transitions entre les parties et entre les paragraphes : vous devez vous interdire de poursuivre la rédaction tant que vous n’avez pas trouvé la transition qui vous permettra d’accéder à l’argument suivant :

  • évitez les simples adjonctions : « en outre », « de plus », « et ». Ces liaisons trop faciles ne sont évidemment pas interdites, car elles sont parfois nécessaires. Mais il faut toujours se demander si l’on ne doit pas leur préférer des liaisons logiquement plus marquées (« par conséquent », « au contraire », « cela s’explique par »...)
  • le seul moyen de rédiger une transition efficace est de la penser dans le fil de la problématique : le rôle de chaque argument une fois bien défini dans le raisonnement, il est plus facile de préciser les rapports qui les unissent.
  • très souvent, la transition sera plus claire et plus efficace si elle se développe en une phrase au lieu de se limiter à un mot ou une expression.

Exemple : Si l’on cherche à montrer dans une partie que dans son Misanthrope Molière prône un idéal de mesure, si un paragraphe doit montrer que le modéré Philinte est le porte-parole de Molière, et si un autre paragraphe explique qu’une autre source de mesure est l’équilibre entre Philinte et Alceste, on peut certes relier ces deux idées par un modeste « de plus », mais la clarté et la précision logique y gagneront si on introduit le deuxième argument par une formule du genre : « Si Philinte est à coup sûr le porte-parole de Molière, il reste que l’attitude d’Alceste n’est pas entièrement blâmable, et que dans certaines scènes, l’idéal de Molière se situe sans doute dans un équilibre entre ces deux personnages... »

D.Des arguments reliés au sujet

Le risque est très grand de s’éloigner du sujet sans s’en rendre compte, au cours de la rédaction :

  • lorsque vous rédigez un argument, votre attention se concentre sur cet argument, et vous risquez de perdre de vue l’ensemble de l’argumentation ; or, votre argument n’a de sens que dans la ligne de cette argumentation.
    Conjurez ce risque de dérive en confrontant systématiquement votre argument au problème traité dans cette partie et au problème général de votre dissertation.
  • lorsque vous rédigez votre paragraphe, votre plume suit sa propre logique, puisque, on le sait, l’inspiration vient souvent en écrivant ; il se peut alors qu’à votre insu vous vous attardiez sur un point qui ne corresponde pas tout à fait à l’idée que vous cherchez à montrer.
    Dans ce cas comme dans le précédent, vérifiez que votre paragraphe aboutit bien à la conclusion recherchée. Sans quoi il peut arriver que de paragraphe en paragraphe, de dérive en dérive, vous quittiez complètement le sujet.
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