Cette nouvelle étape consiste à réunir les matériaux nécessaires à la rédaction de la dissertation. À vrai dire, le fond de l’argumentation est déjà pressenti à la suite de l’analyse de l’énoncé, puisque vous avez dû repérer et noter déjà quelques références de l’œuvre relatives au sujet.
Il s’agit maintenant de compléter et préciser cette première approche par d’autres références capables de confirmer ou nuancer les données du problème.
La recherche s’oriente selon deux pistes parallèles :
Ces deux pistes sont étroitement imbriquées, les références suscitant la découverte de nouveaux arguments, et les arguments rappelant à la mémoire d’autres références. Nous traiterons ces deux aspects successivement pour plus de clarté, mais gardez bien à l’esprit qu’ils sont inséparables : d’ailleurs, vous vous en rendrez compte vous-même à l’usage.
Puisque l’analyse de l’énoncé et la définition de la problématique vous ont pénétré du sujet, vous devriez trouver sans peine les éléments du livre qui prendront place dans votre dissertation.
L’analyse de l’énoncé vous a permis de réfléchir aux mots-clés et de définir certaines notions : plutôt que d’entreprendre un brouillon anarchique, vous vous faciliterez la tâche en l’organisant selon un classement provisoire. Il suffit de délimiter sur votre feuille un espace pour chaque aspect du problème que vous avez dégagé de l’étude de l’énoncé : vous y noterez les références correspondantes.
Exemple : Dans le sujet sur l’aventure dans les romans de Malraux que nous avons déjà évoqué à la séquence 2, p. 206, on classera les références du roman étudié selon les rubriques de base : aventure imaginaire, romanesque, politique, sociale, esthétique, métaphysique, on réservera également un espace pour les références qui ne correspondraient à aucune des cases précédentes.
Certaines références, nous l’avons vu, se présentent d’elles-mêmes à votre esprit comme d’évidentes réponses au problème posé par le sujet : notez-les aussitôt, sans leur laisser le temps de s’échapper ; dans le travail intellectuel, une idée peut jaillir à un instant précis et ne plus reparaître par la suite. Il est donc capital de la noter sur le moment.
Les autres références sont à rechercher de façon systématique : faites défiler dans votre mémoire tous les chapitres, épisodes, éléments de l’œuvre, en commençant par le début, en vous demandant à chaque fois quels aspects peuvent servir à la dissertation.
Notez tout ce qui vous vient à l’esprit, même si l’idée qui s’en dégage n’est pas encore claire : il faut profiter de ce que votre attention est encore fraîche et ouverte pour accumuler le plus de matériaux possibles ; lorsque vous serez bien engagé dans la réflexion, vous serez concentré sur certaines pistes, et vous aurez plus de peine à trouver du nouveau ; enfin, il sera toujours temps de faire le tri entre l’utile et l’inutile.
Les références accumulées n’ont de valeur qu’intégrées à un raisonnement cohérent : la recherche des arguments consiste à définir le rapport de chaque référence avec le problème posé, quels éléments de réponse ces références apportent au traitement du sujet.
L’étude de l’œuvre au cours de l’année vous a donné une connaissance de cette œuvre, mais aussi des instruments d’analyse et une réflexion générale sur les différents thèmes qui la parcourent.
C’est le moment de vous souvenir du travail de l’année, et d’y chercher les idées qui pourraient servir à cette dissertation. Passez en revue ce que vous savez de l’auteur, du courant littéraire auquel il appartient, des circonstances de la publication de l’œuvre ; rappelez-vous les thèmes traités en cours, dans des exposés, dans des travaux personnels, ou dans de précédentes dissertations. Reprenez tous les éléments susceptibles d’alimenter votre réflexion et d’étayer votre raisonnement : vous gagnerez du temps et montrerez votre capacité à manier les idées.
Mais attention ! Assurez-vous que ces idées correspondent bien au problème à traiter :
Les arguments tirés du travail de l’année et déjà définis seront rapprochés des références capables de les étayer. Soit vous trouvez la ou les références dans l’inventaire que vous avez déjà fait ; soit l’argument vous conduit à trouver une référence à laquelle vous n’aviez pas pensé. En tout état de cause, un argument doit toujours s’appuyer sur une référence (sinon, c’est une affirmation gratuite).
Exemple : Si, dans un sujet sur l’hypocrisie de Dom Juan, vous voulez montrer que ce personnage est capable de sentiments sincères, il faudra trouver dans la pièce un passage, ou une phrase, ou un geste, qui le prouve ou du moins le suggère, en expliquant comment cette référence est une preuve.
Les autres arguments sont à tirer des références : là encore, confrontez chacune des références avec le problème posé, en vous demandant quel élément de réponse on peut trouver dans cette référence ; vous formulerez l’argument en expliquant l’apport de cette référence au sujet et en le comparant avec celui d’autres références. Deux références proches paraissent soutenir a priori le même argument : en expliquant la particularité de chacune, vous affinerez votre analyse et verrez émerger deux arguments au lieu d’un.
Exemple : Si l’on a retenu comme références de la sincérité de Dom Juan la scène où il se montre épris des jeunes paysannes, et celle où il retrouve de l’amour pour Done Elvire, on remarquera qu’au-delà de son habituelle hypocrisie, il est effectivement amoureux de la femme qu’il a devant lui, et que ce peut être une forme de sincérité. Cela constituerait un argument. Si on regarde de plus près ces deux cas, on verra une différence : dans le premier, Dom Juan est sincère dans la mesure où il est incapable de choisir entre les deux jeunesses qui s’offrent à sa séduction ; dans le second, il est sincère dans la mesure où Elvire, échappant à son emprise, devient à nouveau désirable. Ce sont deux arguments différents, puisque dans le premier cas, sa sincérité est celle d’un libertin très ordinaire incapable de résister aux appas des deux filles, alors que dans l’autre, la renaissance de ses sentiments est beaucoup plus subtile : c’est en quelque sorte une différence de degré.
Il arrive cependant que plusieurs références correspondent effectivement au même argument. Soit ces références valent par leur nombre, et on les gardera toutes ; soit l’accumulation est inutile, et l’on conservera uniquement la plus significative d’entre elles.
Quoi qu’il en soit, on observera toujours le principe :
On se demande parfois de quelle nature doivent être les arguments dans une dissertation littéraire. On peut affirmer sans trop se tromper qu’ils sont à peu près de toute nature, et qu’on ne négligera aucune piste, des plus simples aux plus subtiles. Notons seulement quelques points importants :
Exemple : Une problématique centrée sur le réalisme* dans un roman de Balzac vous amènerait à mesurer la place du réel dans ce roman : vous puiseriez bien sûr vos arguments dans les différentes facettes du monde balzacien et des idées de l’auteur, mais vous devriez également faire état de la technique narrative et descriptive de Balzac, qui nuance fortement le prétendu réalisme de ses romans. Votre argumentation s’appuierait d’ailleurs sur le même type d’arguments pour expliquer le réalisme effectif de Balzac dans certains passages.
Le point de départ de la recherche de vos arguments est la problématique que vous avez dégagée de l’analyse de l’énoncé. Or, il peut se faire que la réflexion sur vos arguments vous amène à modifier la perspective choisie au départ. Cela ne doit pas vous surprendre : il est normal que l’examen de votre argumentation vous donne une vision plus précise du problème posé par le sujet ; dans ce cas, ne vous entêtez pas dans la première direction et redéfinissez tout de suite votre problématique ; c’est une opération rapide, puisque vous avez toutes les cartes en main ; et si vous attendez trop, il sera trop tard (les repentirs sont recevables dans le travail préparatoire : ils ne le seront plus au stade de la rédaction).
La recherche des arguments vous a montré que vous vous étiez trompé de problème : ce sont souvent des éléments de l’œuvre auxquels vous n’aviez pas pensé au départ qui ne rentrent pas dans votre problématique. Il faut alors faire un choix :
La recherche des arguments vous a dévoilé un aspect insoupçonné du sujet, mais ne remet pas en cause la problématique : dans ce cas, il faudra revoir la formulation du problème pour y intégrer cette nouvelle voie :
Exemple : Si on reprend l’exemple du réalisme dans un roman de Balzac, vous avez pu partir sur une problématique simple : comment Balzac, qui mène l’enquête sur la société de la Restauration, utilise-t-il le réalisme pour donner une vision exacte de cette société ? Or vous vous rendez compte en cherchant votre argumentation que la plume romantique de Balzac l’entraîne souvent loin du réel qu’il prétend décrire. Il vous faut alors intégrer cette donnée nouvelle à votre problématique, qui peut devenir : dans la description de la société de la Restauration, Balzac est-il aussi réaliste qu’on pourrait le croire ? D’autres arguments pourraient vous faire constater que l’apparent réalisme de Balzac n’a pas toujours pour objectif de se rapprocher du réel, mais plutôt de susciter l’émotion chez son lecteur : votre problématique devra alors prendre en compte les fonctions du réalisme dans ce roman de Balzac.
Au terme de cette recherche de vos arguments, vous aurez travaillé environ une heure, et vous aurez examiné entre dix et vingt arguments, en sélectionnant au moins le double de références. C’est à partir de ce matériau que vous pourrez envisager la mise en forme de votre développement.