Le réalisme est une tendance récurrente de la littérature, dont il serait aisé de trouver des exemples, des fabliaux du Moyen Âge jusqu’aux drames bourgeois du xviiie siècle, mais plus particulièrement, le terme désigne un courant artistique qui émerge à partir de 1830, et s’impose définitivement après l’échec, en 1851, des aspirations libérales de la Seconde République.
Le réalisme est une réaction dirigée contre le romantisme. Aux rêves idéalistes des romantiques, il oppose le réel, à la nature élégiaque qui enchante, la société bourgeoise qui désenchante.
Se fondant sur la « mimesis », l’imitation en grec, le réalisme, c’est l’imitation fidèle du réel, que les romantiques, semble-t-il, portés par l’imagination, avaient un peu perdu de vue. En un sens, cette disposition d’esprit se trouve en accord avec la société bourgeoise, le positivisme* de Comte, et le scientisme de Renan, qui s’appuient sur une méthode rigoureuse et une confiance inébranlable dans le progrès, la science et l’esprit humain. Le réalisme, influencé par ces courants, garde à l’esprit la nécessité de trouver une méthode adéquate au but qu’il se propose. Cette méthode, différente selon les auteurs, repose en général sur l’objectivité, l’observation précise et la documentation rigoureuse.
En réalité, bien des maîtres du réalisme sont des romantiques déçus, ou contrariés. Les Souvenirs d’égotisme, La Peau de chagrin et Salammbô gardent maints caractères de la jeunesse romantique de leurs auteurs respectifs, Stendhal, Balzac et Flaubert. Pour ces auteurs, cependant, l’exaltation de jadis n’est plus de saison, et ils évitent de céder à cette tentation constante par une maîtrise rigoureuse. Le romantisme fut le renouveau de l’inspiration poétique, le réalisme est l’âge du roman.
Pour Stendhal, « un roman, c’est un miroir qu’on promène le long d’un chemin ». Voilà une formule qui résume assez bien le projet réaliste du romancier. Inspiré d’un fait divers, Le Rouge et le Noir a pour sous-titre Chronique de 1830, et Armance, Quelques scènes d’un salon de Paris en 1827. Mais l’investigation psychologique conduit souvent le narrateur à exprimer soit le sentiment du héros, soit celui de l’auteur, et à quitter ainsi le strict terrain de l’objectivité : c’est du réalisme subjectif.
Balzac se propose de faire concurrence à l’état civil, pour représenter dans sa Comédie humaine la société de son temps en son entier, et peut-être même, les hommes de tous les temps, par les types qu’il représente. Les quatre mille personnages qu’il projette, les abondantes descriptions de ses romans semblent épuiser le réel qui l’entoure. Cette ambition de la totalité, toutefois, prend la forme d’un réalisme visionnaire.
Flaubert, lui aussi, s’astreint à la représentation du réel. Madame Bovary s’inspire d’un fait divers, et L’Éducation sentimentale relate l’histoire morale et sentimentale d’une génération, celle de l’auteur.
À bien des égard, le naturalisme peut être perçu comme un prolongement du mouvement réaliste. Mais Émile Zola radicalise la doctrine, qu’il fonde sur des bases scientifiques. Le naturalisme apparaît ainsi comme un réalisme systématique. L’observation minutieuse du réel débouche sur une analyse explicative, qui se veut rigoureuse. Le naturalisme, et Zola en particulier, s’arrête aux aspects les plus ternes ou les plus bas du réel qu’il étudie. Autour de Zola, le groupe des Soirées de Médan, rassemble des auteurs comme Maupassant ou Huysmans.
Mais cette position est difficile à tenir jusqu’au bout, et le risque de platitude conduit certains disciples du naturalisme à une sorte de fuite en avant. Face à ce réel morne, et angoissant, à force de médiocrité, Maupassant cherche dans un au-delà fantastique* une issue improbable. Huysmans, lui, ne résiste pas aux tentations de l’occultisme et du mysticisme.
Par ailleurs se pose le problème de l’écriture et de l’art. L’art réaliste ou naturaliste ne risque-t-il pas, au mieux, de se cantonner à une activité de journaliste, au pire, de sombrer dans la laideur objective du réel ? Le Parnasse littéraire avait déjà tenté de répondre à ce problème. Leconte de Lisle et Heredia, par exemple, se gardant de tout lyrisme subjectif, avaient confié à la perfection formelle de leurs vers le soin de décrire le réel mis en scène. Flaubert, lui aussi, donne au réel médiocre qu’il décrit la forme impeccable et précise d’une prose artiste. Les frères Goncourt vont même plus loin, et rêvent le paradoxe d’un « réalisme de l’élégance » alliant la belle forme au sordide réel.