Après de brillants débuts au Havre, Raymond Queneau poursuit ses études de philosophie à Paris. D’un pareil auteur, il est difficile de retracer le parcours, tant est grande la diversité de ses œuvres et de ses préoccupations, de la philosophie aux mathématiques en passant par les sciences religieuses, la psychanalyse et la littérature, sans oublier la fantaisie et l’humour qui sont le fond de son tempérament.
Queneau a évoqué sa vie dans quelques récits à caractère autobiographique, Les Derniers Jours (1936), Chêne et chien (1937) et Odile (1937). D’autres romans évoquent plutôt l’absurdité du monde contemporain : Le Chiendent (1933), Pierrot mon ami (1942), Loin de Rueil (1944). Et l’auteur trouve dans la fantaisie ou dans la fantasmagorie une possible échappatoire : Zazie dans le métro (1959), Les Fleurs bleues (1965), Les Œuvres complètes de Sally Mara (1962).
Mais il s’est aussi illustré dans la poésie. De 1924 à 1929, il collabore au journal La Révolution surréaliste. Plus tard, il a publié des recueils de facture très diverse : Les Ziaux (1943), L’Instant fatal (1948), une Petite Cosmogonie portative (1950), Le Chien à la mandoline (1958), Cent mille milliards de poèmes (1961) et Morale élémentaire (1975). Par ailleurs, il a publié quelques essais : Bâtons, chiffres et lettres (1950) et Entretiens (1962).
La fantaisie est sans doute l’élément le plus constant des productions de Queneau. C’est un truqueur de génie qui aime à bricoler le langage en tous sens. Il se moque des règles de l’orthographe et de la grammaire classiques, ou alors, il s’invente des règles arbitraires et parodiques, jouant sur la répétition, la variation et la combinaison, d’où les Exercices de style (1947), et sa participation à l’OULIPO (OUvroir de LIttérature POtentielle).
Zazie dans le métro demeure sans doute la plus populaire de ses œuvres. Cette jeune fille insolente passe quelque temps chez son oncle Gabriel, « hormosessuel » carrément « suprême ». Le métro qu’elle désire visiter est en grève, et elle rencontre dans Paris les amis ou connaissances de Gabriel. Évidemment, ce roman « écrit comme on parle », ou affectant de l’être, est un vrai régal. Le premier mot donne le ton : « doukipudonctan ». Quant à Zazie, elle n’a pas son pareil pour l’irrévérence burlesque ; comme on lui propose de visiter les Invalides : « Napoléon, mon cul, réplique Zazie. Il m’intéresse pas du tout, cet enflé, avec son chapeau à la con. » Telle est la poésie paradoxale du roman…