Le mot "précieux" a été emprunté à l'adjectif latin : "pretosius" : qui a du prix. Précieux désigne les deux faces d'une même réalité ; il peut, selon le contexte, prendre une valeur laudative ou une valeur péjorative. Il y a alors ambiguïté du mot, qui désigne aussi bien un travail très raffiné, délicat, distingué, que des manières affectées : la préciosité est alors menacée par le ridicule.
La préciosité s'épanouit au XVIIème siècle et culmine tout particulièrement entre 1650 et 1660. Elle se trouve au confluent de trois mouvements : un phénomène social, un phénomène moral et un phénomène littéraire.
Le triomphe de la préciosité au XVIIème siècle est un phénomène européen : en Angleterre, John Lily lance l'euphuisme, en Italie, c'est le marinisme et, en Espagne, le gongorisme. Mais ce qui distingue la France des autres pays européens, c'est qu'elle a vu s'épanouir non seulement une poésie précieuse, mais aussi une société précieuse qui s'est développée dans le cadre des salons.
La vie de cour, brillante sous les derniers Valois, était devenue si grossière sous Henri IV que, vers 1600, les courtisans épris de politesse, de conversations galantes et raffinées, prirent l'habitude de se réunir dans quelques hôtels aristocratiques. De grandes dames s'y retrouvent avec des gentilshommes et des gens de lettres; on s'occupe de littérature, on fait des vers. Mais, en 1610, l'assassinat du roi et les troubles de la Régence ralentissent la vie mondaine, et il faudra le rétablissement de l'ordre par Richelieu pour que les salons retrouvent leur activité.
De tous les salons, l'hôtel de Rambouillet fut, sans doute, le plus célèbre et le plus actif. Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet, surnommée par Malherbe "l'incomparable Arthénice", y recevait des hôtes de marque, grands seigneurs et écrivains. De santé précaire, ne pouvant supporter les fatigues de la Cour, elle attire chez elle une société choisie et s'efforce de retrouver la vie brillante qu'elle a connue en Italie. Belle, vertueuse sans être prude, cultivée sans être pédante, elle sut faire de son salon le centre du bon goût et de la bienséance. Le grand animateur du cercle de Rambouillet fut le poète Voiture qui sut organiser des jeux, inventer des divertissements, lancer des modes littéraires.
Après la Fronde, d'autres salons connurent la notoriété : ceux de Mme de Sablé, de Melle de Montpensier ou encore de Mme Scarron. Mais le plus important, qui prétendait succéder à l'hôtel de Rambouillet, fut celui de Melle de Scudéry. Tous les samedis, elle réunissait des bourgeoises entichées de romans et des gens de lettres. Moins aristocratique, moins mondain que l'Hôtel de Rambouillet, ce salon eut surtout des activités littéraires.
Les salons sont des lieux où l'on s'amuse : l'on y joue à des jeux de société, l'on y chante, l'on y danse. Des sorties à la campagne sont organisées. Les divertissement littéraires y sont nombreux : on chante les "chansons" que l'on vient d'écrire; on s'exerce aux genres à la mode ; on organise des tournois poétiques ; on prend parti dans les querelles littéraires du temps. La conversation, enfin, est l'occupation précieuse par excellence, portée à la hauteur d'un art délicat et raffiné. On s'intéresse à des débats psychologiques, on en vient à de subtils problèmes de casuistique amoureuse.
La préciosité est également un phénomène moral qu'il faut rattacher à l'héroïsme, à un besoin de grandeur. Elle se manifeste comme une volonté de donner "du prix" à sa personne, ses sentiments, ses actes, sa langue. La préciosité implique un effort, un acte de volonté pour se distinguer du lot commun.
L'esprit est une condition nécessaire mais non suffisante à la préciosité. Il doit se manifester par des écrits, des commentaires d'œuvres, des traits d'esprit. Comme il n'est pas toujours facile de se distinguer par l'originalité de la pensée, les précieux s'attachent surtout à la forme, à l'art de rendre les idées singulières par un langage piquant et ingénieux. Toutefois, les précieux sont avant tout des mondains ; ils se défendent d'être auteurs de profession et écrivent pour leur seul plaisir. Ils ont un faible pour "l'impromptu" et pratiquent les petits genres à la mode.
Si la préciosité peut être délicate et pleine de charme aussi longtemps qu'elle est limitée par le bon goût et se concilie avec le naturel, elle devient très vite ridicule dès lors que la quête de grandeur et l'effort vers la distinction dérivent vers l'affectation et la recherche excessive. La préciosité ridicule se manifeste aussi bien dans le langage que dans le costume ou les manières. Raillée par Molière ("Les précieuses ridicules"), elle se définit comme l'outrance de la préciosité morale.
L'amour est le principal sujet des précieux, un amour courtois et platonique. Cet amour épuré s'accommode toutefois de coquetterie : les précieux aiment la galanterie. C'est la Carte du Tendre qui symbolise les complications et les conventions de la galanterie précieuse, ses raffinements sans fin, ses nuances qui expliquent le succès des interminables romans psychologiques.
Les poètes mondains ont pratiqué des genres mineurs, petites oeuvres fugitives que la mode imposait tout à tour. René Bray les classe en 3 groupes :
On distingue deux types de romans précieux :
On peut également qualifier de précieux le genre épistolaire dont Mme de Sévigné est la plus représentative à travers les milliers de lettres qu'elle a adressées à sa fille, Mme de Grignan, après le départ de celle-ci pour la province.
Le désir de se distinguer s'affirme aussi dans le langage. En ce qui concerne le vocabulaire précieux, les tendances essentielles en sont :
Les principaux signes de cette recherche sont :