La littérature médiévale, à qui la considère, se présente comme un long mouvement d’inquiétude et d’enthousiasme, une profonde quête inachevée...
Le Seigneur est souvent à l’horizon des œuvres médiévales – toujours sensible, toujours inaccessible. D’ailleurs, les premiers textes conservés sont directement liés à la religion chrétienne, inspirés par un sincère désir d’approcher Dieu.
La littérature liturgique est constituée de textes écrits pour servir à l’office divin : la glose, la paraphrase, les mystères, les passions, la méditation, l’hagiographie et le miracle sont autant de genres touchant à l’histoire sainte, mais qui s’en distinguent nettement. Le Moyen âge est ainsi caractérisé par un ample mouvement centrifuge qui manifeste une autonomie croissante de l’écriture par rapport aux Écritures.
Les plus anciens textes parvenus jusqu’à nous sont des hagiographies, des récits relatant la vie d’un saint. La Cantilène de sainte Eulalie, vers 880, est ainsi une séquence, un poème à chanter, qui fait connaître aux fidèles le martyre de la sainte que célèbre la liturgie du jour. La Vie de saint Alexis, de même, vers le milieu du xie siècle, à travers l’anecdote du noble romain, invite le public au repentir et à la conversion. Le poète Rutebeuf a ainsi composé au xiiie siècle une Vie de sainte Marie l’Égyptienne.
Dans la même veine, les miracles rapportent l’intervention d’un saint qui sauve un fidèle. L’histoire a conservé notamment les Miracles de Notre Dame que le poète chanoine Gautier de Coinci a retranscrits dans un esprit de dévotion mariale tout à fait remarquable.
Les mystères et les passions désignent des spectacles mettant en scène des miracles bibliques et la Passion du Christ. Ils se jouent souvent sur le parvis des églises ou sur les places publiques, et requièrent parfois d’énormes machines ainsi que la participation de figurants nombreux pour l’édification du public. Les fêtes liturgiques deviennent alors des fêtes populaires.
Bien souvent, l’historiographie, au Moyen Âge, n’est pas très éloignée de l’hagiographie. Telle est l’ambiguïté, par exemple, de l’Histoire de Saint Louis racontée par Joinville : « La premiere partie si devise comment il se gouverna tout son tens selonc Dieu et selonc l’Église, et au profit de son règne. La seconde partie dou livre si parle de ses granz chevaleries et de ses granz faiz d’armes. » L’auteur entend en effet retracer les hauts faits du héros tout en soulignant les effets de la grâce agissant dans l’Histoire. À travers Saint Louis, il s’agit donc bien de retrouver l’esprit de Dieu parmi les hommes.
C’est bien entendu l’idée que veulent donner la plupart des récits de croisade. Les croisés seraient eux aussi en quête de Dieu, dans la mesure où ils désirent libérer le tombeau du Christ, tombé aux mains des Sarrasins. Et de fait, au moins pour les humbles gens qu’exhorte saint Bernard, la Jérusalem terrestre à conquérir tend à se confondre avec la Jérusalem céleste, où se gagne le salut éternel. La campagne militaire prend ainsi des apparences de pèlerinage religieux. Mais en réalité, les projets spirituels dissimulent souvent les intérêts matériels sur lesquels le récit de la Conquête de Constantinople par Geoffroy de Villehardouin donne de larges aperçus.
Progressivement, l’Histoire s’émancipe à la fois du genre apologétique et du style épique*. Ce n’est plus l’histoire de Dieu parmi les hommes, c’est véritablement l’histoire des hommes tels qu’ils sont. Les Chroniques de Froissart racontent ainsi avec pittoresque les guerres qu’a connues l’Europe entre 1327 et 1400, et pour l’essentiel, « les faits et les avenues des guerres de France et d’Angleterre ». Commynes, lui, qui relate le règne des deux rois Louis XI et Charles VIII, se présente dans ses Mémoires comme un juge lucide et un moraliste subtil.