Manon Lescaut
1:L’auteur
La vie d’Antoine-François Prévost, dit couramment l’abbé Prévost, est aussi riche en
aventures romanesques* que les récits qu’il a écrits. Né en 1697 dans une famille
bourgeoise, il est envoyé contre son gré chez les jésuites*, quitte le noviciat,
s’engage dans l’armée qu’il abandonne deux fois, laisse un ordre pour entrer dans
un autre. Fuyant le cloître, il s’adonne aux plaisirs de la capitale. Poursuivi par
les autorités, il franchit la Manche, mais son inconduite le chasse et il arrive en
Hollande où une autre mésaventure le fait revenir en Angleterre, puis, dans le désordre,
Bruxelles, Francfort, La Haye, Londres... Il est plus d’une fois poursuivi ou emprisonné,
pour un faux, pour une dette, pour ses compromissions ou ses indiscrétions, aimant le
monde, obligé de le fuir, proche, selon les cas, des jésuites, de Voltaire ou de Rousseau,
avant de mourir en 1763.
Son activité littéraire est riche : il a plus d’une fois traduit le célèbre romancier
anglais Richardson, lancé un périodique, Le Pour et le contre, et il laisse après lui de
nombreux romans dont l’Histoire de Monsieur Cleveland, fils naturel de Cromwell, écrite
par lui-même, ou le Philosophe anglais, et les Mémoires d’un homme de qualité, dont le
tome VII comporte la fameuse Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut.
2:L’oeuvre
Dans ce roman, le chevalier raconte sa passion désastreuse pour la coquette et légère
Manon Lescaut, qui le conduit aux pires méfaits. Libéré de prison, il suit Manon, déportée
en Louisiane, avec des filles de joie, et tous deux fuient dans le désert, où elle expire
entre ses bras. Tous les ingrédients du romanesque* sont ici réunis : passion, trahison,
vol, duel, meurtre, prison, exil et mort. Ils mettent en relief la violence de la passion
amoureuse. Les péripéties passionnantes du roman d’aventure, la profondeur du roman
d’analyse, l’authenticité factice du récit autobiographique, le réalisme de la peinture
de mœurs, la grandeur pathétique de la tragédie, tout contribue au vif succès de cette
œuvre. Le style est à la fois simple, dépouillé, violent et passionné. La jouissance
effrenée, l’impuissance du héros face à la violence des passions, la conscience du malheur
enfin donnent au récit en général le goût d’une tristesse voluptueuse.
