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Madame Bovary

1:Le projet

Maxime du Camp et Louis Bouilhet, après une lecture de La Tentation de saint Antoine, conseillent à Flaubert d’oublier toutes ces « divagations », et l’invitent, pour vaincre cette « invincible tendance au lyrisme », à se limiter à un sujet plus prosaïque, l’histoire, par exemple, de M. Delamare, qu’ils avaient connu par l’intermédiaire du père de Flaubert. Flaubert se lance alors dans ce pensum thérapeutique, pour dompter en lui le goût de l’épanchement, à une époque où, de toutes façons, le romantisme est entré en France dans l’ère du soupçon. Après quelques années d’un travail acharné et laborieux, s’inspirant en effet de l’affaire Delamare, il publie, en 1857, Madame Bovary, aussitôt accusée d’immoralité, comme Les Fleurs du mal. Mais le procès, que Flaubert gagne, ne peut que servir le succès éclatant du roman.

2:Résumé

Un jeune homme médiocre et laborieux devient finalement médecin : Charles Bovary épouse en secondes noces Emma Rouault. Cette jeune fille croit trouver dans le mariage les félicités romanesques* qu’elle avait jusqu’alors rêvées. Mais la médiocrité de son époux, de son entourage, à Tostes, puis à Yonville, lui fait perdre toute énergie. Elle se jette alors avec fougue dans la passion qu’elle éprouve pour Léon, un jeune clerc de notaire. Après le départ de Léon, elle rencontre Rodolphe, un dandy*, qui préfère bientôt l’abandonner à ses désirs exaltés et impérieux. Elle retrouve Léon, mais elle se lance dans des dépenses luxueuses, et bientôt, accablée de dettes, de fatigue et de remords, elle se suicide à l’arsenic. Charles Bovary ne tarde pas à la suivre dans la mort, laissant orpheline la petite Berthe.

3:Personnages

« Elle avait lu Paul et Virginie » : Emma Bovary est cette jeune femme qu’une enfance bercée de rêveries romanesques* a rendue inapte à la médiocrité bourgeoise. L’influence d’une éducation religieuse, la bêtise, la lâcheté ou la méchanceté des hommes qui l’entourent, la conduisent à une double faillite financière et amoureuse. Charles Bovary, élève médiocre, médecin médiocre, fera un époux médiocre, généreux, pourtant, et brave avec cela, mais incapable de comprendre le mal dont souffre son épouse. Il n’a pas, après la mort d’Emma, de raison de lui survivre : il ne lui survit pas. Emma croit trouver mieux ailleurs : elle se trompe. Finalement, les grands vainqueurs du roman sont Homais et Lheureux. La bêtise sentencieuse du pharmacien et la cupidité sournoise du commerçant triomphent dans cette société bourgeoise. L’arsenic du premier, et l’argent que réclame le second, condamnent Mme Bovary, et ses rêves de bonheur.

4:Un roman réaliste

Certes oui. Le lecteur y retrouve le motif balzacien de la vie de province et des études de mœurs. Le milieu, les conditions sociales et psychologiques sont présentées avec précision par l’auteur. Le livre est en quelque sorte une chronique et une peinture de son temps : les nobles, les notables, les bourgeois, les paysans, les hommes, les femmes, la ville, la campagne, tout y est présent, en sa place fixée. C’est ici le thème réaliste de la mal mariée, qui donne lieu à un roman de l’adultère. Avec ce personnage exemplaire et si représentatif qu’est Emma Bovary, Flaubert pouvait affirmer à juste titre : « Ma pauvre Bovary souffre et pleure dans vingt villages de France. »

Roman de la désillusion, école du désenchantement, Madame Bovary est aussi une éducation sentimentale en faillite, qui par là même, n’est pas sans rappeler la propre expérience de l’auteur : « Madame Bovary, c’est moi ! », disait-il en effet.

5:Le style

Le style est pour Flaubert « une manière absolue de voir les choses ». Le monde qu’il peint, d’une part, et ses impressions personnelles, d’autre part, sont tenus à distance par le travail du style, la médiation du regard, et les changements de perspective. Les descriptions, fouillées, minutieuses, abondent ; ce n’est pas sans raison. La précision du texte décrit la vérité du monde, et la banalité du monde explique la désillusion d’Emma. Ce sujet mélodramatique, les déceptions amoureuses d’une jeune femme, est coulé dans une langue qui s’y refuse, et c’est cette tension qui fait aussi la beauté du roman. « Je me suis efforcé d’aller dans l’âme des choses », écrit Flaubert, mais sans céder aux facilités du lyrisme. Ce style très personnel est en même temps impersonnel, car, conclut Flaubert, « l’artiste doit être dans son œuvre comme Dieu dans la création, invisible et tout-puissant : qu’on le sente partout, mais qu’on ne le voie pas ».

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