Les Lumières qui illuminent ce siècle sont les idées nouvelles, diffusées par les philosophes. Elles s’opposent aux principes de l’autorité et de la tradition, et se fondent sur la seule liberté de l’esprit critique. Elles récusent par conséquent la lumière universelle que prétend dispenser la religion catholique selon la foi. C’est au contraire la raison qui guide les philosophes.
Cette raison n’est pas une pure spéculation métaphysique* ; elle se veut empirique : elle s’appuie sur l’expérience, l’observation du réel et des faits concrets. Telle est la méthode, par exemple, du naturaliste Buffon. Elle n’a guère de frontières, et s’intéresse à tous les domaines de la connaissance et des pratiques humaines, de la grammaire à la médecine, en passant par la physique ou l’histoire. Elle culmine enfin dans la vaste entreprise que mènent ensemble Diderot et d’Alembert : l’Encyclopédie. Il s’agit d’un inventaire raisonné des savoirs de l’humanité, que la patience obstinée de ces deux hommes, et de leurs nombreux collaborateurs, constitue en volumes, de 1751 à 1766.
Mais la remise en cause des idées reçues ne va pas sans heurts. Les ennemis des philosophes entravent leur entreprise, et interrompent plus d’une fois les travaux en cours. De l’esprit d’Helvétius est condamné. Plus grave, les dissensions se font sentir de l’intérieur. L’athéisme* des uns s’oppose au déisme* des autres, et Rousseau va même jusqu’à faire le procès de la civilisation, minant ainsi l’un des fondements des Lumières : la foi dans le progrès.
Cependant, la philosophie des Lumières fait son chemin dans les esprits. Voltaire publie un Dictionnaire philosophique portatif, pour mieux assurer la diffusion de sa pensée. Les livres interdits, quoi que fasse la censure, n’en circulent que mieux. Les « cabinets de lecture » permettent au public de s’instruire des idées nouvelles dans des bibliothèques aménagées. On vulgarise les doctrines scientifiques, on commente les philosophes anglais, Locke et Hume, ou le Hollandais Spinoza, dont l’influence est capitale, on voyage, on entretient des correspondances nourries.
Le combat principal est peut-être à mener sur le terrain de la religion et des superstitions. Les récits de voyage proposent à la curiosité du public l’exemple de religions exotiques tout aussi dignes que le christianisme, sinon plus. Par ailleurs, le mythe du « bon sauvage » accrédite l’idée d’une religion naturelle, plus authentique, peut-être, que toutes les religions instituées. On en vient même à douter de la Bible. Les savants soumettent les textes sacrés à la critique philologique*. À la suite de Bayle, Richard Simon analyse les Écritures, et donne aux incrédules et aux impies des arguments opportuns contre le catholicisme romain. C’est lui que vise en particulier Voltaire, qui prétend « écraser l’Infâme ». Il prend donc la défense des innocentes victimes du fanatisme catholique, Callas, Sirven, La Barre entre autres. Ces affaires retentissantes font de Voltaire le champion de la tolérance.
Les philosophes s’engagent aussi sur le terrain politique. Montesquieu jette les bases De l’esprit des lois. Le système parlementaire anglais inspire de nombreux projets de réforme. Diderot critique violemment les gouvernements de Louis XVI et de Frédéric II. Rousseau fonde la légitimité du pouvoir dans la cité sur un contrat social, et propose à la Pologne un projet de constitution. La réforme de l’État, voilà le grand sujet. Mais le « despotisme éclairé » n’est guère qu’une illusion. À la fin du siècle, les blocages du système politique amènent une révolution, que les Lumières ont préparée sans le savoir.
Enfin, les Lumières prônent une morale eudémoniste, puisqu’elles se fixent pour finalité le bonheur du genre humain. D’ailleurs, comme l’affirme le critique Paul Hazard, au xviiie siècle, « le bonheur est une idée neuve en Europe », mais on l’entend diversement selon les cas. Le bonheur, pour Voltaire, est le fruit du travail et de l’activité économique. Pour Rousseau, il coïncide avec le sentiment et la vertu, que corrompt précisément la civilisation. Pour les plus hardis des libertins*, il réside dans le plaisir sensuel. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un bonheur sur cette terre, et la morale est un sujet primordial, que les philosophes prétendent retirer à l’exclusive autorité de la religion.