Charles Marie Leconte de Lisle naît à la Réunion. Plusieurs années passées en cette île laisseront sur lui une empreinte profonde et le goût de l’exotisme. Mais arrivé en France, il doit suivre des cours de droit qui l’intéressent bien moins que la littérature. La lecture enthousiasmante des Orientales de Victor Hugo, les poètes grecs qu’il traduit, Homère, Hésiode, sont autant d’éléments qui forment son art. Pour la pensée, il s’inspire du catholicisme social de Lamennais et du socialisme de Fourier. Les promesses de la révolution de 1848 sont vite déçues, et après l’avènement du Second Empire, il abandonne la politique, et se consacre à « la contemplation sereine des formes divines ».
Leconte de Lisle voue à l’art un culte religieux et rationnel à la fois. Il met en œuvre une poétique de la distance, distance temporelle ou spatiale, dans ses Poèmes antiques en 1852, Poèmes barbares en 1862, Poèmes tragiques en 1884 et Derniers Poèmes en édition posthume. Autour de lui se réunissent les poètes, Banville, Heredia, Mendès, qui forment une revue et un mouvement littéraire du même nom : Le Parnasse*. Après les horreurs de la Commune, qui le désolent, il se réjouit de l’avènement de la IIIe République, car il est resté fidèle à son engagement démocratique. En 1886, il succède à Victor Hugo à l’Académie française. Il meurt en 1894.
Leconte de Lisle met en œuvre une poésie impersonnelle, apparemment. Le culte de la perfection formelle dans la lignée de Théophile Gautier donne lieu à des monuments superbes et à des descriptions d’une beauté plastique éblouissante. Il chante « Midi », « Le Rêve du jaguar », « L’Enfance d’Héraclès », « La Vision de Brahma », ou « Le Cœur de Hialmar ». En réalité, cet amour du Beau et de l’art pour l’art, qui s’exprime dans une poésie lyrique*, hymnique, épique* ou philosophique, est une manière de se garder de la tentation romantique de l’épanchement lyrique*. Pour autant, à travers ces galeries hautaines, se dégage une impression de mystère originel. Cette poésie savante retrouve l’enfance de l’homme, des civilisations, des religions, et même de l’univers. L’auteur met en place une cosmologie* poétique et sublime, où se révèlent son inquiétude métaphysique* et son scepticisme* face à l’Histoire.