La génération romantique a été traversée de nombreux talents, mais Lamartine garde une place à part parmi les poètes de cette période. Homme de lettres, homme politique, poète,... Il a marqué de son influence les lendemains de l'épopée napoléonienne, et demeure, malgré sa fin misérable, l'un des poètes les plus remarquables de son temps, au style léger, flamboyant et passionné.
L'enfance d'Alphonse de Lamartine, partagé entre le domaine familial et le collège de Belley. Il s'initie à la lecture pour laquelle il développe rapidement une vive passion. Au contact de la nature de Milly s'éveille en lui une dimension poétique nouvelle. A travers une brève mobilisation dans l'armée durant la première Restauration et ses premières déconvenues littéraires, il renforce ses convictions et sa motivation. Attiré par la politique, il demeure néanmoins fidèle à la poésie qui lui offre l'opportunité de traduire les sentiments qu'il se découvre, notamment l'amour que lui inspire Julie Charles qui mourra en 1817 à Paris.
De cette douloureuse épreuve, Lamartine retient une source de création et d'inspiration qui se distingue clairement dans son premier recueil des Méditations qui paraît en 1820. Les troubles de l'époque et les tourments de sa vie personnelle alimentent une création intime, parcourue d'incertitudes et d'espoirs. Son expérience amoureuse notamment dicte sa composition à travers Le Lac, L'immortalité, puis L'isolement, Le soir, Le souvenir, Le vallon, L'automne et L'Homme, qui rendent compte des états d'âme d'un jeune homme touché par le doute puis le désarroi lors de la perte de l'être aimé. Le sentiment religieux que lui a livré sa mère, renforcé par son éducation jésuite, prend un nouvel essor face à cette épreuve douloureuse.
Entre 1820 et 1830, le génie de Lamartine est pleinement reconnu. Il incarne à travers sa poésie les mêmes incertitudes que les personnes de l'époque. L'heure est à la mélancolie, au désenchantement, et Lamartine répond dans ses poèmes aux aspirations de l'époque.
Gagnant en expérience et en maturité, Lamartine se marie à une jeune anglaise, Elizabeth Birch, et publie ses Nouvelles méditations où il affirme son style et son caractère. De plus, la dimension mystique du personnage s'affirme, à travers notamment La mort de Socrate (en 1824) où Lamartine exprime sa fascination pour la thématique de l'immortalité et pour la foi qu'il transcrit dans son ouvrage Harmonies poétiques et religieuses. Son style se fait plus incisif, s'affranchissant des liaisons obligées et des transitions. Lamartine cherche à créer et à exprimer une mélodie à la gloire de Dieu.
Lamartine se sent dès lors prêt à rentrer de plain pied dans la vie politique de l'époque.
La Révolution de 1830 marque un tournant dans la vie de Lamartine. Elle sonne notamment la fin de sa carrière diplomatique et le début de sa carrière politique, notamment à travers les législatives de 1831. Ses poèmes de l'époque, Les Révolutions et A Némésis, traduisent de nouvelles aspirations, notamment axées sur la recherche du progrès et de la liberté. Ces années sont également marquées par la mort de sa fille, qui déclenche en lui ne nouvelle vague mélancolique qu'exprime à merveille son poème intitulé Getshémani.
Sa carrière politique prend un élan nouveau avec son élection en tant que député de Bergues en 1833. Apolitique, il refuse de se rallier aux grands partis politiques dominants de l'époque. Il écrit parallèlement une fresque poétique et romanesque gigantesque, destinée à retracer l'histoire des destinées humaines. Jocelyn se compose ainsi de 10000 vers, évoquant tour à tour la Foi, la Charité, l'Amour, la chasteté, la Mort et la maladie.
Cette œuvre est parcourue de souvenirs intimes qui sont inscrits dans une dimension poétique et biographique, doublé de passages où l'inspiration mystique prévaut davantage encore que par le passé. Jocelyn, ou l'épopée de l'homme intérieur, décrit en filigrane l'ascension de l'âme humaine vers Dieu, sur le chemin de la vertu mystique. Le chemin qui mène à cet achèvement spirituel est traversé par la souffrance dont la vertu purificatrice est rappelée et exaltée. On ne saurait omettre la dimension politique du poème qui prône le travail rural et apporte des bribes de solutions à la misère sociale.
" L'Introduction " de cette épopée est publiée plus tardivement par Lamartine. C'est la Chute d'un ange, où l'idylle de l'ange Cédar et de Dhaïda, incarnant par ses visages successifs différents états de l'âme, sert de fil conducteur à ce poème colossal de près de 11000 vers. Rattrapé par ses ambitions politiques et rejeté par une critique acerbe, Lamartine développe une inspiration davantage tournée vers le social, vers la problématique de la condition humaine, à travers notamment ses Méditations et Harmonies. L'orientation politique que prend la carrière de Lamartine l'amène à entrer dans l'opposition alors que le ministère Guizot entre en fonction. L'opposition politique de Lamartine, au côté de Ledru-Rollin, se double d'une création littéraire orientée, L'Histoire des Girondins.
Le positionnement politique de Lamartine se précise, rejetant la doctrine Montagnarde de la Révolution française, et condamnant notamment les crimes dont se rendirent responsables les chefs de file révolutionnaires de la Montagne, excès qui nuisirent à la réussite des réformes engagées à l'époque. Cette fresque historique, glorifiant sans concessions le mouvement girondin, valut à Lamartine une estime certaine qui l'amena en 1848 au poste de Ministre des Affaires Étrangères.
Néanmoins, Lamartine perdit tout son crédit accumulé durant les campagnes passées en s'opposant aux émeutes de 1848, ce " printemps des peuples " qui embrasa l'Europe tout entière. Alors que le Second Empire voit le jour en 1851, sa carrière politique s'effondre, le condamnant à une vie misérable. Sa production littéraire, majoritairement en prose, devient alors pléthorique : afin de pouvoir subsister, Lamartine se plonge à corps perdu dans la rédaction de nouveaux ouvrage, tels que Les confidences de 1849 ou Raphaël la même année. Les écrits historiques s'accumulent également (Histoire de la Turquie, Histoire des constituants, …), concluant une production littéraire forcée, soumise à des impératifs financiers qui bridèrent la dimension romantique dont était à l'origine empreinte son œuvre. On se doit de noter le soubresaut romantique biographique de 1857 où Lamartine écrit La vigne et la maison, d'inspiration résolument autobiographique, débordant de lyrisme et de créativité poétique. Renouant avec son inspiration passée, Lamartine meurt néanmoins dans la misère la plus totale, seul et abandonné de tous.
Les sources de l'inspiration de Lamartine, teintée de lyrisme et de passages autobiographiques, se trouvent explicitées dans sa préface des Méditations, tiraillée entre l'expression même de la sensibilité du cœur et l'évocation de sentiments. Cette poésie s'affranchit alors des règles imposées par le rigorisme classique pour transcrire des émotions et des préoccupations profondément humaines.
Le style qui en résulte, véritablement propre à Lamartine, est ainsi révélateur d'un désespoir, d'un amour et d'une frustration, d'un émoi et d'une foi particulièrement intenses. La dimension universelle de ces sentiments s'exprime avec d'autant plus de force qu'elle est la transcription de sentiments personnels. La force mystique qui parcourt nombre de ses écrits est l'aboutissement de ce cheminement de l'âme.
C'est pourquoi on reste étonné devant la puissance des évocations et de l'inspiration du sentiment de Mort qui s'affirme dans le style de Lamartine. Cette facette de la personnalité et du style de Lamartine peut s'expliquer sans hésitations par la piété que lui transmit sa mère et l'éducation religieuse qu'il suivit dans son enfance. De plus les épreuves qu'il vécut dans sa vie alimentèrent largement cette foi débordante.
Enfin, l'inspiration de Lamartine est pour beaucoup le reflet de souvenirs anciens, voire d'évocations imaginaires d'un passé riche, poétique, qui entretient des rêveries lyriques ou parfois pamphlétaires (L'histoire des Girondins par exemple). C'est pourquoi Lamartine demeure un auteur à part, à la fois ancré dans les aspirations de son temps et incarnation littéraire de la gloire des siècles passés.
Le trait dominant du style de Lamartine est son rejet de la technique littéraire, et la recherche esthétique du vers. Il mêle en fait, en une savante alchimie, l'inspiration brutale, avec un remaniement très inspiré de ses vers, afin de transcrire au mieux les émotions. Plus encore qu'une recherche de la perfection, on peut dire que l'œuvre de Lamartine se caractérise par une recherche continue de l'harmonie, de l'accord des rimes et du rythme.
Lamartine évoque ainsi les nuances les plus subtiles de ses sentiments, les traits les plus précis de son âme, qu'il livre en un style fluide qui traduit à merveille toute sa mélancolie et toute la complexité de sa pensée. Il lui arrive néanmoins, notamment dans les vers influencés par son expérience orientale, de céder à l'évocation de couleurs brutes, franches, rompant avec la monochromie souple de ses premiers vers. Le rythme se fait plus vif, plus tranchant, et le souci du détail préfigure une recherche du détail dans la description et dans l'évocation des souvenirs personnels. C'est notamment le cas dans l'Ode à Némésis et dans La vigne et la maison.
Cette mélancolie trouve enfin un écho parfait dans le caractère fortement mélodieux qui caractérise les rythmes de ses vers. D'une douceur extrême, le rythme du vers peut s'accélérer jusqu'à atteindre des dimensions paroxystiques, coïncidant avec l'évocation des souvenirs forts du poète. Lamartine a ainsi pu donner à son expérience personnelle une dimension pleinement universelle.