Joachim du Bellay naît en 1522 à Liré en Anjou, dans une famille qui a déjà donné d’illustres hommes, comme ce Guillaume de Langey que Rabelais a plus d’une fois célébré, mais il est bientôt orphelin, et ses diverses ambitions semblent mal assurées. Or, il rencontre à Poitiers le savant Muret et Peletier du Mans, et se rendant à Paris, il suit, en compagnie de Ronsard, les leçons de Dorat, leur maître respecté, au collège de Coqueret. En 1549, il publie la fameuse Défense et Illustration de la langue française, un recueil de Vers lyriques inspirés du poète latin Horace et L’Olive, à la manière du Canzoniere de l’Italien Pétrarque. Constamment malade, atteint en outre de surdité, le poète affaibli publie cependant une traduction du livre IV de l’Énéide, l’épisode de Didon et Énée, et des Inventions où s’affirme, plus sincère et plus personnel, son talent lyrique*.
En 1553, le poète part rejoindre à Rome son oncle, le cardinal du Bellay, dont il devient le secrétaire. Pour un jeune humaniste, ce devait être une expérience enthousiasmante, se retrouver à Rome, cette ville d’art et d’histoire, où la Renaissance avait déjà donné des hommes nombreux, tout en disposant de fonctions diplomatiques. En réalité, amère déception, le poète est confiné à des tâches domestiques : en outre, il est déçu par les mœurs courtisanes et vulgaires de ces Romains qui ne ressemblent guère aux héros de Virgile. Enfin, la mélancolie de son pays natal s’empare de lui.
De retour à Paris après quatre ans, il publie en 1558 le résultat de ses recherches poétiques en Italie, Les Antiquités de Rome, Les Regrets, les Poemata en langue latine et Divers Jeux rustiques. L’année suivante, il publie encore la satire* du Poète courtisan. Mais il doit affronter de graves soucis domestiques et, prématurément vieilli, exténué, il meurt le 1er janvier 1560 : il avait 37 ans à peine.
Du Bellay est resté dans l’histoire littéraire, et même dans l’Histoire de France, l’auteur d’une œuvre capitale, symbolique et exemplaire, la Défense et Illustration de la langue française. Il prend la défense de la langue française, selon lui, point du tout inférieure au grec ou au latin, pourvu que les poètes de France veuillent se donner la peine de composer en leur langue maternelle, et non plus en latin, qu’ils l’enrichissent au besoin de mots vieux, dialectaux ou techniques, et pourquoi non ? qu’ils forment des mots nouveaux, par composition, provignement ou imitation du latin et du grec. Il expose aussi les divers moyens qui permettent d’enrichir le style, les tours et les figures, affirme la nécessité du travail à côté de l’authentique fureur de poésie, définit les grands genres sur la base de la littérature latine, et explique la doctrine de l’imitation, non pas une simple traduction, mais une adaptation créatrice.
En ce sens, les sonnets* de L’Olive répondent au programme de la Défense. Le poète illustre en termes élevés Olive qui l’inspire, peut-être l’anagramme de cette Mlle Viole qu’il dut connaître en effet. Il n’importe, il chante bien plutôt une femme idéale, en mêlant de manière spirituelle et abstraite le pétrarquisme, l’idéalisme néo-platonicien et parfois, des thèmes quelque peu chrétiens.
Les Antiquités de Rome contenant une générale description de sa grandeur et comme une déploration de sa ruine partent d’une inspiration toute différente. Ces sonnets* en alexandrins ou en décasyllabes sont une méditation mélancolique et grave, qui s’élève au-dessus de la poésie des ruines. L’éloquence des vers est tempérée par un lyrisme pathétique face à la mort, au temps et au destin : par ses accents mélodieux, le poète tente d’enchanter le désenchantement.
Toutefois, Les Regrets sont sans doute le plus émouvant des ouvrages de Du Bellay. Là, l’inspiration se fait plus personnelle. Mêlant les styles, la poésie se fait lyrique* ou satirique selon les cas, élégiaque ou prosaïque même, et ces sonnets* écrits à Rome expriment outre les regrets, l’amertume et les sarcasmes face à la vie romaine, mais l’auteur s’attendrit parfois, au souvenir charmant de son « petit Liré ». De ce recueil, demeurent dans toutes les mémoires des vers nombreux : « France, mère des arts, des armes et des lois », « Las ! Où est maintenant ce mépris de Fortune ? », « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage »…