Guy de Maupassant connaît en Normandie une enfance libre et heureuse. En 1870, il devient garde mobile, et il assiste à la débâcle militaire, qu’évoquent souvent ses récits. Pour rejoindre Paris, il accepte un emploi dans les ministères, ce milieu bureaucratique, qu’il décrit et qu’il croque avec plaisir dans sa prose. À la mesquinerie des bureaux, il préfère le canotage, la compagnie des filles, le charme des guinguettes en bord de Seine. Il passe pour être un homme robuste et bon vivant.
À l’école de Flaubert, il s’exerce à la prose et à l’observation du réel. Il est aussi reçu chez Zola. Boule de Suif, en 1880, est son premier succès. Comme il excelle dans le genre bref, il abandonne peu à peu ses essais, poétiques et dramatiques, et publie en dix ans à peine pas moins de trois cents nouvelles, et quelques romans, dont Une vie en 1883, Bel-Ami en 1885, Pierre et Jean en 1888, Fort comme la mort en 1889 et Notre cœur en 1890. Le succès littéraire est le moyen des conquêtes dans le monde, ou dans le demi-monde, dont il ne se prive pas. Mais il est atteint de syphilis. Il se sent angoissé, menacé, il délire : il doit être interné. Hallucinations, obsessions, tentative de suicide, il finit par mourir dans une maison de santé en 1893.
Le tempérament joyeux et gaillard de Maupassant s’oppose apparemment à l’atmosphère grise de ses récits. Il nie toute providence, se moque de la bourgeoisie, et critique les femmes. La Maison Tellier et les Contes de la Bécasse, par exemple, mettent en scène la vie plate et banale. L’art du conteur, qui expose en bref une situation, un scénario, plutôt qu’une intrigue, y révèle toute son efficace. En recherchant « la vérité choisie et expressive », Maupassant s’impose comme un maître du réalisme.
Mais le pessimisme et la solitude provoquent en lui un malaise, une angoisse, qui s’exprime en termes fantastiques*, où perce déjà la folie qui le guette, dans Solitude notamment, La Peur, ou Le Horla. Aussi bien l’image facile d’un Maupassant superficiel est-elle contredite. La joie de vivre de l’auteur se trouve être l’envers d’une conscience aiguë, trop aiguë même, du néant de l’existence humaine.