François de Salignac de La Mothe-Fénelon, dans son ministère ecclésiastique, se signale par ses qualités humaines et pédagogiques. Par ses premiers écrits, Dialogues sur l’éloquence, Traité du ministère des pasteurs, Traité de l’éducation des filles, et par sa pratique douce et charitable dans ses œuvres de conversion, il devient bientôt confesseur de Mme de Maintenon, et précepteur du dauphin, le jeune duc de Bourgogne. C’est pour ce prince que Fénelon rédige ces fictions à usage pédagogique, ses Fables, ses Dialogues des morts, et surtout Les Aventures de Télémaque, publiées en 1699.
Nommé archevêque de Cambrai, Fénelon commence malgré tout à déplaire. Les positions politiques qu’il semble défendre dans son Télémaque, et surtout, sa sympathie pour le quiétisme de Mme de Guyon, inspirée par le théologien espagnol Molinos, lequel affirme le primat de la contemplation absolue sur l’observance des dogmes et des rites, lui attirent l’hostilité de son ancien protecteur, l’évêque Bossuet, et même celle du roi. Sa piété humble et douce déplaît ; il n’a plus qu’à se retirer dans son diocèse.
La pensée religieuse, morale, politique et littéraire de Fénelon se situe au carrefour de deux siècles. En bon classique, il prend parti pour les Anciens dans la querelle des Anciens et des Modernes, il cultive les lettres anciennes et l’éloquence, et il soutient, au fond, la monarchie. Mais il annonce le siècle suivant, dans la mesure où il prône le respect et la tolérance, écrit pour l’éducation des filles, propose des réformes politiques quelque peu utopiques, et professe une piété religieuse qui, de loin, ressemble un peu à une forme de déisme*.
Mais son œuvre majeure, Les Aventures de Télémaque, a longtemps battu tous les records de vente. Cet ouvrage, que Fénelon rédige pour l’instruction du dauphin, fut selon lui publié sans son accord. L’auteur brode à partir d’un épisode de l’épopée d’Homère, L’Odyssée. Il imagine les aventures du fils d’Ulysse, à la recherche de son père. Au cours de ce périple, où l’accompagne la déesse Minerve, déguisée en Mentor, il rencontre plusieurs royaumes, qui sont autant de prétextes pour développer des considérations historiques, politiques ou morales. Conformément à la rhétorique* traditionnelle, Fénélon entend instruire et plaire : les naufrages et batailles alternent avec les dissertations, dans un style gracieux, élégant et presque trop fleuri.