La Farce de Maître Pathelin peut à bon droit passer pour la première véritable comédie en langue française. Ses quelques mille six cents octosyllabes, son intrigue rondement mené, sa verve drolatique lui confèrent une place de choix dans le répertoire du théâtre français.
Maître Pathelin, avocat sans le sou, par ses manœuvres et flatteries, parvient à soutirer au marchand une belle pièce de drap. Celui-ci, comme prévu, vient réclamer son argent au domicile de Pathelin. Guillemette, l’épouse, et la complice, en l’occurrence, affirme que Pathelin, alité depuis six semaines, et manifestement en proie au délire le plus complet, n’a pu aucunement se rendre à la foire, comme l’affirme Guillaume, qui, perplexe, s’en retourne chez lui.
Guillaume accuse Thibault Aignelet, son berger, de lui avoir mangé quelques moutons. Celui-ci, prend comme avocat Maître Pathelin, qui lui propose de ruser. Au tribunal, Guillaume reconnaît dans l’avocat Maître Pathelin, soi-disant à l’agonie. Il comprend qu’il a été joué. Tout bafouillant, il mélange les deux affaires, draps et moutons. Quant au berger, conformément à la ruse préparée, il simule la bêtise et répond en bêlant. Le juge, devant un fou et un idiot, n’y comprend rien du tout, et renvoie les deux partis. Heureux, Pathelin réclame alors son salaire au berger, qui ne répond que : « bee ».
La pièce se présente comme une satire* sociale, une comédie de mœurs et de caractères. Maître Pathelin est l’avocat miséreux, qui prétend se tirer d’affaire par ses ruses malhonnêtes. Sa rhétorique* efficace est au service de ses intrigues, mais il commet une petite erreur : il sous-estime l’intelligence du berger, qui retourne contre lui la ruse dont celui-ci s’était servi pour défendre celui-là – c’est l’histoire de l’arroseur arrosé. Guillaume est le marchand avide, vaniteux et crédule. Il pense faire une bonne affaire au détriment de Pathelin, et c’est lui qui, à la fin, est doublement trompé, et par l’avocat, et par le berger, grand vainqueur de la journée.
La composition dramatique, rigoureuse et bien rythmée, fait converger ces deux intrigues, assurant l’unité d’action et d’intérêt.
Le comique de la pièce résulte à la fois des situations loufoques mises en scène, feintes, péripéties, reconnaissances, imbroglios, retournements, et des facéties langagières, le « bee » de Thibault, le faux-délire de Pathelin en limousin, en flamand, en normand, son plaidoyer astucieux. Cette euphorie verbale fait de Pathelin un ancêtre du Panurge de Rabelais.