Eugène Ionesco naît à Slatina, en Roumanie, d’un père roumain et d’une mère française. Il grandit en France, puis retourne à Bucarest où il devient professeur de français en 1934. En 1938, il s’établit définitivement en France. En 1950, il fait jouer sa première pièce, qui est en fait une « anti-pièce », La Cantatrice chauve. Suivent dans la foulée La Leçon (1951), Les Chaises (1952), Victimes du devoir (1953), Amédée ou comment s’en débarrasser (1954), Jacques ou la soumission (1955), Le Nouveau Locataire (1955), L’Avenir est dans les œufs (1957), Tueur sans gages (1959), Rhinocéros (1960), Délire à deux (1962), Le roi se meurt (1962), La Soif et la faim (1966), Jeux de massacre (1970), Macbett (1972), Voyages chez les morts (1980). Il est aussi l’auteur d’un Journal en miettes (1967-1968) et de Notes et contre-notes (1962). Il a été reçu à l’Académie française en 1970.
Ionesco met en œuvre un théâtre de l’absurde. Ses premières pièces notamment mettent en scène des personnages sans psychologie, qui sont agis, plus qu’ils n’agissent véritablement, comme des pantins désarticulés. S’ils s’avisent de penser, ils débitent avec une assurance péremptoire les lieux communs les plus éculés, sans ordre ni raison. La mécanique du langage tournant à vide donne à voir la vanité illusoire de consciences inutiles. En ce sens, Ionesco, à l’instar de Beckett, participe de l’esthétique du Nouveau Théâtre.
Mais l’absurdité révèle dans les pièces suivantes une angoisse de plus en plus oppressante, liée à la conscience de la misère de la condition humaine. La mécanique humaine prend vie, mais c’est une vie condamnée à la mort, « condition inadmissible de l’existence ». Dès lors, le théâtre devient le lieu d’une interrogation métaphysique* et existentielle : « j’écris aussi pour crier ma peur de mourir, mon humiliation de mourir ».
La dramaturgie de Ionesco répond à cette exigence de l’absurde et de l’angoisse croissante. La fiancée à trois nez dans Jacques ou la Soumission, la multiplication des chaises, les meubles qui étouffent le nouveau locataire, les hommes qui se transforment en rhinocéros, le cadavre qui s’agrandit sans cesse dans Amédée, sont autant d’éléments propres à créer sur la scène le malaise voulu. Toutefois, la logique insensée de ce théâtre ne laisse pas de produire un effet hilarant, qui dissipe quelque peu le trouble du spectateur face à ce style farcesque et tragique à la fois.