Comédie en cinq actes et en vers, L’École des femmes peut être considérée comme la première grande comédie classique. Elle raconte la précaution inutile d’un barbon qui tente de s’opposer aux amours des deux jeunes héros : le vieil Arnolphe prétend épouser Agnès, sa pupille, que courtise le jeune Horace. Celui-ci tente en vain de ravir la jeune fille, mais Arnolphe s’interpose, et songe finalement à enfermer définitivement la demoiselle récalcitrante dans un couvent. Fort heureusement, in extremis, survient le père d’Horace qui a promis d’unir son fils à la fille de son ami Enrique, et cette fille s’avère en fait être la jeune Agnès. La pièce reprend beaucoup d’éléments traditionnels. À la farce, elle emprunte ce motif universel du cocuage et de la jalousie, et ces valets grossiers et maladroits que sont Alain et Georgette. De la comédie italienne, elle retient les intrigues galantes, les rencontres au balcon de jeunes gens amoureux, les armoires, les échelles et autres ruses, les surprises, rebondissements et coups de théâtre opportuns.
Mais la nouveauté réside dans la peinture de mœurs et de caractères, où se révèle la finesse psychologique du dramaturge. À côté d’Alain et Georgette qui sont vraiment des types, et même Horace, dans une certaine mesure (c’est l’Horatio de la commedia dell’arte*), Agnès se révèle et évolue tout au long de la pièce. L’ingénue du début n’est plus l’oie blanche que disait Arnolphe, car à l’école de l’amour, elle apprend l’intelligence du cœur et les ruses de l’esprit.
Quant à Arnolphe, plus qu’un schématique barbon, c’est un homme de la bonne bourgeoisie, qui prétend à quelque noblesse, et qui ne manque pas d’esprit. Certes, en son obsession du cocuage, il semble ridicule ; voire, il se montre mesquin et odieux, quand il révèle sa « politique » concernant les femmes, et le traitement que depuis l’enfance il a réservé à Agnès : « Pour la rendre idiote autant qu’il se pourrait », il l’a enfermée dans un couvent, et comme il veut faire d’elle son épouse, il lui demande seulement « de savoir prier Dieu, m’aimer, coudre, filer ». Cependant, il fait parfois pitié lorsque, par exemple, l’ironie du sort lui apprend par la bouche même d’Horace la honte et le malheur qui s’abattent sur lui.
Si Molière a rendu ce méchant personnage pathéthique, si ce n’est sympathique, c’est peut-être, comme le veut la légende, que son récent mariage avec Armande Béjart, ayant vingt ans de moins que lui, commençait alors à l’inquiéter…