Réduite à un ensemble de recettes usées et de situations devenues banales, la tragédie classique apparaît au XIXème siècle en pleine décadence. L'évolution sociale et l'avènement du romantisme appellent de nouvelles formules.
Dès la fin du XVIIIème siècle, un genre nouveau avait ouvert la voie à un renouveau dramatique : le mélodrame. Celui-ci a recours à des moyens simples procurant des émotions fortes à un public populaire. Il néglige la psychologie au profit de l'intrigue et du spectacle : décors, costumes, jeux de scène. Personnages et situations y sont réduits à des types élémentaires.
Même si le mélodrame ne présente pas une grande valeur littéraire, il a toutefois le mérite d'ouvrir le débat sur le renouveau du théâtre : il en souligne la nécessité et en esquisse les axes majeurs.
Durant le premier quart du XIXème siècle, la connaissance plus précise de Shakespeare et des dramaturges allemands élargit le goût et fournit des arguments contre la tragédie classique. Des idées nouvelles sont alors agitées dans les conversations, les préfaces, les articles de journaux.
Stendhal, entre autres écrivains, participe au débat et certaines de ses idées seront adoptées par Hugo. Il souligne la nécessité vitale pour toute oeuvre dramatique de plaire au public contemporain. Ce principe impose à la tragédie de se renouveler.
En 1827, Hugo donne avec son Cromwell l'exemple d'un drame selon la technique shakespearienne.
Dans sa Préface surtout, il rassemble, synthétise et précise les concepts jusque-là épars qui définissent l'esthétique du drame. Ce texte est un véritable manifeste du drame romantique et c'est lui qui sera à l'origine de toute la production postérieure.
L'ambition des romantiques est de donner une peinture de la réalité toute entière. Aussi, le drame romantique a-t-il recours au mélange des genres qui, seul, permet de représenter dans toute leur richesse, toute leur singularité, l'ensemble des êtres, des situations et des sentiments présents dans la nature.
Victor Hugo illustre ce principe de mélange des genres en n'hésitant pas, dans ses pièces aussi bien que dans ses romans, à juxtaposer tous les styles, du grotesque au sublime.
L'unité d'ensemble ne se confond pas avec l'unité d'action des classiques. Les romantiques condamnent la règle des 3 unités développée par les classiques.
L'unité de lieu empêche de tout montrer et a pour effet de substituer des récits aux scènes et des descriptions aux tableaux. L'unité de temps, quant à elle, empêche de saisir les passions dans toutes leurs richesses, leurs nuances et toute la complexité de leur développement.
Aussi, le romantisme en appelle-t-il à un art plus libre, moins rigoureusement intellectuel. Une limite, cependant, à cette liberté de l'art : il s'agit de la nécessité de composer une oeuvre d'art équilibrée et harmonieuse. C'est là qu'intervient le principe d'unité d'ensemble : sans exclure des actions secondaires, il importe toutefois de garder l'intrigue lisible pour le spectateur et de conserver à l'œuvre sa cohérence.
Les romantiques ne se réclament d'aucune règle ni d'aucun modèle. Ils prônent l'indépendance du génie, la toute-puissance de l'inspiration. A l'auteur inspiré, tout sujet est bon. Il convient toutefois de le transfigurer en art. La nature ne peut être donnée brute. Il faut la travailler, la rendre agréable à l'œil et à l'oreille. Le génie n'exclut donc pas le travail.
Aussi Hugo se prononce-t-il en faveur du drame en vers qui assure au drame son caractère d'œuvre d'art en le faisant se distinguer du "commun". Toutefois, cette prédilection de Hugo pour le vers n'a pas valeur de règle et de nombreux auteurs lui ont préféré la prose.
Victor Hugo est l'auteur de huit drames, qui illustrent plus ou moins sa théorie, bien que l'usage du vers et le mélange des genres n'y soient pas toujours respectés.
Son théâtre se caractérise par des intrigues complexes, des péripéties émouvantes, des dénouements heureux. Ses personnages au caractère peu nuancé et ses nombreuses incohérences et invraisemblances sont toutefois sublimés par la grandeur épique et le lyrisme du style.
Les oeuvres maîtresses de Hugo sont :
Musset est l'auteur de deux comédies et d'un drame, Lorenzaccio (1834), qui met en scène Lorenzo de Médicis, compagnon de débauche et meurtrier du tyran Alexandre de Médicis, à Florence, au XVIème siècle.
Musset témoigne d'une très grande liberté dans son théâtre. Il s'affranchit de toute convention scénique et laisse libre cours à sa fantaisie. Il s'autorise une grande désinvolture dans le mélange des tons et la succession des tableaux.
Très libre, son théâtre est aussi très personnel ; s'y expriment sa sensibilité et les tourments de son cœur. Il y met beaucoup de lui-même : expériences, confidences, élans.
Alfred de Vigny, après avoir adapté des pièces de Shakespeare, puis s'être essayé, sans grand succès, au drame historique, écrit Chatterton (1835), qui est un véritable triomphe. Il y raconte l'histoire d'un jeune poète miséreux qui se donne la mort lorsqu'on lui propose un emploi de valet.
Cette pièce, très symbolique et dépouillée, se met au service d'une thèse : la société ne donne pas au poète la place qu'il mérite; son génie ne saurait accepter les compromissions de la vie matérielle, obstacles à la création artistique. Si, par son souci d'exactitude dans le décor et les costumes, le mélange de tons et le style, Chatterton s'apparente au drame romantique, toutefois, la réduction de l'intrigue à une crise, dénouée en quelques heures, avec un seul changement de décor, le rapproche de l'art classique. L'action, toute intérieure, qui progresse par le jeu des caractères, est tout à fait racinienne.