La dramaturgie désigne l’art de composer une pièce de théâtre, et une pièce de théâtre est une action mise en scène à travers les discours et le jeu des comédiens. La spécificité du genre oblige le dramaturge à penser aux contraintes multiples d’espace, de temps, de langage, d’action et de construction, que lui impose cet art très particulier. Faute de quoi, il risque de recevoir immédiatement le verdict impitoyable des spectateurs. Car le théâtre est avant tout art du spectacle, il propose généralement au plaisir du public des décors, des costumes, de la musique, et souvent même des mimes ou des danses. Par conséquent, ceux qui le lisent doivent absolument, comme le conseille Molière, « découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre ».
La question de l’espace est particulièrement complexe au théâtre. Il convient de distinguer :
Même si le lecteur ne s’en rend pas toujours compte immédiatement, il va de soi que la mention du ou des lieux a toute son importance. La grotte de l’enchanteur dans L’Illusion comique de Corneille, le cadre utopique de L’Île des esclaves de Marivaux, l’espace qui rétrécit et étouffe Le Nouveau Locataire de Ionesco, ne sont certes pas des détails de l’action.
La question du temps pose aussi quelques problèmes. En effet, la durée représentée coïncide rarement avec la durée de la représentation. Évoquant le théâtre baroque* espagnol, Boileau se moque : « Là, souvent le héros d’un spectacle grossier/ Enfant au premier acte, est barbon au dernier. » Or l’idéal classique demande que l’action représentée n’excède pas trop les deux ou trois heures que dure la représentation elle-même, et tienne du moins dans les limites d’un jour. Autrement, explique Sestiane dans Les Visionnaires de Desmarets de Saint-Sorlin, « L’auteur, dit-on alors, m’a fait un mauvais tour,/ Il m’a fait sans dormir passer des nuits entières ; / Excusez le pauvre homme, il a trop de matières,/ L’esprit est séparé, le plaisir dit adieu. » Pourtant, dit un personnage du Soulier de satin de Paul Claudel, « Vous savez qu’au théâtre nous manipulons le temps comme un accordéon, à notre plaisir, les heures durent et les jours sont escamotés. »
Le langage dramatique manifeste également sa spécificité. Au théâtre, le discours effectif de l’auteur n’apparaît que dans l’éventuelle préface et à travers les didascalies*. Pour le reste, seuls parlent les personnages, dont le langage doit se tenir entre l’écrit et le dit. Qu’ils gardent de l’oral la spontanéité sans la médiocrité, et de l’écrit la beauté sans la rigidité, voilà toute la difficulté. Le dramaturge doit donc trouver un compromis stylistique. Aux deux extrêmes se retrouvent sans doute la poésie dramatique de Jean Racine et les obscénités truculentes d’Alfred Jarry, dont l’Ubu roi s’ouvre sur un « merdre » retentissant. Encore Jarry sait-il tempérer la grossièreté par l’humour, et Racine modère tout autant le lyrisme de ses vers car, comme le dit Léo Spitzer, « Il rase la prose, mais avec des ailes. »
L’action est l’essence du théâtre qui, d’ordinaire, expose et tente de résoudre un conflit. Les mots eux-mêmes sont des actes. Le « Sortez » de Roxane à Bajazet, le héros éponyme* de la tragédie de Racine, équivaut à un arrêt de mort, car la sultane a posté des meurtriers derrière les portes. Dans la tradition classique, l’action est mise en scène selon les règles. Tout d’abord, l’exposition qui, comme l’indique son nom, expose le sujet de la pièce : elle doit être claire, rapide, complète, vivante et vraisemblable – cinq qualités rarement réunies. Ensuite, le nœud qui définit l’intrigue. C’est en général l’obstacle qui s’oppose aux désirs des héros, et suscite la crise. Puis vient la ou les péripéties, c’est-à-dire littéralement le ou les retournements de l’action. Dès lors, le dénouement est prêt, qui apporte une issue heureuse ou malheureuse aux espérances des personnages. Mais le Nouveau Théâtre a remis en cause radicalement ces traditions, et la pièce de Beckett, En attendant Godot, se prolonge, par un véritable tour de force, sans action aucune, dans l’espérance toujours déçue d’un événement à venir.
La construction dramaturgique s’ordonne, selon les époques, en actes, épisodes, journées ou tableaux. Les pièces intègrent parfois des intermèdes musicaux ou dramatiques, qui servent de hors-d’œuvre ou de contrepoint*, généralement servis pendant la durée des entractes. Ou alors, le chant du chœur occupe ce moment, à moins qu’il ne soit intégré à l’action, comme dans l’acte III d’Athalie de Racine. Tous ces éléments, sans parler de la mise en scène elle-même, sont à considérer par l’auteur, et donc par le spectateur et le lecteur.
Le tragique n’est certes pas l’apanage de la tragédie, il peut se retrouver dans la nouvelle ou dans le roman par exemple. À l’inverse, il existe des tragédies sans tragique, à l’instar de l’Abraham sacrifiant de Théodore de Bèze ou de Cinna de Corneille. Malgré tout, la tragédie est le lieu privilégié où se déploie l’inspiration tragique. Est tragique le malheur qui s’abat sur un homme qu’accable la fatalité. Cette fatalité résulte soit de la volonté des dieux, soit de la démesure des hommes. Souvent, une passion funeste, un caractère inhumain provoquent l’événement tragique. À vrai dire, l’essence du tragique réside moins dans la fatalité en action que dans la liberté sans espoir, qui fait la condition humaine. Dans le théâtre contemporain, bien souvent, c’est l’absence ou le silence des dieux, et non leur volonté, qui est tragique. Les hommes demeurent seuls, et c’est de l’existence même, au creux de la nausée, que surgit le sentiment tragique.
La tragédie antique est la source de la tradition française du genre. Elle fleurit notamment avec les trois grands poètes grecs, Eschyle (525-456), Sophocle (495-406) et Euripide (480-407). S’inspirant en général de légendes mythologiques, la tragédie grecque s’inscrit résolument dans un cadre civique et religieux. Les situations mises en scène mettent en conflit (agôn) les hommes et les dieux, et donnent lieu à des débats sur la guerre et la paix, sur la loi (nomos), sur la faute (hamartia), la démesure (hybris), la folie (atê), la malveillance des dieux (phtonos).
Dans l’ordre se succèdent le prologue, l’entrée du chœur (parodos), puis les moments dramatiques (épisodes) alternent avec les moments lyriques* (stasima), avant les derniers mots du chœur (exodos). Les dialogues en vers sont prononcés par des acteurs masculins, portant masques et cothurnes (chaussures à semelles très épaisses).
Au xvie siècle, la tragédie renaissante s’inspire de la tradition grecque ou romaine (notamment du dramaturge latin Sénèque), de la mythologie, de l’histoire sainte ou de l’histoire nationale. Elle se développe en longs discours, éloquents et majestueux. L’action dramatique cède le pas au verbe poétique, qui déplore avec faste les vicissitudes de la fortune et le malheur des temps. Citons entre autres la Cléopâtre de Jodelle (1552), les Tragédies saintes de Louis Desmasures, Saül le furieux de Jean de La Taille, l’Antigone et Les Juives de Garnier, La Guisiade de Pierre Matthieu, La Mort d’Henri IV de Billard de Courgenay.
Au tournant du siècle, en pleine époque baroque*, le goût nouveau favorise les péripéties multiples, les développements romanesques*, les sentiments lyriques*, la magie et l’illusion. En 1582, avec Bradamante, Robert Garnier invente la formule originale de la tragi-comédie*, tragédie dont l’issue est heureuse. En 1621, Théophile de Viau triomphe avec Pyrame et Thisbé. Deux ans plus tard, Alexandre Hardy transpose en quarante actes le roman grec, Théagène et Chariclée. Jean de Rotrou s’illustre avec ses tragi-comédies, et Jean Mairet, avec ses pastorales*, où bergers et bergères devisent d’amour.
Dès 1630, et surtout à partir de 1660, la tragédie classique s’impose en France. Les doctes, Chapelain, La Mesnardière, d’Aubignac, Rapin et Lamy réfléchissent sur les conditions de la pratique théâtrale, et singulièrement, de la tragédie. On relit donc La Poétique du philosophe grec Aristote, ou l’Art poétique du poète latin Horace, et les auteurs tentent de se plier aux règles de l’art. Dans cette perspective, la tragédie est définie comme la repré-sentation noble d’une action funeste. La vraisemblance demande le respect des trois unités (« Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli/ Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. »). La bienséance exige que les violences de la scène soient épargnées au public. La tragédie classique professe hautement son utilité morale face aux dévots, Bossuet, Nicole, entre autres, qui critiquent l’influence corruptrice du théâtre en général. Elle se veut mimesis : imitation fidèle de la nature humaine ; et plus encore, catharsis : purgation des passions.
La tragédie classique puise encore aux sources classiques de l’histoire ou de la mythologie antiques, mais beaucoup moins dans la Bible qu’au xvie siècle. Elle met en scène de grandes passions politiques, notamment chez Corneille, ou amoureuses, c’est le domaine de Racine. Tout en instruisant, elle cherche à susciter l’admiration, et surtout la terreur et la pitié, autant de ressorts qui font naître paradoxalement le plaisir tragique. La tradition classique perdure encore au xviiie siècle, notamment avec Voltaire et Crébillon père, mais sous l’influence conjuguée de Shakespeare et des Lumières, le spectacle privilégie l’horreur, le pathétique, la politique ou la morale. L’inspiration tragique demeure vivace dans les œuvres des siècles suivants, mais le genre lui-même tend à s’essouffler, malgré les remarquables réussites de Giraudoux ou Anouilh au xxe siècle.
Le comique est une condition qui n’est ni nécessaire ni suffisante pour définir la comédie. Il est des comédies peu drôles, et même larmoyantes, et il y a du comique hors de la comédie, dans le roman ou dans la nouvelle, par exemple. Malgré tout, le comique demeure la grande spécialité de la comédie. Est comique tout ce qui provoque le rire. Oui, mais de quoi rit-on, et chacun rit-il des mêmes choses ? Il va de soi que la matière du comique varie selon des paramètres historiques, sociologiques ou psychologiques multiples. Ce qui fait rire l’un peut bien agacer l’autre, ou le laisser indifférent. Le comique, protéiforme*, et toujours surprenant, est une notion très difficile à définir, mais il implique en général une relation à trois : celui qui fait rire, celui qui rit, celui dont on rit. Une complicité tacite s’instaure entre les deux premiers au détriment du troisième, car on rit volontiers du malheur d’autrui, s’il ne semble pas outré. Ce phénomène, d’ailleurs donne à voir l’étrange parenté du tragique et du comique.
Il est possible de distinguer plusieurs types de comique :
La comédie farcesque fait jouer les ressorts les plus grossiers, mais aussi bien, les plus efficaces, du rire. Le jeu de scène, très important, privilégie les pitreries, les chutes, les coups. L’accoutrement des comédiens est souvent grotesque. Les accessoires ont leur importance, les éléments de farce et attrapes. Le dialogue ne se refuse pas aux bassesses du langage, la vulgarité, l’obscénité ou la scatologie. Les situations outrées sont souvent répétées. Les caractères sont stéréotypés : le cocu, le glouton, le benêt.
La Farce du cuvier et La Farce de Maistre Pathelin, composées au xve siècle, sont fort célèbres. Au xviie siècle, Molière compose des farces relativement complexes, souvent irrésistibles, comme Les Fourberies de Scapin ou Le Médecin malgré lui. En outre, il réussit à intégrer le comique farcesque dans ses grandes comédies : Sganarelle côtoie ainsi Don Juan. Au xviiie siècle, l’inspiration farcesque se retrouve dans les parades, qui sont à l’origine des numéros d’acteurs, des spectacles de foires. Au xxe siècle, elle cohabite avec le sentiment tragique de l’existence loufoque ou absurde. Avec cette portée métaphysique* nouvelle, Jarry, Beckett et Ionesco lui ont donné ses lettres de noblesse.
La comédie de caractères triomphe au xviie siècle avec Molière. Conforme à l’éthique et à l’esthétique classiques, elle se veut une illustration des vices et défauts éternels des hommes, et affiche sa portée morale, car elle prétend les corriger (castigat ridendo mores) : L’Étourdi, Dom Juan, Le Misanthrope, L’Avare, Le Malade imaginaire. Pour Molière, il existe une juste nature, pleine de sens. Mais il condamne les désirs excessifs ou tyranniques, les ridicules et les artifices, les folies et les impostures.
La comédie d’intrigue s’inspire de traditions latines (Terence et Plaute), espagnoles ou italiennes. Elle multiplie les stratagèmes, les échelles, les déguisements, les contretemps, les surprises et méprises, avant de faire triompher l’amour en fin de compte. Au xvie siècle, Les Esprits de Pierre de Larivey et Les Contents d’Odet de Turnèbe, au xviie siècle, Le Menteur de Corneille, L’École des femmes de Molière, sont des exemples du genre. Mais c’est au xviiie siècle surtout que fleurissent ces intrigues : Marivaux cultive les grâces et les jeux de l’Amour, ses masques et ses ruses, ses inconstances, ses retours. Beaumarchais, de son côté, déploie des merveilles d’artifices et de feintes pour faire triompher les amours des héros dans sa trilogie de Figaro. Au xxe siècle, Georges Feydeau, Sacha Guitry poursuivent cette veine féconde avec le vaudeville*, comédie légère et divertissante, également riche en intrigues et en adultères.
La comédie de mœurs s’inspire de la réalité sociale pour dépeindre les hommes en leurs temps. Les Précieuses ridicules de Molière en sont un bon exemple. Au xixe siècle, Eugène Labiche met en scène de façon drolatique les goûts et les travers de la bourgeoisie du Second Empire, les intérêts et les désirs médiocres. Au xxe siècle, Georges Courteline décrit les mœurs et ridicules des militaires, des administrations, des tribunaux. Jules Romains propose, dans un style vigoureux et humoristique, une satire* des impostures sociales. Marcel Pagnol s’attache, lui, à la vie provençale et aux mœurs du Vieux-Port de Marseille. Mais la comédie de mœurs triomphe aujourd’hui moins à la scène qu’au cinéma ou à la télévision.
Le terme drame, qui désigne toute action théâtrale, a aujourd’hui une valeur générique. Mais au xviiie siècle, il désigne une pratique spécifique, qui refuse l’alternative binaire tragédie / comédie, car, écrit Diderot, « l’homme n’est pas toujours dans la douleur ou dans la joie. Il y a donc un point qui sépare la distance du genre comique au genre tragique », et ce point, c’est le drame. L’esthétique nouvelle se fonde sur la vérité et l’émotion. Il s’agit désormais de « peindre les humbles péripéties de l’existence moyenne. » À l’anthropologie classique qui suppose des passions et caractères éternels, le drame s’attache aux « conditions sociales » effectives en ce siècle. Il renonce progressivement à l’artifice des vers, et favorise en toute liberté les éléments du jeu et de la mise en scène, notamment la pantomime*, les décors et les didascalies*, susceptibles de susciter une émotion plus intense. Les voies nouvelles sont diverses : Voltaire, soucieux de créer un « genre mixte », tente de mêler le comique au sérieux dans Nanine ou le Préjugé vaincu. Au contraire, L’École des mères de Nivelle de La Chaussée et Le Fils naturel de Diderot sont des drames larmoyants. Tandis que Sedaine met en scène des marchands aisés dans son drame bourgeois, Le Philosophe sans le savoir, Louis Sébastien Mercier privilégie le peuple dans La Brouette du vinaigrier.
Au xixe siècle, le drame romantique reprend en bonne partie l’héritage du siècle précédent. Pour Victor Hugo, par exemple, « les deux électricités opposées de la comédie et de la tragédie se rencontrent, et l’étincelle qui en jaillit, c’est le drame ». Mais les romantiques, Hugo en tête, prennent avec les règles des libertés extraordinaires, qui déclenchent la fameuse bataille d’Hernani en 1830 où s’affrontent violemment classiques et romantiques. Ces libertés font voler en éclats les unités de lieu et de temps. L’action elle-même est souvent surchargée de circonstances, de rebondissements ou de coups de théâtre. La prose est valorisée : elle se veut l’expression moderne d’une réalité totale, comique et/ou pathétique, sublime ou burlesque, riche de couleurs, d’émotions et de réflexions. Le drame nouveau se veut plus proche de Shakespeare que de Racine et Molière. Avide d’horizons nouveaux, le drame romantique puise volontiers sa matière en Espagne, en Italie ou en Angleterre, souvent à l’époque de la Renaissance. Les œuvres les plus célèbres sont Ruy Blas, Hernani de Victor Hugo, Lorenzaccio de Musset, Chatterton de Vigny, Henri III et sa cour d’Alexandre Dumas, Le Théâtre de Clara Gazul de Mérimée. L’influence du drame romantique se prolonge jusqu’à Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, et se ressent encore peut-être dans le drame symboliste de Maeterlinck, dont le chef-d’œuvre est Pelléas et Mélisande, et dont l’envers burlesque est mis en scène par Alfred Jarry dans la geste du père Ubu. Parallèlement se développe l’esthétique du drame naturaliste, illustrée par Les Corbeaux d’Henry Becque, un style que poursuivent Octave Mirbeau, Jules Renard et Émile Fabre.
Le drame contemporain suit des voies très diverses. Certains dramaturges, suivant en cela l’exemple des romantiques et des symbolistes, cultivent une liberté conforme à leur génie. Paul Claudel met au point un vers original, rappelant quelque peu le verset biblique, et ne craint pas de multiplier les lieux, les signes, les mystères et les passions qui composent son théâtre. Apollinaire donne libre cours à sa fantaisie dans Les Mamelles de Tirésias, annonçant ainsi le courant surréaliste. Cocteau s’inspire tour à tour de légendes antiques ou médiévales, du drame bourgeois, romantique ou shakespearien, et le plus souvent, de ses propres et curieuses fantasmagories. D’autres dramaturges, tout en intégrant quelques éléments de modernité, semblent au contraire revenir à des formes plus classiques, plus maîtrisées. Jean Giraudoux, Henry de Montherlant et Jean Anouilh semblent renouer avec l’inspiration tragique, dans leurs œuvres respectives Électre, La Reine morte, Antigone. Le pessimisme et la désillusion règnent en maîtres. Telle est aussi la tentation du théâtre existentialiste. Avec Caligula et Le Malentendu, Albert Camus met en scène l’absurde de la condition humaine. Mais dans Les Justes, il conçoit la nécessité – et les risques – de l’engagement. Un mouvement analogue se fait jour dans le théâtre de Jean-Paul Sartre qui, de Huis-Clos jusqu’aux Séquestrés d’Altona, met la liberté en situation, révélant ainsi la mauvaise foi et les aliénations, vraies ou fausses.
Mais à partir des années 50, le Nouveau Théâtre propose une formule dramatique originale, dont quelques hypothèses, cependant, avaient pu être formulées déjà par Antonin Artaud entre autres. L’intrigue, la psychologie, le langage, l’espace et le temps dramatiques sont désarticulés, et laissent sur la scène des personnages drôles et angoissants, des automates ou des gueux, une humanité ontologiquement déchue, accablée encore par la misère, l’injustice et la violence du monde social. Dans ce genre s’illustrent Beckett, Genet, Ionesco, Adamov, Robert Pinget, Nathalie Sarraute. Aujourd’hui encore, avec Arrabal et Copi, la tendance dominante du théâtre contemporain est à la déchirure, aux corps et aux consciences brisés, qui n’excluent pas toujours une certaine forme de lyrisme paradoxal, torturé ou décousu, comme chez Bernard-Marie Koltès ou chez Valère Novarina.