Dans Arlequin poli par l’Amour, les deux héros parviennent à préserver leur amour d’une fée, amoureuse et jalouse du jeune homme. Trois ans plus tard, La Double Inconstance, comédie en trois actes et en prose, met en scène une intrigue similaire, mais dont l’issue est opposée. Les deux comédies forment un intéressant dyptique théâtral.
Le prince, qui veut l’épouser, a fait enlever Silvia, une jeune paysanne, mais elle refuse ses avances, et se désole de l’absence d’Arlequin, qu’elle aime tant. Avec l’aide de Flaminia, il met au point un stratagème pour séparer les deux amants, et tandis que le prince, déguisé en officier, cherche à gagner Silvia, Flaminia courtise Arlequin. Lorsque Silvia apprend que les dames de la cour se moquent de ses rustiques manières, elle décide de les confondre, et accorde une oreille charmée aux tendres discours de l’officier. Parallèlement, Arlequin trouve Flaminia décidément délicieuse. Le dénouement justifie le titre, et la pièce s’achève sur cette double inconstance où chacun trouve heureux profit et mariage.
Outre les éléments de satire* sociale, l’amour est ici l’intérêt principal, un jeu quelque peu libertin*, mais la sincérité des cœurs dans l’infidélité des mœurs rend aux sentiments croisés une grâce toute naturelle. L’amour ancien, idyllique et quasi sororal, qui unissait les deux jeunes gens, se trouve combattu en leur cœur par un sentiment puissant, qui, pour être nouveau, n’en est pas moins véritable. L’amitié, la jalousie, la compassion sont autant de degrés par où passe Arlequin avant d’être enfin conscient de son cœur, et Flaminia, qui jouait la comédie d’amour, finalement prise à son propre jeu, s’éprend d’Arlequin. Quant à Silvia, l’ennui, l’amour propre, la jalousie et la tendresse la conduisent infailliblement vers cet aimable officier où se cachait le prince détestable, ou qu’elle croyait détester. L’amour s’en va, l’amour s’en vient, rien n’est plus naturel dans cette comédie, rien n’est plus mystérieux pourtant pour les héros : « C’est que mon amitié est aussi loin que la vôtre ; elle est partie : voilà que je vous aime, cela est décidé, et je n’y comprends rien. », dit Arlequin à Flaminia. Quant à Silvia, elle s’excuse au sujet d’Arlequin : « Lorsque je l’ai aimé, c’était un amour qui m’était venu ; à cette heure que je ne l’aime plus, c’est un amour qui s’en est allé ; il est venu sans mon avis, il s’en retourne de même, je ne crois pas être blâmable. »