Reprenons les instructions officielles : « L’épreuve consiste en une dissertation littéraire prenant appui sur une ou plusieurs des œuvres étudiées dans le cadre du programme. Le sujet porte sur une question que le candidat doit traiter grâce à une connaissance précise qu’il a des œuvres et, plus généralement, en faisant appel à bon escient à l’ensemble des connaissances qu’il a acquises (connaissances sur les genres et l’histoire littéraires, lectures complémentaires, rapprochements avec d’autres formes d’expression artistique...). »
On voit dans ces quelques lignes l’importance que revêt une bonne connaissance des œuvres au programme pour pouvoir traiter le sujet III : On sera évidemment incapable de traiter un sujet sur les Confessions de Rousseau si l’on n’a pas lu et travaillé l’ouvrage avec attention pendant l’année scolaire ! Cette exigence, qui pourrait vous effrayer et vous détourner de ce sujet, appelle cependant quelques remarques :
L’objet de cette première séquence sera donc de rappeler quelques principes utiles à l’étude d’une œuvre complète dans la perspective de l’épreuve anticipée de français.
Procurez-vous le plus tôt possible les œuvres du programme annuel, pour vous donner le temps de les lire : si vous attendez le début de leur étude en classe, vous risquez d’être pris de court, et de ne pas tirer tout le profit possible des conseils qui vous seront donnés.
Choisissez l’édition utilisée par votre professeur : vous retrouverez plus aisément les pages et les références.
Sauf instruction contraire, achetez toujours le texte intégral, de préférence aux extraits qui ne vous donneraient qu’une vue partielle de l’œuvre.
Renseignez-vous sur l’auteur, en utilisant la notice biographique de votre édition ou en consultant vos manuels scolaires : cette première approche vous permettra de situer l’œuvre et de vous faire déjà une idée sur les préoccupations de son auteur et de son époque, susceptible d’enrichir votre lecture.
Vous pouvez également inventorier quelques axes de lecture, pour éviter de vous lancer dans le livre sans points de repère, au risque de vous y noyer et d’en mal percevoir l’intérêt. Là encore, la notice de votre édition (si elle n’est pas trop savante, comme on le voit trop souvent !) et vos manuels peuvent vous offrir les éclairages nécessaires ; n’hésitez pas, bien sûr, à demander à votre professeur quels aspects du livre lui paraissent mériter votre attention, s’il ne vous a pas déjà de lui-même donné ces indications.
Exemple : Si l’on entame la lecture du Colonel Chabert de Balzac, un manuel présentera des thèmes comme le romantisme*, la société, l’ambition d’une analyse scientifique, le goût de l’image*, et votre professeur vous invitera à être attentif à la composition du livre, à l’évolution du personnage principal, ou au fantastique*. Muni de ces points de repère, vous lirez cette œuvre avec le souci de reconnaître ces thèmes lorsque vous les rencontrerez. Vous vous familiariserez avec l’œuvre avant d’aborder son étude approfondie.
L’usage veut qu’on lise « le crayon à la main ». Ce n’est pas toujours possible ni toujours agréable ; on aura du moins de quoi écrire à portée de la main.
On peut noter au crayon, pour les retrouver facilement, les passages utiles, en les soulignant ou en les cochant dans la marge. Il est prudent de ne pas écrire au stylo sur un livre : on doit pouvoir effacer les marques, en cas d’erreur, et pour ne pas rester prisonnier de cette première lecture ; il est demandé aussi de se présenter à l’oral avec une édition vierge de toute annotation.
On se dotera surtout de feuilles où figureront les points d’attention qu’on a préparés, en ménageant une rubrique « Impressions personnelles », où l’on notera tout ce qui n’entre pas dans les catégories prédéfinies.
Au fil de la lecture, on notera :
Le principe est de toujours se demander si une référence ou une citation pourra trouver sa place dans une dissertation sur l’œuvre que l’on travaille.
Exemple : Sur la feuille recensant les références au romantisme dans Le Colonel Chabert, on notera, au fil de la lecture, les pages où apparaissent les principaux indices de la mentalité romantique, comme le sentiment de la fatalité ou le refus de la médiocrité ; on relèvera des citations caractéristiques, comme la remarque de Derville à la fin du roman : « C’est tout un poème, un drame, comme disent les romantiques. »
Il n’est pas nécessaire de relever beaucoup de références ; un trop grand nombre ne ferait qu’encombrer et embrouiller l’esprit. Il faut se contenter des indices les plus typiques, les phrases qui ont toutes les chances de trouver leur place dans n’importe quel sujet : viser la qualité plus que la quantité.
Cette lecture doit vous permettre de profiter au mieux du cours proposé par votre professeur, puisqu’il vous parlera de choses dont vous avez déjà une idée.
Quels que soient les exercices auxquels il vous invitera, lectures méthodiques, exposés, cours magistraux, travail de groupe, dissertations, soyez toujours attentif, car le cours est conçu de façon à vous faire acquérir une méthode, mais aussi à faire le tour de l’œuvre, donc à vous donner tous les matériaux nécessaires à une dissertation.
Vous pouvez compléter ce travail en consultant les études d’œuvres publiées par certains éditeurs, mais soyez conscient que rien ne remplace un travail personnel.
La connaissance des œuvres acquise au cours de l’année doit pouvoir être mobilisée efficacement lors de l’épreuve du mois de juin. Cela suppose une révision rapide et sûre, surtout si l’étude a été faite plusieurs mois auparavant : des fiches permettent d’avoir une vision schématique des cours, utile pour la révision en vue de l’oral autant que de l’écrit. Il s’agit de ne garder en une page que l’essentiel de ce qu’il faut retenir ; la fiche est un aide-mémoire le plus simple possible, répondant à quelques règles de base :
On distinguera différentes fiches possibles :
Une fiche « auteur » : Balzac, à propos du Colonel Chabert.
Honoré de Balzac (1799-1850).
Provincial monté à Paris et plein d’ambition.
Cherche la célébrité en écrivant de nombreux romans.
Regroupe ses romans sous le titre : La Comédie humaine.
Recrée à travers ses nombreux personnages la société de la Restauration, avec tous ses défauts (égoïsme, règne de l’argent, médiocrité) et quelques personnalités exceptionnelles (romantisme).
Romans classés par thèmes -> Le Colonel Chabert (1832) fait partie des Scènes de la vie privée.
Une prétention d’analyse scientifique, le plus souvent débordée par l’imagination.
N.B. : On voit que la fiche ne comporte que l’essentiel, orienté vers le livre étudié ; simple aide-mémoire, le candidat doit être capable d’en expliquer et développer les différents points.
Une fiche « composition », sur le même roman :
Trois parties inégales :
Composition romanesque : volonté de couvrir toute la vie du héros, d’un hospice à un autre ; un événement apparemment limité, mais où s’intercalent des récits intermédiaires (Chabert raconte son passé, Derville celui de la comtesse), le tout reconstituant toute la vie de Chabert ; la psychologie des personnages est le moteur de l’action -> typiquement romanesque.
Mais dimension réduite d’une nouvelle : action sur très peu de temps (3e partie = épilogue) ; réapparition éphémère de Chabert -> perspective très limitée ;équilibre du récit : 1) montée de Chabert, 2) descente de Chabert ; à quoi répond un autre équilibre ; 1) soif d’argent et de vengeance,2) noblesse et honneur.
Conclusion : faire tenir tout un roman dans une nouvelle -> héros météore, très romantique ; critique de la société -> plus on y est à l’aise, moins on est digne, et vice versa.
N.B. : Une telle fiche est évidemment très incomplète, mais permet de retrouver en une minute l’essentiel d’une question. Se présenter à l’examen pourvu d’un tel fichier est incontestablement un des moyens de réussir.
Votre professeur vous donnera des dissertations pour vous entraîner au cours de l’année, après ou pendant l’étude des œuvres au programme : profitez-en pour vous habituer à la méthode proposée plus loin (elle peut compléter les conseils de votre professeur, sans prétendre les concurrencer !), et surtout pour améliorer votre connaissance de l’œuvre en question.
Au cours d’un devoir surveillé, exercice en quatre heures, vérifiez votre méthode et votre connaissance du livre : vous vous rendrez vite compte de vos lacunes si les références vous viennent trop difficilement ; vous profiterez alors du corrigé pour approfondir votre connaissance.
Si l’exercice est au contraire un devoir « à la maison », passez-y le temps nécessaire pour manier librement l’ouvrage. Un sujet de dissertation attire généralement l’attention des élèves sur un aspect important de l’œuvre ; c’est donc le moment de le découvrir ou de l’approfondir en feuilletant le livre à la recherche de toutes les références utiles au sujet.
En théorie, la diversité des sujets possibles est sans limites ; en réalité, on ne peut poser à l’épreuve anticipée de français que des sujets « faisables », correspondant aux connaissances de base acquises par tous les candidats ayant étudié normalement une œuvre : cela recoupe les quelques grandes questions auxquelles on revient de toute façon à propos de ce livre. Le sujet du mois de juin a donc toutes les chances d’être en rapport avec un point du cours, ou de recouper un sujet que l’on a déjà traité pendant l’année : ce n’est pas sans danger, comme on le verra plus loin, mais il ne faut pas négliger la facilité que représente un sujet auquel on a déjà réfléchi.
Exemple : Si vous avez traité dans l’année le sujet : « En vous appuyant sur le personnage de Molière, définissez les différentes facettes de ce qu’on appelle un tartuffe », tout en notant bien que le sujet est différent, votre réflexion ne partirait pas de rien et serait facilitée au cas où vous tomberiez à l’examen sur un sujet du type : « Dans quelle mesure le personnage de Tartuffe justifie-t-il le sous-titre de la pièce, L’imposteur ? »
Les œuvres au programme appartiennent à différents genres littéraires : selon celle qui tombera à l’examen, on ne mobilisera pas tout à fait les mêmes connaissances.
Certes, il y a un fond commun, des données à savoir quel que soit le type du livre choisi : l’auteur, le genre de l’œuvre, son contexte historique et littéraire, son plan ou sa composition, ses thèmes principaux, quelques citations caractéristiques.
Mais chaque genre a ses particularités.
On devra connaître parfaitement l’intrigue dans son déroulement et les personnages dans leur évolution, la durée de l’action et le découpage temporel, les lieux et les déplacements.
Le cas échéant, on aura une idée de la ou des significations du roman, le « message » délivré par l’auteur à travers l’intrigue et ses personnages : chaque romancier a généralement une vision du monde qui le caractérise.
N.B. : On n’abusera pas du « schéma actanciel », technique qui consiste à faire entrer toute œuvre dans une structure prédéfinie dont les éléments sont toujours sujet, objet, adjuvant ou opposant : analyse plus linguistique que littéraire, et trop passe-partout pour être vraiment efficace dans une dissertation.
L’analyse de la structure de l’œuvre (originale ou non), de la psychologie des personnages, et des données symboliques (lieux, gestes et images), doit permettre une compréhension globale du roman.
Exemple : La Peste de Camus se schématisera grâce à sa structure de tragédie* classique*, le rôle-type de chaque personnage, et, entre autres, l’image de la mer.
Outre les personnages et la structure des actes*, tableaux* et scènes, c’est bien sûr la mise en scène qui fait l’originalité du théâtre : on n’étudie donc pas une pièce seulement comme un texte (ce qu’elle est aussi), mais comme un spectacle. On sera donc attentif aux costumes, aux gestes, aux déplacements des acteurs, aux décors, aux didascalies* et à tous les indices qui, dans le texte, permettent de mieux en imaginer le jeu.
Il n’est pas inutile non plus de connaître un peu les circonstances de création de la pièce, pour percevoir les intentions de l’auteur, parfois moins claires que dans un roman.
Enfin, le théâtre français ayant été très marqué par les règles du théâtre classique (par exemple la fameuse règle des trois unités) il est indispensable de les connaître, soit pour les retrouver dans une pièce, soit pour constater des ruptures avec elles.
Elle se présentera au programme sous la forme d’un recueil poétique (par exemple, un livre des Fables de La Fontaine). Si le recueil est important, il sera difficile, sinon impossible, de connaître tous les poèmes qui le composent de manière approfondie. La préparation devra donc porter sur tous les textes du recueil, mais s’attardera surtout sur les plus caractéristiques, sans se limiter non plus à ceux qui auront fait l’objet d’une étude méthodique en vue de l’oral : sur un recueil de cent poèmes*, si l’on en étudie cinq ou six pour l’oral, on devra en connaître assez bien environ vingt-cinq, et savoir à peu près ce que contient chacun des soixante-dix autres, pour pouvoir y faire référence dans l’examen d’un des thèmes de l’auteur.
L’intérêt de la poésie réside pour beaucoup dans sa forme*, la force expressive et l’harmonie des vers : l’étude thématique devra bien sûr se doubler d’analyses stylistiques précises, ce qui suppose un arsenal de citations plus important que pour les autres genres littéraires ; en effet, si l’on peut évoquer en substance les propos d’un personnage de roman ou de théâtre, il est indispensable de citer un vers avec exactitude pour en montrer l’expressivité.
Le candidat, enfin, se trouvera bien d’apprendre par cœur en entier un des poèmes du recueil, soit l’un de ceux qu’il a étudiés pour l’oral, soit son préféré : un texte connu et cité dans son intégralité est une excellente base de travail dans une dissertation sur une œuvre poétique, car le développement y gagnera beaucoup en précision.
On entend par là plusieurs genres* littéraires souvent liés à l’histoire : biographies, mémoires*, lettres*, essais*, récits satiriques* ; ils s’appuient le plus souvent sur des faits contemporains de l’auteur et sur les idées conçues par lui ou par d’autres en son temps. Outre les caractéristiques spécifiques de chacun de ces genres, tous exigent une certaine connaissance des enjeux idéologiques de l’œuvre étudiée.
Exemple : Dans Candide de Voltaire, on étudiera bien sûr le genre particulier du conte philosophique, avec l’art du récit qu’il suppose. Mais on risque de graves contresens si l’on néglige de s’informer sur la réalité de la philosophie « optimiste » de Leibniz contre laquelle Voltaire s’insurge, car si l’on ne se rend pas compte que cette philosophie, dans la problématique de l’époque, n’est pas aussi idiote que Voltaire veut le faire croire, on passe à côté d’une dimension essentielle des contes de Voltaire : la caricature* systématique.
À l’échelle d’une œuvre complète, il n’y a pas beaucoup d’autres exercices possibles que l’application des conseils de la présente séquence. Le contenu d’un exercice est en effet tributaire de la nature de l’œuvre étudiée, et un élève de première n’a évidemment pas le temps de s’attaquer à un livre hors-programme uniquement pour s’exercer ! Sur certains points cependant, on peut s’entraîner :