À la suite de Bonaparte, un lieutenant arriva à Milan en 1796 : un an plus tard, Fabrice del Dongo voyait le jour. En 1815, l’enthousiasme héroïque du jeune homme le conduit jusqu’à Waterloo : il veut servir Napoléon, mais comprend à peine ce qui se passe autour de lui. Auprès de sa tante qui l’adore, la duchesse de Sanseverina, Fabrice s’engage sans enthousiasme dans la carrière ecclésiastique à Parme. Une de ses aventures le conduit à tuer un comédien au cours d’un duel. Les ennemis de la duchesse et de son amant, le comte Mosca, exploitent la situation. Le jeune homme est enfermé à la tour Farnèse, où il a le bonheur de voir chaque jour Clélia Conti, la fille du gouverneur de la prison. Mais il risque la mort.
La duchesse parvient à le tirer, presque malgré lui, de cette bienheureuse et terrible geôle. Clélia, amoureuse de Fabrice, doit malgré tout épouser le marquis Crescenzi. Les intrigues des ennemis de Mosca et celles de la duchesse, amoureuse de Fabrice, se combinent. Elle doit le sauver une seconde fois. Le jeune homme, devenu grand prédicateur, parvient à rejoindre Clélia, mais la mort de Sandrino, leur jeune enfant, provoque celle de Clélia, qui voit là un châtiment divin. Fabrice se retire alors dans la chartreuse de Parme, où il ne tarde pas à mourir à son tour.
Fabrice del Dongo ressemble aux autres héros masculins de Stendhal. Même énergie, même recherche du bonheur dans la carrière et dans l’aventure. Là cependant s’arrêtent les ressemblances. L’enthousiasme passionné de ce héros solaire le dispense des vanités, humeurs et ressentiments de Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir. Ce fils bâtard de la marquise del Dongo est un être généreux et lumineux. Son vrai désir est moins la gloire qu’il recherche à la suite de Napoléon, que la félicité qu’il trouve dans les hauteurs carcérales de la tour Farnèse. Loin de Clélia, il ne peut que s’éteindre, et il la suivra dans la mort.
La duchesse Sanseverina est bien souvent le moteur dramatique du récit. Elle aide son neveu, l’élève, le protège, le sauve plus d’une fois, et finit par l’aimer pour de vrai. Dès lors, l’amour de Fabrice pour Clélia ne peut que rendre jalouse cette femme encore belle, l’ornement des salons, enthousiaste et passionnée comme son neveu, à qui elle ne survivra guère. À côté de la femme mûre, Clélia Conti, plus timorée, est la jeune fille amoureuse de la tradition romanesque*, qui n’hésite pas à trahir son père pour sauver son amant, mais qui, en tentant de composer avec ses scrupules moraux et religieux, met en péril leur bonheur. Le comte Mosca est une figure très intéressante. Habile homme, fin politique, ministre lucide au milieu de cette cour, il parvient à déjouer les intrigues, et surtout, il comprend que son vrai bonheur réside non dans le pouvoir, mais dans l’amour de la Sanseverina.
Stendhal pour écrire son roman, s’inspire de chroniques italiennes du xvie siècle et de l’histoire contemporaine. Mais le réalisme du récit est ici tempéré par la subjectivité des personnages, sinon par celle de l’auteur : bien souvent, les événements sont progressivement perçus à travers le regard de tel ou tel, par le procédé de la restriction de champ, qui tend parfois au monologue intérieur. Dans l’épisode fameux de Waterloo, par exemple, l’auteur présente Fabrice au milieu des combats : « J’ai vu le feu ! Se répétait-il avec satisfaction. Me voici un vrai militaire. » Mais Stendhal ajoute trois lignes après : « Il n’y comprenait rien du tout ». Cette remarque humoristique, qui dément absolument les prétentions du héros, marque cependant la sympathie amusée de l’auteur vis-à-vis de son personnage. L’auteur pénètre les pensées de Fabrice, mais prend après une distance certaine.
Vis-à-vis de la politique et de la société en revanche, le style de Stendhal est plus volontiers satirique. Il critique ici le fonctionnement odieux et ridicule d’un État policier. Voici un tyran qui, faisant de la terreur une politique, éprouve lui-même autant de peur qu’il en inspire. Ce prince amoureux en est réduit à des intrigues mesquines pour se sauver de l’ennui et de la médiocrité de sa situation. Évidemment, la satire* de Stendhal, à travers cette cour imaginaire, peut s’appliquer à bien d’autres situations.
Mais la beauté de l’œuvre réside dans la poésie de l’amour heureux ou contrarié. Lorsque Fabrice, par exemple, est incarcéré, et menacé de mort, sa seule et délicieuse pensée est pour Clélia qu’il espère entrevoir par la fenêtre. Et quand il comprend enfin que son amour est partagé, le style lyrique* du texte rend compte de sa passion : « ce moment fut le plus beau de la vie de Fabrice, sans aucune comparaison. Avec quels transports il eût refusé la liberté, si on la lui eût offerte en cet instant ».