Britannicus
1:Argument
« Ma tragédie, écrit Racine, n’est pas moins la disgrâce d’Agrippine que la mort de
Britannicus », deux circonstances dramatiques où se révèle un monstre naissant, Néron.
L’enlèvement de Junie par Néron inquiète Agrippine, la mère de l’empereur, et désole
Britannicus, l’amant de la jeune fille. Néron, amoureux de Junie, finit par arrêter aussi
Britannicus. Agrippine tente de reconquérir sur son fils l’autorité et le pouvoir qu’elle
exerçait naguère, et obtient de lui la libération des amants, et la réconciliation des
rivaux. Mais, encouragé par Narcisse, son conseiller, l’empereur empoisonne Britannicus,
tandis que Junie affolée se réfugie chez les prêtresses de la déesse Vesta.
2:Analyse
Racine, jusqu’alors, avait puisé la matière de ses tragédies en Grèce ; cette fois,
l’intrigue se situe à Rome. C’est dire que l’auteur se place d’emblée sur le terrain
politique de son rival, le grand Corneille. En effet, sensible aux critiques qui lui
sont faites, il abandonne quelque peu les galanteries du style élégiaque : aux intérêts
du cœur, il superpose les intérêts d’État. Certes, Néron et Britannicus sont rivaux en
amour, mais ils le sont aussi en politique, car selon le sang, c’est à Britannicus que
revenait le trône, et non à son frère par alliance, Néron, favorisé par les manœuvres
d’Agrippine. Par conséquent, la lutte qui oppose Britannicus à Néron se décline selon
trois modèles : la rivalité amoureuse bien sûr, la rivalité politique, qui pose le
problème de la tyrannie et de la légitimité, et la rivalité familiale, puisque la pièce
reprend le motif des frères ennemis que Racine traite aussi dans La Thébaïde, Bajazet et
Mithridate.
Malgré tout Racine, en s’inspirant des historiens latins, Suétone et Tacite, a donné à
l’intrigue une beauté nouvelle, qui réside pour l’essentiel dans la peinture des personnages
et des passions : l’ambition d’Agrippine et son goût du pouvoir se retournent contre elle.
Le timide Néron n’arrive à s’imposer que par la cruauté et la violence, mais il s’y habitue
fort bien, il y prend goût. Enfin, les amants malheureux, Junie et Britannicus, forment un
couple pathétique. Leur pureté, leurs sentiments sincères éclatent dans la simplicité lumineuse
et dans la poésie des vers.
