Si le style classique s’est réellement imposé à partir des années 1660, toute la première moitié du siècle est dominée par des tendances diverses, que l’on convient de désigner sous un terme générique : l’art baroque*.
Le terme baroque* possède une valeur esthétique et historique à la fois. Il désigne un style, et la période qui l’a vu naître. L’adjectif « baroque » qualifiait au départ le caractère irrégulier d’une perle, ou d’une pierre mal taillée. Par extension, il a pu signifier tout ce qui est bizarre ou inégal. À partir du xixe siècle, le terme est utilisé par les critiques d’art, et il désigne aujourd’hui une époque de l’histoire de l’art, la fin du xvie et le début du xviie siècle en somme, pour ce qui est de la littérature française. L’usage de cette notion est à la fois commode, dans la mesure où elle permet de mettre en évidence les caractères communs d’œuvres pourtant très diverses, mais délicat, du fait même de cette multiplicité.
L’art baroque* valorise le mouvement, la ligne courbe, l’inconstance, la démesure, l’illusion ou le mystère. Il est en tout cela conforme à l’esthétique que préconise la Contre-Réforme catholique, prenant le contre-pied de la Réforme protestante, qui est bien plus austère, en général. Certains critiques voient dans le développement de l’art baroque* le signe de la crise que traverse cette époque. Sortant à peine des guerres de Religion, la France se trouve, en effet, encore soumise aux révoltes nobiliaires, aux heurts et aux incertitudes, que la monarchie absolue tentera d’aplanir. Quoi qu’il en soit, ce style se retrouve dans toute l’Europe, et dans tous les arts (le théâtre de Shakespeare en Angleterre, la sculpture du Bernin en Italie, la peinture du Greco en Espagne, et plus tard, dans une certaine mesure, la musique de Bach en Allemagne).
Le baroque* désigne donc moins un style que des tendances multiples, voire contradictoires. Il ne faut certes pas s’étonner de trouver chez des auteurs réputés classiques des caractères baroques, bien que l’esthétique classique soit une réaction dirigée contre le baroque. Certains commentateurs, très libres, prennent le risque de l’anachronisme, en relevant chez tel auteur, d’une période tout à fait différente, Claudel par exemple, une manière baroque. D’autres, très rigoureux, poussent la finesse jusqu’à distinguer du baroquisme, très assertif et véhément, le maniérisme, selon eux, plus sceptique, plus fluide. En fait, ce n’est que dans le détail de l’analyse des œuvres que les notions s’avèrent, à l’usage, utiles et pertinentes.
Le style baroque* aime à se couler dans la grâce des vers. La poésie religieuse qui anime Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné, se retrouve encore dans les vers de Pierre Matthieu, de Jean de La Ceppède ou de Jean-Baptiste Chassignet. La poésie amoureuse reprend parfois les mêmes images pour parler de l’être aimé, transfiguré, idéalisé, divinisé par la beauté du style, la grâce des images, ou la pointe* du discours. Citons parmi tous ces nombreux poètes Flaminio de Birague, Philippe Desportes, Marc Papillon de Lasphrise, Jean de Sponde, François Maynard, Tristan L’Hermite, et surtout Antoine Girard de Saint-Amant et Théophile de Viau. La poésie dramatique donne lieu à des tragi-comédies* ou à des pastorales*, riches en cruautés ou en galanteries, en rebondissements ou en longs monologues, et dans lesquels excellent Alexandre Hardy, Honorat de Racan et Jean Mairet.
Le roman, lui aussi, est animé par l’esprit baroque*. Il met en scène les aventures enthousiasmantes de personnages héroïques. Le style est généralement précieux, c’est-à-dire, raffiné, selon cette manière que cultivaient les cercles aristocratiques et souvent féminins de cette époque. Les rebondissements extraodinaires prolongent l’intrigue, parfois, sur plus de cinq mille pages ! Citons entre autres le Faramond de La Calprenède, Le Grand Cyrus de Mlle de Scudéry, et surtout, le grand succès de toute cette époque, écrit par Honoré d’Urfé : L’Astrée.
À l’opposé de l’idéalisme aristocratique du roman précieux, se développe le réalisme bourgeois du roman burlesque*. Il s’agit souvent de parodies, comme L’Énéide travestie de Furetière, de romans picaresques*, comme La Vraie Histoire comique de Francion de Charles Sorel, ou de récits satiriques, comme Le Roman comique de Scarron ou Le Roman Bourgeois de Furetière, dont les personnages sont des héros déchus, ou de modestes gens. Parallèlement se développent les histoires tragiques, sortes de nouvelles qui, contrairement aux délicatesses de la préciosité, mettent en scène des actes atroces, cruels ou diaboliques, prétendument réels. Les maîtres du genre sont François de Rosset et Jean-Pierre Camus.
Il convient de mentionner enfin le libertinage qui, en vers ou en prose, se signale par son indépendance d’esprit et de mœurs. Face aux préjugés établis, les libertins* opposent la fantaisie ou le rationalisme de leur pensée. Les plus célèbres sont Gassendi, La Mothe Le Vayer et Cyrano de Bergerac.