Le symbolisme et l’effervescence poétique de la fin du xixe siècle encouragent l’émergence de mouvements poétiques d’avant-garde dès le début du xxe siècle.
Les poètes du début de siècle se trouvent souvent « entre deux eaux », entre classicisme et modernité. Tel est le cas, par exemple de Charles Péguy. La litanie incantatoire des huit mille vers ordonnés en quatrains, qui constituent Ève (1914), respecte les règles de la métrique classique. Mais la prose poétique des « cahiers » que sont les trois Mystères est plus novatrice. Chez Claudel, l’opposition se marque très nettement entre le genre et l’inspiration apparemment classiques des Cinq Grandes Odes (1908), où il est question de muses, de grâce, et de Dieu, et le style du vers claudélien, qui repose sur une conception très personnelle du rythme.
Paul Valéry incarne mieux encore cette ambiguïté. Il méprise l’Art Nouveau, et ses poèmes donnent le sentiment d’un néo-classicisme hautain et triomphant, sans concession au goût du temps. Les vers de Charmes (1922) sont d’une facture parfaite, et cultivent plutôt l’archaïsme* que la modernité. Pourtant, la nouveauté et l’indépendance de ses vues concernant la poésie et l’art est remarquable. Il met en œuvre une réflexion sur le langage et l’œuvre, qui poursuit en un sens l’entreprise de Mallarmé, pour en montrer les significations inépuisables : « Il n’y a pas de vrai sens du texte. Une fois publié, un texte est un appareil dont chacun peut se servir à sa guise et selon ses moyens. »
La conférence que donne Guillaume Apollinaire sur l’« Esprit nouveau » en 1917, véritable signe des temps, est une sorte de manifeste. Le poète entend susciter la « surprise », et pour cela, faisant feu de tout bois, il utilise les ressources du cubisme, des collages, et il accueille dans ses vers les thèmes futuristes liés à l’essor de la science et de la technique : la ville, l’automobile, le cinéma... Il s’agit pour l’artiste de combattre toujours « aux frontières/De l’illimité et de l’avenir ».
À la même époque, quelques autres poètes incarnent eux aussi cet « esprit nouveau » : Valery Larbaud, Victor Segalen, Max Jacob, Francis Picabia, Pierre Reverdy et notamment Blaise Cendrars, ce roi de la « bourlingue », avec ses Pâques à New York (1912), la Prose du Trans-sibérien (1913), et ses Poèmes nègres (1922). Tous ces auteurs, ouverts aux apports des arts, des sciences et techniques, des cultures étrangères, et de la fantaisie la plus débridée, participent au bouillonnement poétique du début de siècle.
Le mouvement Dada radicalise ces tendances. Lancé à Zurich en 1916 par Tristan Tzara, il bourgeonne à Paris avec l’aide de Breton, Eluard, Aragon, Picabia, Soupault. Il s’agit d’une révolte nihiliste, poétique et expérimentale contre toute institution politique, morale, artistique... : « Assez de toutes ces imbécillités, plus rien, plus rien, rien, RIEN. »
Issu du mouvement Dada, le surréalisme se révolte contre le conformisme et le classicisme. Il revendique comme ancêtres les auteurs fantastiques*, érotiques (Sade), les romantiques allemands (Novalis, Hölderlin), les poètes-voyants (Lautréamont, Rimbaud). Bref, ces poètes de la modernité veulent reconquérir une liberté que les systèmes établis de toutes sortes ont depuis trop longtemps bridée. Les Manifestes du surréalisme (1924, 1930) expliquent leur méthode : associations aléatoires ou inconscientes, trangression des tabous, et notamment sexuels, dérision généralisée, exploration des limites en général. Breton définit ainsi le surréalisme comme un « automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. » Pour Aragon, dans le surréalisme, « le sens se forme en dehors de vous ».
« Pape » du surréalisme, André Breton anime la revue La Révolution surréaliste. Il garantit la rigueur doctrinale d’un mouvement, par nature, voué à l’éclatement. Il publie des recueils poétiques d’un style chaotique et convulsif comme Les Champs magnétiques (1920), L’Union libre (1931), Le Revolver à cheveux blancs (1932).
Outre Breton, il convient de citer encore d’autres poètes, et ils sont nombreux, ayant participé de près ou de loin à l’aventure surréaliste : Robert Desnos et ses « sommeils hypnotiques », Philippe Soupault, co-auteur des Champs magnétiques, Paul Eluard, Louis Aragon, René Char et René Crevel.