Le père d’Agrippa d’Aubigné, dès son plus jeune âge, lui enseigne le latin, le grec et l’hébreux, et lui fait un jour jurer vengeance devant les têtes tranchées des martyrs huguenots d’Amboise. Son père mort dans les combats de la guerre civile, il prend sa suite, et combat avec ardeur aux côtés d’Henri de Navarre. Il échappe aux massacres de la Saint-Barthélemy en 1572, et rencontre à Talcy Diane Salviati, nièce de la Cassandre chantée par Ronsard en ses Amours. Doublement inspiré par Ronsard et par cette Diane bien-aimée, il compose le Printemps, lequel ne sera publié qu’au xixe siècle.
D’Aubigné rejoint bientôt Paris et Henri de Navarre, retenu à la cour, dont il favorise l’évasion en 1576. Il reprend le combat avec une ardeur et une bravoure qui le font partout remarquer, et il manque de mourir plus d’une fois. Lorsque son compagnon abjure sa foi protestante pour devenir roi de France sous le nom d’Henri IV, révolté, il s’éloigne de lui et de la cour. L’édit de Nantes en 1598 lui paraît une bien maigre concession.
Dans sa forteresse de Maillezais, il se consacre à l’écriture. Il rédige le pamphlet satirique qu’est La Confession catholique du sieur de Sancy, publie Les Tragiques en 1616, entame son Histoire universelle de la lutte entre Rome et les protestants, les premiers livres des Aventures du baron de Faeneste, un Traité sur les guerres civiles et n’abandonne jamais son combat. Sous Louis XIII, infatigable, il repart en campagne, mais proscrit, il doit fuir à Genève où il meurt en 1630.
« Bonne lame, bonne plume », comme le disait Anatole France, Agrippa d’Aubigné résume en sa personne tout un siècle de culture et de combats. Lyrique* quand il évoque Diane Salviati, satirique lorsqu’il se moque des conversions opportunistes dans La Confession catholique du sieur de Sancy, son style peut aussi bien devenir, celui du mémorialiste dans Sa vie à ses enfants, ou de l’essayiste dans son Traité sur les guerres civiles. Mais l’auteur garde toujours cette même passion, qui fait son caractère, et qui éclate dans Les Tragiques. Le chantre du Printemps est devenu homme de guerre, et ce poète-soldat a pour visée la gloire de Dieu. C’est un homme engagé, passionné, fanatique presque. Ce poème en sept chants, tour à tour sublime et féroce, satirique et grandiloquent, est à la démesure de l’homme. La haine et la foi chez lui trempent dans le sang des martyrs huguenots.