On relève des traits communs de l'évolution du travail et de l'emploi dans les pays industrialisés. Il y a eu un " déversement " de la population active (Alfred Sauvy) du secteur primaire vers le tertiaire. De nouvelles catégories professionnelles apparaissent (cadres) tandis que le poids d'autres se réduit (ouvriers). Mais les effets de la croissance sur l'emploi se différencient d'un pays à l'autre selon l'organisation du travail, le coût du travail (direct et indirect) et les modalités de croissance de chaque pays.
Adam Smith, fondateur de l'économie politique moderne étudie l'impact de l'organisation du travail sur la croissance sous l'angle de la division du travail. Dans son ouvrage majeur Recherches la nature et les causes de le richesse des nations (1776)et notamment l'exemple célèbre de la manufacture d'épingle, il démontre que la division du travail permet de forts gains de productivité. Elle permet de diminuer le temps de travail nécessaire par unité produite pour trois raisons :
Pour Marx, la division du travail naît lorsque les individus ou groupes d'individus ne sont plus autosuffisants. Peu à peu, on s'est éloigné d'un modèle où producteur et consommateur était confondu. La division manufacturière du travail fondée sur la segmentation du travail et la parcellisation aboutit à la déqualification du travailleur et à la dévalorisation de sa force de travail. Il produit un bien dont il va être dépossédé et dont il ne voit pas la finalité. Pour Marx, cette division constitue la base du machinisme et est le prémice à la destruction des métiers, approfondissant la séparation entre conception et exécution.
L'OST Frederick Winslow Taylor (1856-1915) est un ingénieur américain qui va formaliser l'Organisation scientifique du travail (OST), prétendue objective et rationnelle. L'OST repose sur une double division du travail :
Henry Ford (1863-1947) reprend les principes de l'OST mais innove :
Le développement du taylorisme est le produit d'une nécessité. Il a permis de répondre à deux exigences : la nécessité d'une augmentation de la productivité et de la production de masse, l'accueil d'une main d'œuvre peu qualifiée. La généralisation de ce mode d'organisation a assuré une croissance régulière des gains de productivité pendant la période des trente glorieuses.
Le ralentissement des gains de productivité est un élément majeure de la crise contemporaine. On peut parler de deux crises du taylorisme.
Une crise sociale dans les années 70 caractérisée par les réactions négatives des ouvriers (phénomène de " coulage ", perte de qualité, absentéisme, turnover )qui mettent en lumière les effets pervers de cette organisation dans une société où les normes sociales évoluent.
Une crise économique et technologique à partir des années 80 : la demande évolue et s'oriente vers une exigence plus grande de qualité tandis que l'introduction des nouvelles technologies (robotique, productique) permettant d'automatiser la production remet en question la parcellisation du travail. Elles vont déboucher sur le post-taylorisme.
Le post-taylorisme désigne les nouvelles organisations du travail rendues nécessaires à la suite des dysfonctionnements des organisations du travail tayloriste et fordiste et permises par la diffusion de nouvelles technologies.
Tout d'abord, certaines mesures permettent de limiter le travail répétitif et la parcellisation des tâches, sans remettre fondamentalement en cause l'OST. Ce sont le rotation des postes, l'élargissement des tâches et leur enrichissement. On essaie d'assouplir la hiérarchie et de responsabiliser davantage les exécutants. Le toyotisme est un exemple du post-taylorisme, basé sur une gestion participative du personnel. Pour son concepteur, Taiichi Ohno, il s'agit de privilégier la qualité sur la quantité. Pour cela, on redonne de l'autonomie à l'ouvrier, regroupé au sein d'équipes, dans une organisation de la production plus flexible.
Cependant nous avons quelques raisons de penser que le taylorisme n'est pas tout à fait mort mais a simplement évolué. Ses principes disparaissent dans certaines secteurs mais s'étendent à d'autres. La rationalisation et la normalisation du travail s'applique en effet au domaine des services, le travail répétitif étant la règle. Ce sont donc toujours les principes tayloriens qui sont à l'œuvre pour assurer gains de productivité et croissance. C'est pour cela que l'on parle de néo-taylorisme.
Parler d'un marché du travail, c'est considérer qu'il y a une offre de travail et une demande de travail et que leur rencontre détermine un prix : le salaire. L'offre de travail (ou demande d'emploi) provient des actifs ; son niveau dépend de variables démographiques (pyramide des ages), sociales (travail des femmes) et légales (âge de la retraite). La demande de travail (ou offre d'emploi) émane des entreprises ; elle varie selon l'importance de la production et donc de la demande, de la productivité, du coût et du temps de travail.
Pour les néo-classiques, le marché du travail est un marché comme un autre sur lequel s'échange une marchandise, le travail, à un prix fixé par la rencontre des deux courbes, le salaire. Dans cette perspective libérale, le chômage est " volontaire " car le demandeur d'emploi n'accepte pas de travailler à un salaire qu'il juge trop faible. Le chômage ne vient pas des entreprises qui sont toujours d'accord pour embaucher à un salaire inférieur que le salaire d'équilibre. Le chômage est le résultat de rigidité sur le marché qui empêchent la fixation du prix d'équilibre ( ex: le SMIC, les minima sociaux).
Pour le salaire S, l'offre de travail (AC) est supérieure à la demande (AB), d'où résulte le chômage (BC)
Pour Keynes, le salaire n'est pas fixé comme les autres prix car il est le fruit de négociation et d'une convention passée au niveau collectif. Le chômage est, lui, le résultat d'une insuffisance de la demande de biens car les entrepreneurs embauchent en fonction de la demande anticipée. " Ce sont la propension à consommer et le montant de l'investissement nouveau qui détermine de façon unique le niveau des salaires réels- et non l'inverse ".
Pour les néo-classique, le chômage non volontaire provient de rigidité et de manque de flexibilité sur le marché du travail pour la fixation des salaires. En raisonnant à partir du concept de " productivité marginale ", il montre que l'entrepreneur embauche tant que le salaire est inférieur à ce que le travailleur rapporte à l'entreprise. C'est pourquoi il est possible d'augmenter le nombre de salariés en réduisant les salaires.
Mais du salaire dépend aussi la productivité du salarié. Les théoriciens du " salaire d'efficience " inverse la relation productivité-salaire et montre que la baisse du salaire réduira la motivation du salarié, sa productivité. Le niveau de production totale sera réduit donc l'entrepreneur sera contraint à embaucher. La demande de travail augmentant, le salaire augmente à son tour sur le marché. La baisse initiale est neutralisée.
Les néo-keynésiens comme Galbraith mettent en avant le rôle du salaire sur la demande effective. En réduisant le salaire, on diminue le pouvoir d'achat et in fine on augmente le chômage. Une politique salariale restrictive qui privilégiant la rentabilité à court terme ferait oublier la logique des débouchés. Des salaires trop faible ont un effet dépressif sur la demande des ménages. Cette faible demande conduit à des anticipations négatives de la part des entrepreneurs qui embauche moins en conséquence.
Le salaire a deux composantes : directe et indirecte. Le coût direct est la rémunération du travail alors que le coût indirect comprend les cotisations salariales, les primes diverses, l'intéressement aux bénéfices de l 'entreprise et les avantages en nature. L'ensemble constitue le " coût du travail ". L'état peut influencer le coût indirect du travail, notamment en jouant sur le montant des charges sociales. Cela permettrait de réduire le coût du travail pour les entreprises sans réduire le pouvoir d'achat car la part du salaire net revenant au salarié augmenterait.
Depuis 40 ans, la population active n'a cessé d'augmenter et sa composition s'est modifiée. On relève trois évolutions majeures :
L'évolution majeure est le passage de l'emploi typique à atypique. En effet dans les " Trente Glorieuse " la norme en matière d'emploi était la stabilité : embauche sous forme de Contrat à Durée Indéterminé (CDI), travail à temps plein, garanties sociales, salaire fixé par des conventions collectives. Aujourd'hui, on assiste à l'essor des emplois atypiques " : emplois précaires (Contrats à Durée Déterminée (CDD), intérim) ou temps partiel (souvent subi). Ces emplois sont peu protégés, n'étant pas assortis de garanties légales ou institutionnelles, souvent instables et de nature indéterminée (les stages, les Travaux d'Utilité Publique TUC devenus Contrat Emploi Solidarité CES). La part des emplois précaires dans l'ensemble des salariés est passée de 3, 9% en 1985 à 9, 4% en 1997. Ces emplois se sont principalement développés avec la crise et le renversement du rapport de force au profit de l'employeur (hausse du chômage, relatif déclin du syndicalisme et remise en cause de compromis et d'acquis sociaux) et répondent aux nouveaux besoins de nos économies dans un environnement international incertain. Aujourd'hui, les entrepreneurs recherchent la flexibilité.
Une société à plusieurs vitesse Le risque de la déréglementation du marché du travail est d'encourager l'apparition d'une société duale (entre actifs et inactifs) se doublant d'un accroissement des inégalités au sein même des travailleurs occupés (marché primaire vs secondaire). Il en découlent des problèmes sociaux d'exclusion et de rupture du lien social.
Nous avons vu que le marché du travail se segmente. Le marché primaire est davantage protégé du chômage car on y retrouve les salariés les plus qualifiés. Or parmi les facteurs de chômage, le plus déterminant est la qualification. Il joue non seulement un rôle sur le fait ou non d'être au chômage mais aussi sur sa durée. C'est ainsi que s'explique l'objectif des pouvoirs publics : 80% d'une classe d'âge diplômée du baccalauréat ! Mais l 'effet pervers est la surqualification de la main d'œuvre et la dévalorisation des diplômes. Alors de nouvelles discriminations entrent en jeu : à diplôme égal, on fait jouer les relations (le capital social pour Bourdieu) et les qualités personnelles.
Aujourd'hui, le développement du travail précaire a brouillée les frontières entre activité et inactivité en développant des situations incertaines. Les définitions et les modes de calcul illustrent ces difficultés.
Une organisation internationale, le Bureau International du Travail BIT, a proposé une définition commune à tous les pays pour faciliter les comparaisons. Pour être reconnu chômeur, il faut remplir quatre conditions :
L'INSEE mesure chaque année au mois de mars la Population Sans Emploi à la Recherche d'un Emploi (PSERE). La PSERE est une mesure qui tient compte des conditions définies par le BIT auxquelles s'ajoutent la nécessité d'être disponible sous quinze jours pour occuper un emploi et les personnes prises en compte ne doivent pas avoir travaillé ne serait-ce qu'une heure durant la semaine de référence qui précède l'enquête.
L'information mensuelle sur l'évolution du chômage est fournie par la Demande En Fin De Mois DEFM enregistrée par l'ANPE. Pour l'ANPE est chômeur, toute personne :
Entre la PSERE et la DEFM on note des différences : des chômeurs BIT ne sont pas forcément inscrits à l'ANPE et inversement certains chômeurs ANPE ne sont pas comptabilisés par le BIT (personne ayant une toute petite activité occasionnelle). Ce flou dans l'estimation peut atteindre 15 à 20 % de la population concernée et a été nommé le " halo " du chômage. En général, le chiffre de la DEFM est supérieure à celui de la PSERE.
D'après le BIT, c'est la situation de toute personne qui est contrainte de travailler moins que la durée normale de travail (temps partiel subi -1 495 000 personnes en 1997- ou chômage technique) et qui est à la recherche d'un travail supplémentaire.
Les indicateurs Le taux de chômage = (nombre de chômeurs/pop active) *100. Compte tenu de l'inégalité du chômage (durée et âge), il est intéressant de connaître : Le taux de vulnérabilité =(nbre de chômeurs de moins d'un an/ pop active occupée)*100 L'indicateur de difficulté de reclassement = (nbre de chômeurs de plus d'un an/nbre d'actifs occupés)*100. Un taux élevé indique une grande difficulté à trouver ou à retrouver un emploi et donc un faible degré d'employabilité.
Suivant la durée du chômage
Depuis les années 70, la France connaît lors des périodes de récession de brutales poussées de chômage qui ne sont que très partiellement résorbées par les années de croissance. Par son caractère massif et durable, le chômage frappe peu à peu toute les catégories de la population ; cependant des inégalités subsistent.