La régulation par le marché (étudiée dans les fiches précédentes) semble souvent inapte à résoudre (et parfois même aggrave) bon nombre de problèmes économiques et sociaux, ce qui a conduit l'Etat à intervenir dans ces domaines. La compétition et la course à la rentabilité tendent à exclure du tissu social et de la vie économique les individus les plus exposés, et à créer de fortes inégalités au sein de la population. Ainsi, l'Etat a peu à peu créé un système d'aide aux plus démunis, de réallocation d'une partie des richesses, de mise en place de services publiques. Mais à trop intervenir, l'Etat ne risque-t-il pas, par ses actions, de nuire à l'efficacité économique ?Le débat sur le degré d'intervention reste ouvert.
La protection sociale a pris son essor après la seconde Guerre Mondiale en France, sous l'impulsion notamment du rapport Beveridge paru en Grande-Bretagne en 1942 et prônant l'instauration d'un régime de Sécurité Sociale dans le pays. Cette protection sociale s'est généralisée à tous les travailleurs et a pris en charge de plus en plus de problèmes au fil des ans. Mais dans les années 1980, ce système commença à être remis en cause par l'idéologie libérale, la crise économique, et les problèmes démographiques.
Le coût de la protection Sociale représente aujourd'hui 2200 milliards de francs, c'est-à-dire environ 30% du PIB de la France. Les organismes de protection Sociale prennent deux formes :d'une part, les salariés payent des cotisations sociales et ont ainsi accès à une assurance, et d'autre part, l'Etat et les collectivités locales assurent une assistance aux plus démunis. Il existe quatre grands champs d'application des prestations Sociales :
Les cotisations sociales versées par les retraités lors de leur vie active leur donne droit à une pension de retraite. L'Etat fournit un minimum vieillesse pour ceux qui ne perçoivent pas de pension. Il existe aussi des caisses de retraite complémentaire comme l'ARCCO, l'AGIRC. En France, les retraites de l'année sont financées par les cotisations des actifs de l'année. Ce système est appelé système par répartition. Ses modalités permettent une certaine redistribution, contrairement au système américain dit par capitalisation (où chacun épargne auprès des fonds de pension, et reçoit lors de sa retraite un montant proportionnel à ce qu'il a épargné les années précédentes).
La part des dépenses de santé dans la protection sociale ne cesse d'augmenter dans la plupart des pays développés. Ceci semble lié au fait que la quantité de soins consommés ne soit ni choisie ni utilisée, ni même payée par la même personne.
Ayant souscrit à une assurance chômage lors de leur période d'emploi, les chômeurs sont couverts par l'assurance chômage pendant une durée limitée (ces personnes sans emploi sont les ayant-droit). Cette assurance est gérée par l'UNEDIC. Le nombre élevé de chômeurs a poussé à l'augmentation des cotisations et à la baisse des prestations. Les personnes sans emplois arrivées en fin de droits peuvent alors percevoir le RMI (2200f pour une personne seule en 1992) si elles ont plus de 25 ans.
La politique familiale a quatre objectifs :fournir une assistance aux familles pauvres, établir une solidarité entre les couples avec et sans enfants, préserver le renouvellement naturel de la population, et rendre égal l'accès au travail aux mères. Pour arriver à ses fins, l'Etat utilise entre autre le quotient familial qui réduit l'impôt sur le revenu selon le nombre d'enfants, et les allocations familiales.
L'économie de marché permet de réaliser une première allocation des ressources, qui est souvent inégalitaire. C'est pourquoi il est nécessaire de mettre en place un second degré d'affectation des richesses, réalisé a posteriori, appelé redistribution, constitué de prélèvements, et de réafectations (ou transferts sociaux). La redistribution est donc un principe fondamental des prélèvements obligatoires en France.
Les prélèvements peuvent être progressifs (ils tendent à réduire les inégalités) comme l'impôt sur le revenu, proportionnels comme la TVA, ou dégressifs (accroissant donc les inégalités (comme les cotisations sociales).
Les consommations collectives forment aussi une certaine redistribution, mais qui finalement semble plus profitable pour les catégories sociales les moins exposées.
Actuellement l'ensemble du système français semble peu redistributif, compte tenu des énormes quantités d'argent qu'il gère. Bon nombre de critiques s'élèvent, telles celles formulées par Milton Friedmann dès 1962, qui prône une simplification du système, et l'instauration d'un " impôt négatif " lorsque le revenu est trop faible, et positif lorsque celui-ci est important.
On a assisté au cours du XXeme siècle à un accroissement des inégalités au sein de la société française. Au nom de quoi peut-on les réduire ? de l'égalité ? de l'équité ? de la justice sociale ? L'efficacité économique n'est-elle pas alors mise à mal ?
Deux écoles s'affrontant : les libéraux et les sociaux-démocrates. Au XIXeme siècle, la doctrine libérale affirmait que les inégalités étaient "méritées " par chacun : tout homme était tenu pour responsable de sa situation. Les mentalités ont changé, et tous sont maintenant d'accord pour réguler la montée des inégalités.
Les libéraux maintiennent que les inégalités sont un stimulant à la croissance, elles poussent chacun à tenter d'améliorer sa situation personnelle ce qui, par le principe de la main invisible, accroît la richesse globale ; mais cela ne peut se réaliser de façon équitable qu'avec une rémunération au mérite et une égalité des chances.
Les sociaux-démocrates quant à eux, prônent une réduction des inégalités car celles-ci sont injustes socialement : la justice sociale est bafouée. Mais c'est aussi sur le plan économique qu'une redistribution est nécessaire, car une redistribution verticale des richesses permettrait de redonner du pouvoir d'achat au catégories qui ont la plus forte propension marginale à consommer, ce qui relancerait l'économie, et régulerait les risques de crise, d'après John Maynard Keynes.
Ainsi est née la volonté de faire de l'Etat un bienfaiteur plus qu'un protecteur.
L'Etat au XIXeme siècle était cantonné à ses fonctions régaliennes : assurer la sécurité sur le territoire (police, justice), assurer l'intégrité du territoire (armée), et réaliser des investissement pour la collectivité, qu'aucun particulier ne serait apte à financer (infrastructures par exemple). Il était alors appelé Etat gendarme ou Etat minimal, et il était théorisé par la doctrine libérale. Son intervention dans la sphère économique et sociale est jugée inefficace, voir même néfaste.
Mais l'Etat s'est mis à prendre en charge de plus en plus de problèmes, en instaurant par exemple des lois sur le temps de travail, sur le travail des enfants, sur l'assurance chômage, etc… dès la fin du XIXeme siècle.
Il faudra cependant attendre 1945 pour voir apparaître un véritable Etat-Providence (Welfare-State). Il s'agissait alors de protéger les populations de la maladie, de la vieillesse, etc..et cela en gardant en mémoire les trois grands principes : Universalité (une aide pour tous), Unité (une administration unique ), Uniformité (les prestations seront les même pour tous).Ce qui changera fondamentalement au XXeme siècle, c'est le passage d'une logique d'assistance de la part de l'Etat, à une logique d'assurance obligatoire : le contrat social entre les individus change alors totalement.
De plus, un tel système permet l'établissement du compromis keynésien : une redistribution verticale s'opère, ce qui permet d'accroître la demande, et d'atteindre ainsi le plein emploi.
Cet Etat-Providence connaît une crise dans les années 1980 :Critiquée par les théories libérales (comment être certain que les résultats de la régulation par l'Etat sera telle sont ceux escomptés ?), confronté à des problèmes de financement, l'Etat providence subit une crise double : de légitimité et de financement.
Ainsi, les libéraux accusent le système de protection sociale de créer une logique d'assistanat au sein de la population, ce qui désinciterait à l'effort. L' initiative individuelle serait découragée par une trop forte redistribution, et des charges patronales beaucoup trop élevées. Enfin, l'Etat prenant de plus en plus d'importance, il tendrait à remplacer l'initiative privée, et donc créerait un effet d'éviction. Ceci serait accompagné d'une baisse de l'efficacité des services, car les fonctionnaires seraient moins motivés au travail que les salariés du privé, ceci étant dû au mode de rémunération qui est différent entre les deux employeurs : l'un rémunérant au mérite, l'autre à l'ancienneté.
De plus, les économies développées connaissent alors une crise économique, ce qui réduit les recettes de l'Etat-Providence et augmente ses dépenses d'aide aux chômeurs, et aux RMIstes; la population vieillie, les pensions doivent donc augmenter ainsi que les frais de santé ; et il existe une demande croissante de soin (l'offre créant le besoin dans ce type de secteur). Le financement du système est donc remis en question.
Le compromis keynésien est donc remis en question, mais aucune grande réforme n'a jusqu'alors été tentée ou menée à bien.
Certes, certains annoncent que l'Etat est allé trop loin dans son implication dans les problèmes économiques et sociaux, tant en ce qui concerne la politique économique comme nous l'avons vu dans la fiche précédente, avec une trop forte pression sur les marchés financiers que dans la redistribution des revenus par ses prélèvements obligatoires et ses revenus de transfert.
Cependant, vivre dans un monde purement libéral est n'apparaît pas viable; et il demeure incontestable que certaines fonctions doivent impérativement être gérées par l'Etat, et que leur part augmente : la nouvelle macro-économie, sous l'impulsion de Romer, a bien montré que les infrastructures et l'éducation par exemple, sont les armes économiques de demain pour rendre le territoire attractif pour les entreprises (cf Romer, Lucas, Barro), le rôle de l'Etat garde encore une légitimité.
Ainsi, ce n'est pas moins d'Etat qu'il faut prôner, mais plutôt " mieux " d'Etat. En effet, c'est souvent la gestion de l'Etat qui pose un problème, et qui est responsable d'une perte d'efficacité.
Mais pour arriver à de tels changements, un consensus national doit pouvoir se mettre en place, car tous les citoyens sont concernés (soit en finançant, soit en profitant de certains aspects du système). La principale tâche revient alors maintenant aux hommes politiques, qui ont la mission de former un consensus autour d'un projet, ce qui n'est pas chose aisée en ce qui concerne un sujet aussi épineux et aussi complexe.
Le débat est donc ouvert, et on ne peut plus d'actualité.