Dans la fiche 1 sur les agents économiques et leurs relations, on a vu qu'une entreprise peut se définir comme une unité de production qui acquiert sur les marchés des facteurs de production qu'elle combine en vue de produire un bien ou d'offrir un service, que les principales fonctions économiques des ménages consistent à fournir des facteurs de production (capital et travail) aux autres agents, et à utiliser leurs revenus pour la consommation ou l'épargne. La question que l'on peut alors légitimement se poser est : comment toutes ces opérations réalisées de manière indépendante par les différents agents sont elles finalement compatibles entre elles ? En réalité toutes ces opérations économiques des agents résidents dans l'économie nationale ne sont compatibles entre elles que s'il existe des mécanismes qui assurent l'équilibre du marché du travail, du marché des biens et services et des marchés de capitaux.
Un marché est le lieu de rencontre entre une offre et une demande. Cette rencontre détermine une quantité échangée (de travail, de production, de monnaie, de titres) et un prix de vente (salaire, prix des biens, taux d'intérêt, cours boursier).
Les lois de l'offre et de la demande ne peuvent véritablement fonctionner que sur un marché parfaitement concurrentiel. Un tel marché se caractérise par le fait qu'aucun agent particulier ne peut à lui seul influencer la fixation des prix. Néanmoins le modèle du marché concurrentiel n'est raisonnable que si un certain nombre de conditions très strictes sont remplies.
Il est d'usage de donner une représentation graphique des lois de l'offre et de la demande, mais il faut d'abord rappeler que l'offre d'un bien est une fonction croissante de son prix, tandis que la demande d'un bien est une fonction décroissante de son prix. On peut donc imaginer les quantités offertes par les producteurs pour différents prix et les quantités demandées par les consommateurs pour ces différents prix.
Sur un marché concurrentiel, le prix est librement négocié entre les offreurs et les demandeurs jusqu'au moment où l'offre est égale à la demande. P2 est ici le prix d'équilibre ou encore le prix de marché.
Le fonctionnement d'un marché concurrentiel présente l'avantage d'éliminer automatiquement tout déséquilibre à la suite d'un choc quelconque affectant l'offre ou la demande. De plus les variations de prix jouent un rôle de signal pour l'affectation des facteurs de production aux différentes activités. Les producteurs sont incités à affecter plus de facteurs aux produits dont les prix montent et moins de facteurs pour ceux dont les prix baissent.
Enfin, la concurrence et la flexibilité des prix tendent à abaisser les coûts moyens de production à long terme, ce dont le consommateur bénéficie. Et tous ces mécanismes peuvent en théorie s'appliquer à n'importe quel marché (marché du travail, marché monétaire….).
Néanmoins, les mécanismes d'ajustement automatique d'un marché parfaitement concurrentiel supposent que soient réunies plusieurs conditions très strictes : ce sont les conditions de la concurrence pure et parfaite. L'analyse économique a retenu cinq conditions nécessaires au jeu parfait de la concurrence :
Sur les marchés de capitaux, les conditions de la concurrence sont généralement remplies, la libre et permanente fluctuation des prix assurant vingt-quatre heures sur vingt-quatre un équilibre de l'offre et de la demande. Cependant, sur les autres marchés non financiers, les conditions de la concurrence pure et parfaite ne peuvent être remplies et leur fonctionnement concret s'éloigne de la théorie pure de l'offre et de la demande. L'entreprise dispose de deux moyens essentiels pour s'extraire de la concurrence :
Proposer des produits originaux pour lesquels les consommateurs accepteront de payer plus cher que la normale, rétablissant ainsi pour l'entreprise une marge de profit. Pour ce faire, l'entreprise doit consacrer une part important de son budget en recherche et développement afin de développer des innovations techniques et commerciales.L'entreprise peut également miser sur une logique de différenciation, en associant une valeur symbolique à la marque, ou jouer sur la publicité.
Etre capable de produire à des coûts inférieurs à ceux de la concurrence, soit en recherchant des économies d'échelle (notamment par la concentration horizontale), soit en mettant au point de nouveaux procédés de fabrication ou d'organisation (innovations techniques et organisationnelles), soit enfin en réduisant ses charges (salaires, achats…).
Dans tous les cas, ces actions remettent en cause les hypothèses de la concurrence pure et parfaite : les avantages liés à la taille expliquent une concentration qui s'oppose au principe d'atomicité ; la différentiation des produits invalide celui d'homogénéité ; l'importance des investissements crée des barrières à l'entrée sur un marché…
Cependant l'existence de la concurrence est jugée utile et une réglementation des marchés est donc nécessaire pour maintenir un degré de concurrence suffisant. En revanche les effets de la concurrence imparfaite sont controversés. Dans l'analyse néoclassique, les imperfections de la concurrence entraînent une augmentation des prix préjudiciable au consommateur et donc nuisible au marché. D'autres analysent comme celles de Schumpeter insistent sur l'efficacité des grandes firmes, ce qu'il nomme les " déséquilibres créateurs " (Théorie de l'évolution économique, 1912).
Une économie de marché se caractérise par le fait que la régulation de l'activité économique est assurée principalement par des mécanismes de marché qui maintiennent le système en équilibre. Cependant la capacité qu'à le marché de maintenir le système en équilibre est contestée car cet équilibre dépend de conditions difficiles à réunir.
L'équilibre d'un marché est assuré par le jeu des prix qui, s'ils sont suffisamment flexibles, réagissent aux fluctuations de l'offre et de la demande, tandis que les agents modifient à leur tour leur comportement en fonction du mouvement des prix. De plus les marchés sont interdépendants, c'est à dire que les fluctuations enregistrées sur l'un des marchés se répercutent sur les autres. Cette interdépendance des marchés permet l'adaptation au changement de l'activité économique.
Sur le marché, l'élément essentiel est le prix, qui oriente les décisions des agents comme une main invisible (Adam Smith), de telle façon que producteurs et consommateurs, par la poursuite de leurs intérêts, favorisent l'intérêt général.
Léon Walras puis Arrow et Debreu ont montré que les mécanismes d'ajustement du marché permettent à l'ensemble des marchés de se trouver simultanément en équilibre : c'est la théorie de l'équilibre général. A l'équilibre, aucun individu ne peut améliorer sa satisfaction sans détériorer celle d'un autre. Cette situation est appelée optimum de Pareto, nom de l'économiste W. Pareto qui développa cette théorie. Toutefois les hypothèses posées sont très restrictives. En effet on suppose ici une rationalité des agents, une concurrence pure et parfaite ainsi que l'absence de toute incertitude. De ce fait il s'agit plus d'un modèle théorique que d'une représentation concrète de l'économie.
Dans de nombreux cas, la régulation par le marché présente des failles et les auteurs divergent sur la portée de ce modèle : selon certains il est nécessaire de se rapprocher au plus près des hypothèses de concurrence pure et parfaite permettant la réalisation de l'équilibre, alors que d'autres, plus réalistes, cherchent à bâtir des modèles différents.
Pour que les mécanismes du marché mènent à l'équilibre général, certaines conditions doivent être réunies. Or il n'en est pas toujours ainsi :
Un autre point est que l'hypothèse de rationalité des agents est souvent discutée. Les incertitudes du temps empêchent également les individus de toujours prendre la meilleure décision.
Enfin, la répartition des revenus opérée par le marché, si elle est économiquement efficace, se caractérise par de fortes inégalités qui ne correspondent pas à l'idée que la société se fait de l'équité. L'Etat doit donc corriger ces inégalités
Finalement toutes ces imperfections expliquent que la régulation de l'économie ne soit pas laissée entièrement au marché, mais que la régulation opérée par celui-ci soit complétée par une intervention plus ou moins prononcée de l'Etat.