L’investissement est un enjeu économique essentiel. Prenant différentes formes, il modèle le capital technique et plus largement les capacités de production ultérieures. Il conditionne donc en partie le dynamisme d’une économie, sa capacité à croître et à se moderniser.
L’investissement est une dépense qui engage l’avenir, la décision d’investir est donc essentielle. Elle dépend notamment d’anticipations par nature incertaines mais qu’il est utile de connaître.
L’investissement est une dépense servant à ajouter du capital au stock déjà existant. C’est aussi le résultat de cet acte : une machine nouvelle est appelée un investissement. Cette définition générale peut déboucher sur différents types d’investissement : investissement technique, financier, humain.
L’économiste donne une définition plus restreinte de l’investissement : c’est l’achat de biens de production durables. On limite la notion aux dépenses visant à acquérir des biens servant directement et pendant plus d’un an à la production. Les investissements permettent aux unités de production de maintenir, d’augmenter et de moderniser leur capital technique.
L’investissement concerne le capital fixe, c’est-à-dire l’ensemble des moyens de production qui participent à plusieurs cycles de production. C’est pourquoi la comptabilité nationale parle de formation brute de capital fixe (FBCF). Ce capital est un stock qui varie en fonction d’un flux positif qui est l’investissement brut et d’un flux négatif correspondant aux déclassements dus à l’usure physique et à l’obsolescence (c’est-à-dire l’usure, voire le dépassement technique). L’investissement net correspond à la différence entre ces deux flux. Il mesure la variation de la capacité productive d’une entreprise ou d’un pays.
Il ne faut pas confondre l’investissement avec l’achat de consommations intermédiaires qui, elles, ne serviront qu’une fois et seront immédiatement détruites ou transformées. Il faut aussi éviter le terme d’« investissement financier » qui sème la confusion entre investissements et placements.
Parmi les investissements, on distingue les investissements matériels qui concernent les acquisitions physiques (achats de terrains, bâtiments, machines, véhicules…) et les investissements immatériels (ou incorporels) qui correspondent aux achats de logiciels, de brevets, de marques déposées, aux dépenses de recherche et développement, de formation du personnel, de publicité, marketing et aux autres dépenses commerciales.
Les investissements matériels comprennent :
La FBCF comprend l’investissement de l’ensemble des agents économiques résidents : les entreprises, les ménages (les investissements des ménages au sens de l’INSEE ne concernent que l’achat de logements, leurs autres achats relèvent de la consommation finale), l’État et les collectivités locales (équipements collectifs tels qu’écoles, armement…).
La FBCF inclut des biens (investissements physiques) et des services marchands lorsqu’ils sont inséparables des investissements matériels (par exemple en cas de réparation d’un équipement, on prend en compte les pièces et la main-d’œuvre) ou s’ils sont liés à des actifs incorporels (frais financiers). Mais, la notion de durabilité pose un problème dans la mesure où elle s’applique mal aux services. Ainsi, les acquisitions de biens incorporels (les brevets par exemple) n’apparaissent pas dans la FBCF, une partie est prise en compte dans les achats de consommations intermédiaires, ce qui exclut tout amortissement. L’investissement n’est donc qu’imparfaitement comptabilisé. On exclut également de la FBCF les achats de terrains. On considère que la FBCF correspond à l’investissement national, mais l’importance croissante des investissements immatériels relativise la pertinence de cette interprétation.
Quand on parle d’« investissement productif », on prend en compte la FBCF des SQS et des entreprises individuelles (le secteur institutionnel des « sociétés et quasi-sociétés » regroupe toutes les entreprises non financières sauf les entreprises individuelles) à l’exclusion de la FBCF des autres ménages et des administrations.
On mesure l’effort d’investissement d’une unité économique ou d’un secteur par son taux d’investissement : (I/VAB) x 100. On s’intéresse essentiellement au taux d’investissement des SQS (15,5 % en 1997 en France) ou des entreprises. On calcule aussi un taux d’investissement global qui traduit l’effort national (de l’ensemble des agents résidents) : (FBCF/PIB) x 100 (16,8 % en 1997 en France). Ces taux constituent une indication sur l’évolution de la production dans les années à venir, ils contribuent aux prévisions en matière de croissance.
Pour financer ses investissements, un agent économique dispose de différents moyens substituables ou complémentaires. La première alternative qu’il doit trancher concerne le recours à un financement interne ou externe. La seconde intervient lorsqu’il recourt à l’investissement externe, il doit alors choisir entre financement direct et indirect.
Le financement interne ou autofinancement : l’investisseur utilise ses ressources propres (partie de ses revenus épargnés, donc non immédiatement consommée). Pour une entreprise, cela suppose qu’ayant réalisé de bons résultats, elle ait donc un excédent brut d’exploitation (EBE) élevé et qu’elle dispose d’une épargne substantielle (à partir de son EBE, l’entreprise rembourse ses dettes, distribue des dividendes et provisionne des amortissements).
On mesure le taux d’autofinancement par le rapport suivant : épargne brute/investissement x 100. Un taux de 100 % signifie que l’épargne réalisée couvre les investissements projetés. L’agent économique (ou le secteur, ou la nation) a un besoin de financement si son taux d’autofinancement est inférieur à 100 % et une capacité de financement s’il est supérieur à 100 %. En 1997, le taux d’autofinancement des SQS en France était égal à 118 %, il dépasse chaque année 100 % depuis 1993 témoignant à la fois de la bonne santé financière des SQS et de la faiblesse de leurs investissements. Ce taux est un indice du niveau de confiance des entrepreneurs dans la rentabilité de leur unité de production et dans la conjoncture économique à venir.
Le financement externe consiste à faire appel à l’épargne d’autres agents économiques. Il vient généralement compléter l’autofinancement. Une entreprise réalise un financement externe soit en augmentant son capital, soit en s’endettant, soit encore en combinant les deux. Elle fait le pari que sa rentabilité sera suffisante pour lui permettre de verser des dividendes et/ou de rembourser ses dettes.
Le financement externe indirect recourt à des intermédiaires financiers auprès de qui on réalise un emprunt. En général, il s’agit d’un emprunt bancaire.
Le financement externe direct est, lui, réalisé sur le marché financier. Une entreprise peut y procéder à une émission d’actions qui conduit à une augmentation de son capital social et donc de ses fonds propres. Elle peut aussi émettre des obligations pour lever des fonds externes qu’il lui faudra rembourser.
L’autofinancement qui dépend notamment du niveau de l’épargne (donc des résultats des exercices antérieurs) est rarement suffisant dès lors que les projets d’investissements sont importants. Le recours à des fonds externes et à l’endettement ne doit pas être regardé comme une erreur de gestion, mais au contraire comme le fait d’une entreprise saine ayant des projets d’avenir.
L’augmentation de capital évite les remboursements, les dividendes dépendant des résultats et des choix de répartition de l’entreprise. Mais, elle conduit à ouvrir le capital social (à de nouveaux actionnaires) ou à en modifier la structure (poids des différents actionnaires déjà présents).
L’endettement évite ces problèmes mais implique des versements d’intérêts et/ou des remboursements fixes qui ne dépendent pas de l’activité. Un investissement n’étant pas forcément immédiatement rentable, cette contrainte peut être lourde. L’endettement est avantageux si le rendement des investissements est durablement supérieur au taux d’intérêt.
Un investissement est rentable si son coût est inférieur aux revenus qu’il entraînera. L’entrepreneur fait donc un calcul de rentabilité en comparant le coût de l’investissement et son rendement espéré, il en déduit le profit (P) escompté de l’année 1 à l’année n : P1 + P2 + … + Pn. L’investissement est réalisé si : P1 + P2 + … + Pn > 0. On calcule ainsi un rendement qui est égal au rapport entre les profits escomptés de l’investissement et ses coûts.
Mais ce calcul est incertain car il inclut différentes variables qui ne peuvent être qu’anticipées : l’évolution de la valeur de la monnaie (on ne connaît pas le niveau qu’atteindra l’inflation), la durée de vie de l’investissement (l’obsolescence est plus difficile à prévoir que l’usure physique), la vente de la production qui permettra la réalisation des profits escomptés. Ces estimations par avance (on dit aussi ex ante) ne peuvent qu’être aléatoires.
Le niveau des profits déjà réalisés dont le taux de marge (rapport entre l’EBE et la VAB) donne une idée constitue un autre élément décisif. Le profit qui est l’objectif de l’entreprise capitaliste est un facteur-clé de l’investissement : il s’agit aussi bien du profit à venir que du profit espéré. La rentabilité escomptée de l’investissement est liée aux profits tirés du capital déjà engagé : investir n’est guère attractif si le capital déjà investi rapporte peu, c’est au contraire attirant si la rentabilité est élevée. En outre, l’EBE alimente l’autofinancement au moins partiel des investissements. Enfin, un profit élevé facilite une augmentation de capital (en attirant des souscripteurs intéressés par des dividendes substantiels et des bonnes perspectives de revente) et donne confiance aux prêteurs (banques ou épargnants).
Dans une approche rationnelle des agents économiques, la rentabilité est la variable déterminante. La réalité montre pourtant que la décision d’investir n’est pas totalement rationnelle.
La demande effective est essentielle du point de vue keynésien. Une anticipation à la hausse a un effet incitatif : une entreprise maintiendra et a fortiori accroîtra sa production si elle prévoit un accroissement des débouchés. La réalisation de l’investissement pour répondre à une telle anticipation suppose toutefois plusieurs conditions : la saturation des capacités de production (sinon, le surcroît de demande sera satisfait par une plus grande utilisation des équipements actuels), l’insuffisance des stocks (sinon, il suffira de les écouler), la capacité de répondre en termes de qualité et de prix (pour qu’un surcroît de production trouve preneur).
On peut ajouter une condition supplémentaire : le climat de confiance ou de méfiance en l’avenir dans lequel évoluent les entrepreneurs. Cette dimension socio-psychologique renvoie à ce qu’une économiste keynésienne nommait « l’esprit animal des entrepreneurs » pour évoquer un certain instinct grégaire. Bien qu’assez peu rationnelle, cette variable pèse souvent lourd. On comprend ainsi l’acharnement que mettent les différents gouvernements à convaincre les entrepreneurs que la conjoncture leur sera favorable et qu’ils peuvent avoir confiance.
L’endettement contribuant à financer l’investissement, il vaut mieux que le taux d’intérêt (coût de l’endettement) soit inférieur au taux de profit, il s’agit du taux d’intérêt réel (taux nominal diminué de l’inflation). Si le taux d’intérêt est supérieur à la rentabilité économique, l’entreprise a intérêt à se désendetter ou à placer son épargne. Un taux d’intérêt réel élevé décourage plutôt l’investissement des entreprises.
On appelle taux de profitabilité du capital (donc d’un investissement) la différence entre taux de profit du capital productif et le taux d’intérêt. On prend en considération le taux d’intérêt réel à long terme sur le marché financier. Si la profitabilité est négative (voire faible), il devient plus intéressant de réaliser des placements que des investissements. Les entrepreneurs réalisent donc en fait un arbitrage entre ces deux usages alternatifs de leur épargne. La relative faiblesse de l’investissement des entreprises françaises durant la décennie 90 pourrait s’expliquer, au moins en partie, par le niveau élevé des taux d’intérêt réels qui les inciterait à placer plutôt qu’investir.