Il fait partie des économistes libéraux américains qui ont travaillé au renouveau de la pensée libérale dans le monde depuis la fin des années 70. Ceux-ci s’opposent radicalement à la pensée keynésienne en préconisant le désengagement de l’État, la privatisation des entreprises et la déréglementation de certaines activités. On considère Friedman comme le chef de file de l’école monétariste.
Sa pensée s’oppose à celle des néo-classiques. Remettant en question le caractère autorégulateur du marché, il explique pourquoi le chômage persiste dans les années 30 malgré la baisse des salaires, et propose des solutions pour revenir au plein-emploi, notamment dans la Théorie générale de l’emploi de l’intérêt et de la monnaie (1936).
Le chômage dans les pays industrialisés depuis le début des années 70 est un événement majeur de l’histoire économique. L’évolution du chômage est différente selon les pays et illustre non seulement la complexité du phénomène mais aussi un succès inégal des mesures qui sont prises. Avec le chômage se dessinent en fait des questions plus larges sur l’emploi et le sens du travail dans nos sociétés modernes.
Cette séquence se propose d’analyser le chômage dans ses manifestations et ses causes ainsi que les politiques de l’emploi.
On mesure mieux les effets de la crise sur le marché du travail si on se rappelle que dans les années 60 en France, le taux de chômage était de l’ordre de 3 % ; il concernait environ 300 000 personnes et sa durée était courte. En fait, le chômage était conjoncturel, lié à des phases de ralentissement économique, ou frictionnel, c’est-à-dire lié à des délais d’ajustement – courts – entre qualifications offertes et demandées, ou des écarts géographiques entre les offres et les demandes d’emplois.
Le chômage commence en fait à progresser avant le premier choc pétrolier de 1973. Il s’accompagne de tensions inflationnistes qui s’accumulent dans le monde industrialisé. Après une phase générale de hausse, les pays industrialisés connaissent dans les années 80 des évolutions différentes.
Le maintien d’un niveau élevé de chômage caractérise les économies européennes – sauf la Grande-Bretagne –. Les États-Unis et le Japon (jusque ces dernières années) ont réussi en apparence à endiguer sa croissance. Une diminution du chômage en France et en Allemagne s’observe depuis 1997 alors que la situation japonaise est en nette détérioration.
Le chiffre officiel du chômage en France est de 2,9 millions en janvier 1999 (catégorie 1 de l’ANPE) ou de 4,3 millions si on compte l’ensemble des inscrits à l’ANPE. La montée du chômage en France se double d’un allongement de sa durée : en 1998, la durée moyenne du chômage est de 16 mois (12,4 mois en 1993) et 41,1 % des chômeurs le sont depuis plus d’un an (31,4 % en 1993).
La courbe de Phillips (cf. séquence16) nous enseigne que le chômage favorise une tendance à la baisse des salaires, donc des coûts de production et des prix. Or, de 1973 à 1982, c’est l’inverse qui se produit : la montée du chômage s’accompagne de fortes poussées de l’inflation, qui culmine en 1981 à 14 % en France : on parle alors de stagflation.
Par la suite, dans les années 80 et jusqu’à maintenant, la désinflation s’est accompagnée du maintien en Europe d’un chômage élevé. Les taux aujourd’hui très faibles de l’inflation (entre 0 et 1 % en 1998) font redouter une déflation qui se traduirait par un ralentissement de l’activité et une accentuation du chômage.
Le coût du travail est souvent avancé comme explication du chômage. Les économistes néo-classiques pensent ainsi que le niveau des salaires et des charges sociales explique la faiblesse des embauches. On préconise alors une baisse du coût du travail pour stimuler l’emploi, une suppression du SMIC, un allégement des charges sociales etc. L’exemple américain est à cet égard instructif. Les salaires, plus flexibles (à la baisse et à la hausse) ont favorisé les fortes créations d’emplois (+ 13 millions d’emplois crées entre 1985 et 1997, un taux de chômage inférieur à 5 %). Néanmoins, à propos de la France trois observations sont nécessaires :
De plus, faire reculer le chômage par une baisse générale des salaires peut conduire à un affaiblissement de la demande et de l’activité économique, préjudiciable pour l’emploi. En outre, les salariés, moins payés, se sentent moins reconnus dans l’entreprise et s’impliquent moins dans leur travail.
Une diminution des charges sociales risque enfin de porter atteinte au financement de la protection sociale. Si les entreprises n’augmentent pas les salaires, les individus se trouvent démunis en cas de chômage, maladie, retraite. C’est ainsi que les États-Unis se trouvent aujourd’hui avec des millions de personnes sans protection sociale.
On peut évoquer ici le déclin des effectifs dans l’industrie lié à la mécanisation, où encore l’exemple de l’agriculture qui a vu « fondre » pour les mêmes raisons ses effectifs. Il faut cependant noter que les gains de productivité engendrent du chômage seulement si la production n’augmente pas au même rythme (cf. séquence 3). Les gains de productivité élevés des années 60 n’empêchaient pas un chômage très faible dans l’ensemble des pays développés. La théorie de la compensation (A. Sauvy) nous a appris que, sur le long terme, le progrès technique est créateur d’emplois (cf. séquence 7). La productivité, facteur de compétitivité, permet aux entreprises de maintenir leurs parts du marché national ou à l’exportation, ce qui favorise la production et l’emploi.
Enfin, la productivité est le résultat des choix de l’entreprise dans le domaine de la technologie, de l’organisation du travail et la formation de la main-d’œuvre. Vouloir ralentir ce processus (et avec lui des progrès appréciables) pour favoriser l’emploi serait un non-sens.
On donne souvent en exemple l’industrie textile ou électronique où une part importante de la production est délocalisée vers des pays à bas coûts de main-d’œuvre. Le secteur de l’édition même est concerné avec la délocalisation des opérations de saisie informatisée. Mais l’internationalisation est une explication partielle du chômage. L’essentiel du commerce international des pays développés se fait entre eux (exemple du commerce intra-européen). Les échanges avec les PED où la main-d’œuvre est moins chère restent limités et ne suffisent pas pour expliquer le chômage. De même, la logique qui oriente les investissements à l’étranger est une recherche de débouchés. Les délocalisations se font donc principalement vers des pays riches. On montre ainsi qu’il est difficile d’expliquer le chômage par la mondialisation.
Certains ont vu dans le chômage le résultat de la croissance de l’activité féminine ou de l’immigration. En réduisant l’une et l’autre, on résoudrait le problème.
Les femmes ont toujours été « présentes » dans l’activité économique. C’est la salarisation de leur travail qui est récente. On ne peut donc leur imputer la responsabilité du chômage, d’autant plus que leur activité crée des emplois liés à la garde des enfants ou à l’augmentation du revenu des ménages. Par ailleurs, la population active immigrée a très peu augmenté depuis 1975, ce qui n’a pas empêché la hausse du nombre de chômeurs.
On peut encore rappeler que les femmes, comme les immigrés, constituent une main-d’œuvre moins coûteuse pour les employeurs et malgré tout plus exposée au chômage.
Les femmes sont plus exposées au chômage, particulièrement chez les moins de 25 ans où le taux atteint 30 %. Généralement moins qualifiées que les hommes, elles sont, de plus, souvent employées dans des secteurs de main-d’œuvre où la concurrence et la modernisation des entreprises conduisent à des réductions d’emplois. À ceci s’ajoute une discrimination à l’embauche notamment pour les postes les plus qualifiés.
La France est un pays où le chômage des jeunes est particulièrement élevé, malgré l’élévation régulière du niveau de formation.
Les employeurs ont tendance à privilégier une expérience professionnelle que les jeunes ont du mal à acquérir.
Les risques de chômage comme les chances de retrouver un emploi sont inégaux. Moins touchés par le chômage, les cadres mobilisent un réseau de relations qui leur permet de retrouver plus facilement – en principe – un emploi. Les catégories moins qualifiées sont davantage exposées au chômage de longue durée.
En première analyse, ces données soulignent la protection qu’offrent les diplômes contre le chômage. La gestion des entreprises devient plus complexe dans le domaine technique, commercial ou financier, ce qui accroît les besoins en main-d’œuvre qualifiée.
Une analyse fine des chiffres est aussi nécessaire. L’étude du marché du travail (cf. séquence 3) montre que les emplois non qualifiés, bien qu’en diminution, restent majoritaires dans l’économie. La crise de l’emploi provoque une concurrence entre les salariés. Faute d’emplois qualifiés en nombre suffisant, les salariés diplômés acceptent d’occuper des emplois peu qualifiés, ce qui pénalise les individus sans qualification. Le niveau du chômage autorise les entreprises à recruter les « meilleurs » des salariés même pour occuper des postes peu qualifiés. Cette évolution tend à déprécier la valeur des diplômes mais provoque aussi certaines désillusions chez les jeunes diplômés.
Ce gâchis des compétences est un dysfonctionnement majeur du marché du travail en France que l’on ne peut que regretter. La solution n’est donc pas seulement de « produire » toujours plus de personnes diplômées, comme le souhaitent les pouvoirs publics, mais de stimuler en même temps la création d’emplois qualifiés.
Les politiques conjoncturelles et structurelles (cf. séquence16) ont des incidences sur l’emploi. On étudie ici les mesures spécifiques au marché du travail.
Avant la crise, la création de l’AFPA (1966) ou de l’ANPE (1967) répondait au souci de favoriser la mobilité de la main-d’œuvre. Avec la montée du chômage, la politique de l’emploi change de nature. Il s’agit de réduire le chômage en agissant sur le nombre d’actifs (l’offre de travail) et en favorisant la création d’emplois (la demande de travail).
Pour adapter les qualifications aux emplois, on accentue la formation professionnelle, surtout après 1981. En 1982, l’âge de la retraite est abaissé à 60 ans. L’extension des préretraites (à 55 ans) jusqu’en 1985 permet de réduire le nombre d’actifs, d’éviter le chômage de travailleurs âgés mais coûte très cher à la collectivité. Enfin, diverses formules de « salaire parental » favorisent le retrait d’activité des femmes pour élever leurs enfants.
À partir des années 80, le traitement social du chômage va permettre aux entreprises de recruter une main-d’œuvre moins coûteuse grâce aux différents dispositifs comme des primes à l’embauche ou des allégements de charges sociales. Il s’agit souvent de mesures ciblées sur des populations en difficultés d’insertion : jeunes, chômeurs âgés ou de longue durée, titulaires du RMI, handicapés. Par ces contrats, qui ont parfois une durée déterminée, les entreprises s’engagent en principe, en échange des aides, à former le personnel, comme dans le cas des stages d’insertion à la vie professionnelle ou des contrats de qualification. En 1995, est créé le « contrat initiative emploi » qui permet, pour une embauche, non seulement une exonération de charges sociales mais donne droit aussi à une prime pour l’employeur (2 000 francs par mois pendant 2 ans).
À partir de 1993, c’est l’ensemble des bas salaires – donc des emplois peu qualifiés – qui bénéficie d’allégements de cotisations sociales (en 1996, cinq millions de personnes sont concernées et le coût est de 40 milliards de francs).
Les pouvoirs publics ont aussi créé des emplois dans le secteur non marchand (éducation nationale, assistance sociale, police…) : recrutement de fonctionnaires en 1981, contrats emploi solidarité (CES) à partir de 1990 et « emplois-jeunes » à partir de 1997.
La flexibilité du travail ne s’est sans doute pas autant développée en France qu’aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. On relève toutefois des évolutions très significatives : depuis 1987, différentes mesures permettent de moduler les horaires de travail dans les entreprises (annualisation, ouverture le dimanche…). Les contraintes liées à l’embauche sous CDD sont allégées. Dès 1992, on favorise l’emploi à temps partiel par un abattement sur les charges.
Les premières remontent à 1982 : passage aux 39 heures par semaine, cinquième semaine de congés payés. En 1996, la loi Robien incite par des primes les entreprises à réduire le temps de travail. En 1998, la loi impose les 35 heures à partir de l’an 2000 dans les entreprises de plus de 20 salariés. Des aides sont accordées si les 35 heures permettent de créer ou de maintenir des emplois.
En matière d’emploi, les pays industrialisés ont fait des choix différents : en Grande-Bretagne, aux États-Unis, le libéralisme et la flexibilité ont fait baisser le niveau du chômage mais au prix d’une forte précarité, d’une croissance des inégalités et d’un affaiblissement de la cohésion sociale. Au Danemark, on mise sur les congés-formation, aux Pays-Bas, sur le travail à temps partiel, avec un certain succès. Le bilan en France est mitigé : après l’échec de la relance keynésienne de 1982, le chômage a poursuivi sa montée malgré les 2,5 millions de bénéficiaires par an des mesures dont le coût s’est accru : la dépense totale pour l’emploi est de 4 % du PIB, soit près de 300 milliards de F (dont 120 pour l’indemnisation). La flexibilité souhaitée par les entreprises et encouragée par les pouvoirs publics n’a pas suscité autant d’emplois qu’on ne l’espérait et a plutôt favorisé la précarité. En 1999, le gouvernement Jospin poursuit une politique d’abaissement du coût du travail peu qualifié. Enfin il est trop tôt pour faire un bilan de la loi sur les 35 heures. On estime à 100 000 le nombre d’emplois créés ou maintenus en 1999 grâce à la loi, ce qui est inférieur aux prévisions.