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Changement social et inégalités

1 L'idéal égalitaire

1.1 La société démocratique

La démocratie a deux dimensions :

  • politique : elle décrit un régime caractérisé par la pluralité des partis en concurrence auprès de l’électorat pour obtenir le pouvoir.
  • sociale : elle vise l’égalisation des conditions

La démocratie est donc une forme d’organisation politique et sociale qui doit assurer aux individus la maîtrise de leur destin individuel et collectif, et où la liberté ne s’arrête que là où commence celle d’autrui.

L’égalisation des conditions est favorisée par :

  • l’égalité juridique : les individus ont dès leur naissance les mêmes droits et les mêmes devoirs
  • la transmission des valeurs égalitaires au cours de la socialisation
  • la mobilité sociale qui permet aux individus de changer de statut social (contrairement aux sociétés caractérisées par l’hérédité -transmission de statut et de métier)

1.2 La notion d'égalité

La justice, élément de la démocratie

L’égalité juridique favorise l’égalité de traitement. On distingue :

  • la justice distributive, fondée sur le mérite vise à l’attribution d’honneurs et de droits en rapport à la contribution et à l’effort.
  • la justice correctrice qui vise à sanctionner le non-respect des lois. La peine est en principe proportionnée à la faute.
L’égalité sociale

Au sens social et sociologique, l’égalité se confond avec l’égalité des chances. Une société égalitaire met donc tous les individus au même niveau en leur accordant une égale possibilité d’accéder aux richesses et au prestige. Cette vision nécessite une intervention extérieure (état) qui corrige les inégalités de naissance.

L’équité

L’équité dépasse la notion d’égalité. Elle considère qu’il faut corriger les inégalités sociales de départ par un traitement inégal des personnes en aidant davantage les défavorisés par la naissance pour leur permettre un rattrapage.

Mesure des inégalités

Il peut s’agir d’écarts absolus ou relatifs par rapport à la moyenne ou par rapport à des extrêmes. Mais des outils aident à être plus précis dans l’étude de la distribution :

  • la médiane partage en deux effectifs égaux une série
  • les rapports inter quantiles partagent la population en tranches
  • la courbe de concentration ou courbe de Lorentz


Si des grandeurs ne sont pas égales (salaires), cela ne signifie pas nécessairement qu’il y a inégalité au sens d’injustice car ces différences peuvent se justifier par des mérites, des qualifications, des efforts différents.

2 La croissance réduit-elle les inégalités ?

2.1 La croissance favorise l'égalité

Améliorations quantitatives et qualitatives

La croissance définie en termes économiques, s’appuie notamment sur la croissance du pouvoir d’achat et des consommations. Elle permet l’élévation du niveau de vie et transforme les modes de vie. Ainsi la croissance d’après-guerre a contribué à ces améliorations quantitatives et qualitatives et a réduit certaines inégalités (espérance de vie, accès à l’école, à la consommation, à la protection sociale)

La redistribution Mais la croissance n’est pas le seul moyen de réduire les inégalités. A la répartition primaire des richesses, il faut ajouter le système de redistribution étatique, correcteur des inégalités initiales. La redistribution comprend l’ensemble des prélèvements (cotisations sociales et impôts) et des réaffectations (prestations sociales et consommations collectives) de ressources opérées par les administrations publiques affectant les revenus des ménages.

On distingue la :

  • répartition horizontale dans laquelle le bien-portant paye pour le malade, l’actif pour le retraité
  • répartition verticale qui envisage l’effet des positions relatives de l’ensemble des catégories sociales (riches vers pauvres)

L’état est le principal agent de cette redistribution. Il a une intervention correctrice qui peut aller au-delà de la réduction des inégalités de naissance. Cela peut conduire à une politique égalitariste, voulant l’atténuation de toute différence entre les citoyens.

Cette démocratie de l’Etat-providence va plus loin que la « démocratie de propriétaires » (John Rawls) où l’on propose d’établir l’égalité des chances mais où les inégalités peuvent être jugées justes car révélatrices de différences de talents.

2.2 Les freins à l'égalisation

La thèse du rattrapage

D’inspiration libérale, la thèse du rattrapage fait le lien entre croissance et progrès de l’égalité. Le rattrapage est un processus à deux dimensions :

  • économique puisque la croissance est garante d’une homogénéisation des consommations des différents groupes sociaux.
  • sociologique : les strates inférieures cherchent à obtenir une consommation identique à celle des strates supérieures. La démarche « suiviste » assure la généralisation de la norme « leader ».
Des volontés de se différencier

La thèse de la distinction de Bourdieu met en évidence les stratégies de distinction. Ceux qui disposent des ressources les plus importantes tentent de se distinguer en inventant de nouveaux modes de consommation et de comportements.

L’analyse d’inspiration marxiste. Les consommations ne sont pas neutres vis-à-vis de la structure sociale. Les classes bourgeoises surconsomment des produits de luxe intégrant une forte quantité de travail et contribue à l’exploitation de la classe des travailleurs. Toute augmentation des inégalités sociales engendre une surconsommation.

2.3 L'égalité freine la croissance

Pour les libéraux, l’égalitarisme est accusé de détériorer l’efficacité productive car elle remet en cause les incitations à produire plus et mieux.

  • ralentissement par le haut : risque de passivité et de manque de motivation des plus industrieux si les rémunérations ne tient pas en compte le talent et la productivité
  • ralentissement par le bas : la redistribution sur des critères de justice et non d’efficacité crée une distorsion entre effort productif et rémunération. L’incitation à travailler se réduit pour les moins productifs car les minima sociaux et les revenus minimum permettent de gagner presque autant sans travailler.

3 La mobilité sociale

3.1 Définir la mobilité sociale

Une société stratifiée distribue de façon inégale des droits et des devoirs, ce qui crée une hiérarchie sociale (économique, culturelle). La position sociale est référée statistiquement au statut professionnel qui classe les individus en CSP.

  • La mobilité sociale désigne le passage d’une strate à une autre. On l’observe à l’échelle de l’individu (mobilité intragénérationnelle) ou entre deux générations (mobilité intergénérationnelle).
  • La mobilité est ascendante si le passage se fait vers une strate « supérieure »
  • La mobilité est descendante si l’individu régresse dans l’échelle sociale
  • La mobilité peut être verticale si l’individu change de strate
  • La mobilité peut être horizontale si le changement n’affecte pas la hiérarchie sociale.

3.2 Evaluer la mobilité sociale

La mobilité peut être voulue ou subie par les individus.

  • La mobilité totale désigne l’ensemble des changements de strates.
  • La mobilité structurelle désigne des mouvements résultant de la modification de l’appareil productif. Elle est subie car les actifs ne peuvent plus occuper une profession qui a disparu en raison des évolutions technologiques ou sociales.
  • La mobilité nette est la différence entre la mobilité totale et la mobilité structurelle. C’est la plus adéquate pour évaluer la mobilité puisqu’elle neutralise les mobilités dues aux transformations des structures économiques.

3.3 Ecole et mobilité sociale

La reproduction

Pour Bourdieu, l’égalité des conditions est contrariée par l’existence de capitaux qui par leur transmission contribue à la reproduction des inégalités de générations en générations. L’hérédité et la reproduction des structures de classe s’expliquent donc par la transmission du capital sous différentes formes :

  • le capital économique : richesses -revenu, patrimoine- par la transmission de l’outil de travail, les enfants héritent aussi d’un statut social.
  • le capital culturel : ensemble de qualifications intellectuelles socialement sanctionnées
  • le capital social : composé de manières d’être et de savoirs sociaux, il facilite l’accès à des milieux où capital économique et culturel ne sont pas suffisants. C’est un ensemble de ressources que l’individu dispose en raison de son appartenance à un groupe social et qu’il peut mobiliser pour favoriser sa réussite professionnelle

Pierre Bourdieu a monté que l’école participe à la reproduction sociale et ceci d’autant mieux qu’elle le fera à l’insu de ses propres agents. Les savoirs et les compétences jugées sont celles que possèdent les classes supérieures. L’école impose une « culture légitime » qui est facilement accessible aux élèves des catégories favorisées. Les qualités qu’elle récompense sont naturelles pour ces enfants alors qu’elles sont le résultat d’un héritage culturel dont n’ont pas bénéficier les enfants et classes populaires.

L’inégalité des chances

L’inégalité sociale vient de ce que les individus évaluent différemment une même situation en fonction de leur origine sociale. Pour Boudon, lorsque l’individu prend une décision, il compare les coûts (dépenses monétaires, temps consacré) d’une action aux gains qu’il peut en tirer (gains monétaires, prestige).

Or l’origine sociale modifie les comportements et les décisions. Les classes « inférieures » sous-estiment le bénéfice qu’ils pourraient tirer d’une action et ne l’entreprennent pas (ex : poursuite d’études)

Ensuite, l’individu raisonne par rapport à ses parents. Ainsi deux personnes occupant la même position sociale, celui dont les parents occupent une position supérieure à la sienne sera motivé pour améliorer son sort alors que l’autre ayant dépassé la position de ses parents se sentira suffisamment récompensé de ses efforts. Il y a bien inégalité des chances liée à l’origine sociale, ce qui explique en partie l’inertie sociale.

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