À proprement parler, l’humanisme et la Réforme dépassent largement le domaine des lettres, puisqu’ils concernent aussi bien la philosophie, le droit, la religion ou la morale. Mais ces courants d’idées se caractérisent tous deux par un retour à la source des textes, et les auteurs du siècle se sont souvent engagés dans l’une et l’autre voie.
L’enseignement de l’Université, la scolastique*, semble au xvie siècle sclérosé, suranné et stérile. De jeunes maîtres proposent alors une étude nouvelle, celle des humanités, un mot d’origine latine et qui désigne la culture. Les humanistes, donc, s’intéressent aux textes anciens, hébreux, grecs ou latins, qu’ils apprennent à lire dans la langue originale. Leur travail est avant tout un immense chantier philologique* : il s’agit d’éditer, de traduire et d’expliquer les œuvres du passé. Cette entreprise suppose une réflexion linguistique à laquelle s’attachent entre autres Guillaume Budé dans ses Commentaires sur la langue grecque et Étienne Dolet dans son traité De La Manière de bien traduire d’une langue en autre. D’autres militent en faveur de la jeune langue française, comme Du Bellay dans sa Deffence et illustration de la langue française, ou Henri Estienne avec sa Précellence de la langue française.
Les humanistes veulent en somme faire renaître les « bonnes lettres », et rivaliser avec les anciens qu’ils cherchent à imiter : Ronsard et sa Pléiade suivent les traces du poète grec Pindare et du poète italien Pétrarque ; Garnier, Jodelle et Montchrestien redonnent vie au théâtre ; Platon, Plutarque et Sénèque sont relus avec enthousiasme. C’est qu’ils ont une haute ambition, ils veulent instituer, former ou réformer l’homme, à l’instar de Rabelais ou de Montaigne, mais aussi l’État, comme La Boétie, Bodin ou Guillaume Du Vair. Mais à la fin du siècle, les ambitions déçues et les malheurs du temps donnent lieu à une poésie baroque*, souvent plus sombre comme chez Jean de Sponde, ou plus vindicative, comme le sont Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné.
L’apport fondamental de la pensée humaniste, si tant est qu’il soit possible de tirer une pensée commune d’une si grande diversité d’auteurs, réside dans la place nouvelle qu’elle accorde à l’homme en général, dans l’univers et dans la cité, dans la mesure où il s’agit de définir une sagesse nouvelle.
Dans son appétit de connaissance, le courant humaniste désire embrasser l’univers entier, au sein duquel il considère l’homme face à Dieu. Ronsard, par exemple, entend « découvrir les secrets de Nature et des Cieux » et la poésie scientifique, le Microcosme de Maurice Scève ou La Semaine de Du Bartas, révèle toute son ambition encyclopédique. Il s’agit de repenser le cosmos et la magnificence de la Création divine, en y intégrant à l’occasion les méditations philosophiques du néo-platonisme ou les données ethnographiques des grands voyageurs. On tente de déchiffrer les analogies universelles, et notamment entre le microcosme, ce petit univers qu’est l’homme, et le macrocosme, le grand univers. Mais l’harmonie du monde n’est-elle pas menacée par la dégradation inéluctable de toute chose ?
Les humanistes veulent également redéfinir la place de l’homme
Au fond, les humanistes sont en quête d’une morale nouvelle, qui concilie la sagesse païenne et la foi chrétienne. Ils reviennent au texte même des Écritures, et ils relisent les philosophes antiques. La vogue nouvelle du stoïcisme*, du scepticisme* et de l’épicurisme*, qui tentent volontiers Montaigne, s’explique ainsi. La dignité de l’homme, un moment exaltée, est bientôt tempérée par un sentiment de juste mesure, et l’exigence du « connais-toi toi-même » apparaît souvent comme une invitation au recueillement et à la méditation.